L'édition 2025 du salon Watches & Wonders a fermé ses portes il y a quelques jours sur une note amère suite à l'annonce de Donald Trump de la mise en oeuvre de taxes douanières qui frapperaient lourdement les exportations suisses vers les Etats-Unis. La réaction des acteurs était sur le moment de prendre la nouvelle avec flegme, le message étant de considérer qu'il fallait attendre de voir comment tout cela allait se développer au cours des semaines suivantes. La mise sur pause pour trois mois de ces taxes qui s'en est suivie ne résout pas le problème: la situation reste compliquée, l'incertitude règne et ce d'autant plus que ces taxes concerneraient le marché qui était le plus performant des derniers mois. On en aurait presque oublié que le salon présentait les principales nouveautés de l'année mais heureusement, certains acteurs ont tiré leur épingle du jeu et ont pu dévoilé des pièces intéressantes.
Je prends toujours beaucoup de plaisir à participer au salon. Il est parfaitement organisé, on passe d'une présentation à l'autre, on voit de belles montres, on rencontre des amis, des collectionneurs, des acteurs de la profession, les stands sont magnifiques, bref c'est le bonheur. Maintenant, alors que j'approche de ma vingtième participation SIHH + Watches & Wonders, il faut savoir prendre du recul et oublier le contenant pour se concentrer sur le contenu.
Le cru 2025 fut moyen. Ce ne fut pas le plus créatif et innovant auquel j'ai participé mais ce fut loin d'être le pire. Et comme en plus, la principale surprise (à mes yeux) venait du leader du marché, cela donnait un caractère spécial à cette édition.
J'y ai vu quelques tendances qui ne sont guère surprenantes:
- la réduction des tailles avec la présentation de plusieurs modèles aux diamètres de 34/35mm et ce dans plusieurs segments de prix.
- l'utilisation du platine se confirme: le platine est actuellement plus abordable que l'or et ce même s'il nécessite plus de matière et que son usinage est plus complexe. Et comme la couleur neutre rend les montres plus discrètes, cela favorise son utilisation.
- la majeure partie des nouveautés consistait en l'évolution de modèles existants avec finalement peu de nouveaux mouvements. Est-ce en l'occurrence un problème ? Non puisque cela pérennise les calibres en cours et tend vers une fiabilisation générale. Les marques aiment encore moins que les clients les passages en SAV.
- le développement des cadrans colorés et de l'utilisation de pierres semi-précieuses.
- enfin, chez certains, la volonté d'offrir plus avec un tarif maîtrisé. J'ai enfin senti cette tendance qui n'est malheureusement pas la plus marquée mais elle est là ! Face à la difficulté (pour ne pas dire l'impossibilité) de baisser les prix tout en constatant que ces derniers sont trop élevés pour certains marchés comme l'Europe de l'Ouest, des marques ont voulu améliorer les produits à prix équivalents. Je reviendrai sur ce point avec l'exemple de Panerai qui illustre parfaitement le propos.
Rolex Land-Dweller
En fait, c'est ma montre préférée du salon. Elle fut la plus médiatique et à juste titre. L'approche stylistique néo-rétro est réussie, l'ensemble est élancé et élégant tout en offrant un cadran que j'ai trouvé très contemporain. Et surtout cette montre symbolise une nouvelle page pour Rolex avec un nouveau calibre à 5hz fondé sur un échappement inspiré par l'échappement naturel. Le calibre est d'ailleurs visible ce qui témoigne de la volonté de Rolex de s'ouvrir et de mettre plus en valeur ses mouvements. Une vraie réussite, une vraie nouveauté de la part de Rolex et surtout les premiers pas d'une nouvelle génération de mouvements.
Arnold & Son Constant Force Tourbillon 11 Yellow Gold
Alors certes la montre est limitée à 11 exemplaires et elle ne va pas bouleverser le marché. Mais la Constant Force Tourbillon 11 d'Arnold & Son est tout simplement belle et fidèle aux racines de la marque. La pureté du cadran contraste avec le très beau spectacle offert par le mouvement. On est ici dans le classicisme avec une petite touche d'originalité. Au final, une montre envoûtante.
Tag-Heuer Formula 1 Solargraph
Ce fut la très bonne surprise en provenance de Tag Heuer. Voici un produit adapté au marché: c'est fun, c'est coloré, c'est bien fait, le diamètre de 38mm correspond mieux aux goûts d'aujourd'hui et son prix reste "raisonnable" (en dessous de 2.000 euros) même si évidemment, il n'est pas comparable à celui des Formula 1 d'origine. Au final une montre très séduisante qui donne aussi le sentiment que Tag Heuer renoue avec sa clientèle de base.
