L'article précédent avait pour but de présenter les interrogations et les perplexités que j'avais ressenties lors de la dernière édition de Watches & Wonders, celui-ci a une vocation plus positive et met en lumière les points qui m'ont plu, mettant de côté mes 10 montres préférées qui elles aussi ont fait l'objet d'un article spécifique. Parce qu'un salon aussi important que Watches & Wonders n'est absolument pas monotone et que chaque visite de stand peut générer des émotions intenses et contradictoires. Alors pendant cette semaine genevoise, les bonnes et les mauvaises surprises se sont succédées et comme je suis d'un naturel optimiste, je considère que la balance penche du bon côté. Voyons donc les différents points qui justifient ce résultat.
Rolex s'ouvre
La manufacture genevoise est à l'image de ses montres. Il n'y a pas de révolution mais elle connaît une évolution permanente. Je considère que son contenu devient plus accessible. Attention, je ne parle pas de la possibilité d'acquérir telle ou telle pièce dont le pouvoir de décision appartient au final aux détaillants. Mais je parle plutôt de la mise en avant de ses mouvements et des explications techniques qui y sont liées. Deux exemples: le mouvement de la Land-Dweller est visible et c'est la première fois que cela arrive sur une telle montre. Récemment seules les 1908 ou les Daytona au statut de licornes absolues (Platine & Le Mans) avaient droit à cet égard. Et finalement, on se rend compte qu'un mouvement automatique chez Rolex, c'est bien présenté et que la finition décorative n'est pas en reste (le sentiment qui prédominait était que seule la finition technique était mise en avant). Second exemple: l'organisation du stand avec la possibilité de voir deux Land-Dweller en face du guichet d'accueil ainsi que l'exposition et les descriptifs techniques sur le nouveau mouvement et notamment son échappement. Rolex veut expliquer, devient plus démonstratif et finalement s'ouvre au sens propre ou figuré.
Les petites montres d'Alpina et de Raymond Weil
Une des tendances du salon est la réduction des tailles. Ou plutôt: le salon a été marqué par la présence de plusieurs modèles dont les tailles se situaient autour de 34/35mm. Dans ce contexte, ce sont les marques plus abordables qui ont tiré leur épingle du jeu. Alpina a ainsi dévoilé une ravissante Heritage Tropic-Proof à remontage manuel d'un diamètre de 34mm tandis que la Raymond Weil Millésime se décline dorénavant avec un diamètre de 35mm. C'est simple, c'est discret, c'est bien fait et la petite taille souligne le style néo-rétro. De bonnes surprises.
La Patek Philippe Cubitus 40mm
Eh bien voilà, la Cubitus a trouvé sa bonne taille. Rien de surprenant dans cette révélation, à peu près la terre entière avait trouvé la version trois aiguilles initiales trop grande du fait de la forme du boîtier et de la présentation du cadran. Je trouve sincèrement que le potentiel de la Cubitus s'exprime mieux dans les versions 40mm car elle devient plus équilibrée et harmonieuse. A noter cependant que cette taille n'est disponible à ce stade qu'avec des boîtiers en or.
Chopard sait faire des montres à répétition minutes
C'est malheureusement un constat: on parle peu de Chopard et c'est fort dommage. Car quand on analyse objectivement les choses et notamment la qualité sonore des montres à répétition minutes, on se rend compte que la maison est capable de très belles performances. Pas besoin d'aller chercher bien loin, la toute dernière L.U.C Full Strike Revelation sonne très efficacement: rythme, volume, pureté, tout était pour moi d'un niveau digne des plus belles manufactures. De plus, la montre est du point de vue stylistique plutôt réussie. Alors, ce serait vraiment regrettable de ne pas l'évoquer.
Bulgari est enfin présent à Watches & Wonders
Il y avait une dimension politique derrière l'absence de Bulgari à Watches & Wonders mais pour quelqu'un comme moi, c'était tout simplement incompréhensible. Les marques Hublot, Tag Heuer, Zenith étaient présentes et pas Bulgari ? Bon, certains pourraient rétorquer que Louis Vuitton elle-même ne s'y trouve pas. Enfin bref, c'est une bonne nouvelle que Bulgari ait rejoint le salon. Bonne nouvelle pour la communauté horlogère qui n'est plus obligée d'aller dans un autre lieu découvrir les nouveautés de la marque qui est un acteur important de l'industrie et bonne nouvelle pour Bulgari elle-même qui connaît une meilleure exposition. L'entrée de Bulgari était incontestablement l'événement de l'année du point de vue organisationnel, entraînant la reconfiguration de certains stands dont ceux notamment de Hublot et Tag Heuer.
