Une semaine avec la Tudor Black Bay GMT

La Tudor Black Bay GMT fut l'une des stars de la dernière édition de Baselworld. Elle s'est retrouvée sous les feux du projecteur du fait de ses qualités intrinsèques et de la présentation concomitante de la Rolex GMT-Master II en acier, provoquant la publication de milliers d'articles comparant les deux montres. Je n'ai pas échappé à cette déferlante puisque j'ai également écrit un article sur le même thème même s'il était avant tout consacré aux orientations stratégiques des deux marques.

Plusieurs mois après Baselworld, j'avais envie de revoir cette Tudor Black Bay GMT dans un contexte plus apaisé et j'ai envie de dire, plus déconnecté de Rolex. Alors évidemment, une des principales critiques qui furent formulées lors de Baselworld à l'encontre de Tudor était de reprendre des codes esthétiques "Rolex" et par-delà même de retomber dans une sorte de dépendance vis-à-vis de sa grande soeur, comme si la marque avait du mal à exister par elle-même.


Je n'étais pas d'accord avec cette analyse et je l'ai exprimé dans mon article. Il me restait cependant à valider mes impressions premières à l'égard de la Tudor Black Bay GMT et à apprécier ses propres qualités sur une période plus longue que celle de la découverte, forcément rapide, à Baselworld. Grâce à Tudor France, j'ai eu le privilège de porter la montre pendant une semaine. Malheureusement, je n'ai pas eu l'occasion de voyager avec mais, et c'est la vertu d'une montre de voyage... on peut rester dans sa ville tout en profitant des avantages d'une pièce qui affiche plusieurs fuseaux! Une montre de voyage ne sert pas uniquement aux voyageurs mais aussi à toutes les personnes qui sont amenées à avoir des contacts réguliers avec des interlocuteurs à l'étranger. Bref, la Tudor Black Bay GMT peut être aussi une montre de travail.

La Tudor Black Bay GMT possède deux grands atouts: le sérieux de son exécution et son ergonomie. Le sérieux de l'exécution se ressent dans de multiples détails qui mettent en valeur la qualité des finitions et dans son aspect robuste.

Le boîtier apparaît de prime abord comme massif. D'ailleurs, ses dimensions sont généreuses: un diamètre de 41mm pour une épaisseur de 15mm. Heureusement, le diamètre perçu est inférieur du fait de la largeur de la lunette et du cadran noir. L'épaisseur ne m'est pas apparu comme rédhibitoire. D'abord l'alternance de parties polies et satinées casse l'uniformité. Ensuite, lorsque la montre est équipée du bracelet métal, ses lignes semblent alors plus fluides. C'est moins le cas avec le nato qui laisse apparaître de façon plus sensible la hauteur du boîtier.


Le rendu de la lunette équipée d'un insert en aluminium éloxé bordeaux/bleu mat est très agréable. Les couleurs ne sont pas agressives et offrent une joli palette selon les conditions de lumière. Lorsque la lumière est forte, elles gagnent en vivacité sans trop s'éclaircir. Lorsque la lumière est faible, la lunette "pepsi" (notez les guillemets) a tendance à se transformer en lunette "coke" puisque le bleu tire vers le noir. Cette transformation n'est pas pour me déplaire et en tout cas j'ai beaucoup aimé le choix de ces deux couleurs que j'ai trouvé raffinées.

Le rendu du cadran est lui aussi convaincant avec un fond noir lumineux qui met en valeur la finition excellente des index et des aiguilles. La forme de la glace saphir bombée contribue aussi à la qualité perçue et donne une agréable touche rétro à la montre.

Le bracelet acier est lui un autre élément valorisant de la Tudor Black Bay GMT. La montre que j'ai essayée était équipée du bracelet nato, d'excellente facture (et cette fois-ci, qui avait la bonne largeur...). Mais j'avais pu juger précédemment de l'efficacité du bracelet métal qui apporte un confort incomparable et une cohérence esthétique en adoucissant la hauteur du boîtier. L'écart de prix entre la version à bracelet métal (3.650 euros) et les deux autres versions (cuir ou nato vendues à 3.350 euros) étant minime, selon moi, il n'y a aucune discussion possible: c'est la version à bracelet acier qui est la plus pertinente.


La robustesse se ressent donc à travers le gabarit du boîtier mais également dans la sensation procurée par l'utilisation de la couronne qui se dévisse et se tire de façon nette et précise. C'est un point important car le réglage de la montre nécessite 2 positions de la couronne tirée en sus de la position habituelle permettant le remontage manuel. Tudor a en outre une explication à disposition pouvant justifier l'épaisseur du boîtier: la montre est étanche à 200 mètres. Du point de vue de l'usage, une telle étanchéité ne sert pas à grand chose mais elle renforce le sentiment de confiance que la montre dégage.