HYT S1
J'aime beaucoup ce que fait HYT depuis la relance de la marque. Il y a une sorte de prise de conscience qui a permis à HYT de se concentrer sur l'essentiel: les montres sont plus portables, plus faciles à vivre et elles s'appuient sur un mécanisme dorénavant fiable. La S1 s'inscrit dans cette démarche avec un rendu plus ouvert et technique qui correspond bien à l'esprit de la marque. La S1 est incontestablement une montre aboutie qui permet de profiter de l'affichage fluidique avec plaisir et sérénité.
Jaeger-Lecoultre Reverso Tribute Geographic
Jaeger-Lecoultre mit de nouveau l'accent sur la Reverso et j'ai trouvé la Tribute Geographic très réussie. Elle combine deux éléments qui font mouche: un nouveau mécanisme de grande date et un affichage de l'heure universelle qui permet de profiter d'une vue spectaculaire sur le globe. Elle tire donc pleinement profit des atouts de la Reverso en offrant deux univers distincts au sein d'une même montre. Cette montre invite au voyage et donne le sentiment d'avoir le monde entier au poignet. Une sensation très agréable !
Ressence Type 7
En offrant un bracelet métallique à la Type 7, Benoît Mintiens poursuit sa réflexion sur l'ergonomie et sur l'interaction entre la montre et son propriétaire. En tout cas, ce bracelet va très bien à cette montre en titane et comme toujours avec Ressence, la Type 7 est une réussite stylistique mise en valeur par l'originalité de l'affichage. Et comme elle intègre une complication utile (l'affichage d'un second fuseau), la Type 7 a vraiment tout pour plaire. Je la considère comme une des montres Ressence les plus abouties.
Vacheron Constantin Traditionnelle 38mm à remontage manuel - 270ième anniversaire
La manufacture célébrait son 270ième anniversaire et elle marqua les esprits avec la Solaria, la montre-bracelet la plus complexe jamais réalisée, intégrant 41 complications. Ce vénérable anniversaire a donné aussi l'occasion de présenter des déclinaisons de plusieurs modèles en série limitée avec un cadran arborant un décor inspiré de la croix de Malte et une finition de mouvement "côte unique". C'est finalement la plus simple, la Traditionnelle à remontage manuel qui en tire le plus de bénéfices car sa simplicité met en valeur la qualité des finitions et ce que ce soit en platine ou en or rose.
Patek Philippe 5370R
Je ne sais pas si cela est dû à l'omniprésence médiatique du voisin Rolex mais j'ai trouvé que l'on parlait peu de Patek Philippe pendant le salon. Et pourtant j'ai trouvé cette collection 2025 solide avec selon moi, une montre remarquable, la 5370R chronographe à rattrapante. Le chronographe à rattrapante, c'est une des complications les plus complexes de l'horlogerie. Et lorsque les choses se compliquent, Patek Philippe se distingue. J'ai trouvé cette montre merveilleuse dans son exécution: son cadran en émail, son boîtier et surtout la précision du déclenchement des fonctions du chronographe. Tout est parfait. Quant au spectacle offert par le mouvement, c'est une merveille.
Bulgari Octo Finisimo Ultra Tourbillon
Et un record du monde supplémentaire pour Bulgari avec l'Octo Finissimo Ultra Tourbillon qui propose un tourbillon squelette dans un boîtier d'une épaisseur de 1,85mm. Ce qui est étonnant est le rendu visuel car malgré son extrême finesse, la montre offre des effets de contraste et de volume saisissants. Battre des records, c'est bien. Le faire avec style, c'est mieux et Bulgari y est parvenu.
Van Cleef Arpels Bal des Amoureux Automate
Van Cleef Arpels a la faculté de raconter des histoires à travers ses montres. L'affichage du temps n'est qu'un prétexte et la marque nous invite à explorer un univers poétique et romantique. Le Bal des Amoureux se distingue du Pont des Amoureux car les personnages ne sont pas dédiés à l'affichage du temps. Ils s'animent à la demande et c'est alors une scénette merveilleuse qui se déroule sous nos yeux. Je dois avouer que cela fait aussi du bien de découvrir une sorte de Paris onirique que j'aimerais tant voir dans la vraie vie mais c'est une autre histoire. En tout cas, la montre Bal des Amoureux Automate m'a laissé un souvenir inoubliable.
Bien entendu, j'aurai l'occasion de revenir sur certaines de ces montres et sur d'autres qui auraient mérité de rentrer dans la sélection car une fois de plus, c'était très difficile d'en choisir 10 surtout dans un contexte homogène et sans réelles pièces qui se distinguaient à part une ou deux.