Le caractère robuste de la Tudor Black Bay GMT serait vain si la montre n'était pas facile et pratique à utiliser. Sur ce point, elle peut même être considérée comme une référence. 

Tout d'abord, la montre est lisible. Les index, les aiguilles luminescents se détachent nettement du fond du cadran et même si les reflets sont bien présents sur la glace, la lisibilité demeure optimale. J'ai cependant un reproche à formuler: j'aurais aimé que l'aiguille des 24 heures ait une forme différente de celle de la trotteuse ou de l'aiguille des heures. Cette cohabitation de 3 aiguilles "snowflake" peut générer une petite confusion. Je la considère aussi comme un peu trop excessive du point de vue esthétique.

Ensuite, les performances du mouvement de manufacture MT5652 sont excellentes: l'efficacité au remontage est parfaite (je n'ai jamais eu à remonter manuellement le mouvement même si je ne portais la montre que quelques heures par jour), la réserve de marche est confortable (70 heures), la certification chronomètre mais surtout la gestion du second fuseau est idéale.


Le mouvement a été conçu pour les voyageurs et cela se ressent. Une fois l'heure de référence réglée (ce qui s'opère en tirant la couronne au maximum et en utilisant l'aiguille des 24 heures), il suffit par la suite de régler l'heure locale en tirant la couronne en position intermédiaire et d'avancer ou reculer l'aiguille principale des heures par pas d'une heure. Le système est simple comme bonjour et extrêmement pratique (je rappelle que la couronne se manipule avec aisance). La seule petite gymnastique qu'il impose est de régler en premier l'heure de référence puisque c'est elle qui commande l'aiguille des minutes.

Un tel mouvement n'est pas anodin. D'abord, sa construction est intégrée ce qui est appréciable et pratique en cas d'intervention de l'horloger. Ensuite, il gère sans problème les passages de date en avant et en arrière en avançant ou reculant l'aiguille des heures de l'heure locale. D'ailleurs la date de l'heure locale se règle exclusivement en bougeant cette aiguille.

La Tudor Black Bay GMT permet aussi d'afficher un troisième fuseau pour ceux qui ne sont pas effrayés par les écrans de type Bloomberg TV. Le réglage de l'heure de référence et de l'heure locale s'effectue lorsque la lunette est en position neutre (triangle à midi). Si le troisième fuseau a 6 heures d'avance par rapport à l'heure de référence, il suffit de positionner le 6 de la lunette à midi et l'heure de ce fuseau additionnel se lit grâce à l'aiguille des 24 heures. Il suffit de remettre la lunette en position neutre pour que l'aiguille des 24 heures indique de nouveau l'heure de référence.

C'est simple, c'est efficace et cela répond parfaitement à ce que j'attends d'une montre de voyage. Alors évidemment une telle montre ne gère pas les fuseaux décalés du type Iran ou Inde ce qui est dommage. Mais soyons honnêtes: de tels fuseaux exigent des affichages à sous-cadran comportant deux aiguilles.


En une semaine, j'ai ainsi pu apprécier toutes les qualités de la Tudor Black Bay GMT. J'avais calé l'heure de référence sur le fuseau de New-York et l'heure locale évidemment sur celui de Paris. Je n'ai malheureusement pas eu de déplacement à Londres pour avoir au moins le plaisir de reculer d'une heure l'heure locale... mais j'ai constaté l'efficacité de la montre et sa lisibilité sans faille: je n'ai raté aucun rendez-vous téléphonique avec mes collègues américains! Le traditionnel retard des français deviendrait presque légendaire.

Enfin, du point du vue du confort, j'ai nettement préféré la sensation avec le bracelet en acier qu'avec le nato. C'est l'éternel problème de la répartition des masses et avec le bracelet en acier, j'ai trouvé la montre mieux maintenu. Cependant, le test s'est effectué avec le nato et il faisait son office de façon tout à fait correcte.

La Tudor Black Bay GMT est donc pour moi une montre très réussie. Il faut arrêter avec ces sempiternelles comparaisons avec Rolex: Rolex d'entrée de gamme, poor man's Rolex et autres délires. La Tudor Black Bay GMT dégage une impression réelle de qualité qu'elle démontre à l'usage. La situation est finalement très simple: qui offre pour un prix inférieur à 3.700 euros les performances et la dimension pratique du mouvement MT5652? Très peu d'acteurs au bout du compte... alors le conseil que je donne est très simple: portez cette montre pour ce qu'elle est et pour ses qualités intrinsèques. Le plaisir n'en sera que décuplé.

Un grand merci à Tudor France.

Les plus:
+ les performances du mouvement MT5652
+ la qualité de l'exécution
+ le rendu de l'insert de la lunette
+ une montre pratique à l'usage

Les moins:
- trois aiguilles Snowflake sur le cadran, c'est trop
- la sensation d'épaisseur lorsque la montre est portée avec le nato