Zenith réintroduit le calibre 135
En tant qu'amateur de mouvements à basse fréquence et à grand balancier, je ne peux que me réjouir de constater que Zenith a profité de la célébration de son 160ième anniversaire pour réintroduire le calibre 135. Et petit bonus: la version actuelle pousse la réserve de marche à 3 jours. En tout cas, la nouvelle collection G.F.J hébergera les montres animées par ce calibre, a priori avec des boîtiers en métal précieux. Ce calibre, c'est un régal pour les yeux du fait de son architecture et pour les oreilles compte tenu du tic-tac caractéristique d'un mouvement à 2,5hz. En fin de compte, Zenith déploie son expertise à la fois sur les calibres à haute fréquence et à basse fréquence. Une belle façon de souligner les performances et les capacités de la manufacture.
La Speake-Marin Resilience marque son retour
La Resilience est de retour dans le catalogue de Speake-Marin et c'est une très bonne nouvelle. Le succès de la Ripples ne doit pas faire oublier que c'est le boîtier Piccadilly qui a forgé la réputation de la maison. La Resilience est disponible en deux tailles (38mm et 42mm) en titane et en une taille en or (38mm). Elle est à la fois classique du fait de son cadran en émail et originale compte tenu de son boîtier caractéristique et de la position de la trotteuse à deux heures. Le résultat est très séduisant et elle constitue une offre crédible dans ce segment.
La maîtrise des couleurs de Chanel
La J12 se pare d'un boîtier en céramique bleu mat et intense. Le bleu, c'est une couleur évidente dans le monde horloger et c'est aussi la couleur la plus compliquée. Il faut toujours trouver le bon dosage sinon la teinte peut devenir très lassante. Je pense que Chanel a su éviter cet écueil et la couleur obtenue est idéale, subtile et raffinée. La J12 bleu démontre ainsi les capacités de Chanel en matière de maîtrise chromatique y compris avec les pièces serties.
L'explosion de couleurs chez Moser
Grâce à Moser, j'ai pu progresser dans ma connaissance des pierres. Trois modèles de la collection Endeavour (Small Seconds, Tourbillon et Minute Repeater) se parent de cadrans mettant en scène 6 pierres dans 6 jeux de combinaisons impliquant deux d'entre elles à chaque fois. Le résultat est une explosion de couleurs mais tout en contrôle. Moser offre un rendu dynamique et doux en même temps et qui reste élégant. Dans ce contexte, chaque montre tire profit du design épuré des cadrans de Moser car la texture des pierres est ainsi mise en valeur. Cette collection Endeavour Pop est une réussite car l'introduction des textures et des couleurs des pierres dans l'approche esthétique traditionnelle de la manufacture se fait de façon très harmonieuse.
L'introduction réussie du tourbillon dans la collection Antarctique de Czapek
C'est devenu une sorte d'exercice imposé: l'introduction d'un tourbillon dans une montre sport-chic à bracelet intégré. Czapek se devait donc de répondre à cet enjeu dans le cadre de sa collection Antarctique. Le résultat est abouti car l'exécution est plutôt originale. Czapek a joué sur les effets de profondeur pour créer plusieurs points de convergence sur son cadran. Le pont horizontal donne du volume tandis que le cadran semble plonger en son centre. Le tourbillon complète ce cadran dynamique qui joue aussi avec les reflets de lumière grâce au guillochage dominant. Une belle montre qui a su renouveler le genre.
Les BR-03 Skeleton de Bell&Ross
Certes le terme de Skeleton est exagéré car il s'agit de montres à cadran ouvert. Quoi qu'il en soit les 3 BR-03 Skeleton de Bell&Ross ont une excellente vertu: elles n'ont pas de guichet de date et cela donne à mes yeux beaucoup d'intérêt à ces montres. Je ne suis pas fan des petits guichets de date à 4h30 alors quand ils disparaissent, c'est pour moi une bonne nouvelle. Rien que pour cela, j'ai apprécié ces 3 montres qui à défaut d'être d'une grande originalité dans l'univers de Bell&Ross se distinguent par une exécution solide. Ma préférée est la version Grey Steel, la plus lumineuse des 3.
Le retour à des principes de réalité chez Oris
Proposer des mouvements de manufacture, c'est bien. Le problème est que si cela s'accompagne d'un changement de segment du fait d'une augmentation des prix moyens, une marque peut courir le risque de perdre sa clientèle de base. Oris a senti ce risque et a décidé de revenir à ses fondamentaux en s'appuyant sur sa montre phare: la Big Crown. Que ce soit avec la Big Crown (34mm) ou la Big Crown Pointer Date (40mm), les prix se situent entre 1.900 et 2.000 euros. Animés par des mouvements Sellita, ces Big Crown se distinguent par leurs cadrans colorés mais qui restent faciles à porter. En tout cas cela a fait du bien de constater qu'une marque réagissait, notamment du point de vue tarifaire afin de s'adresser de nouveau à une clientèle occidentale. A noter l'excellente surprise de la Big Crown 34mm qui ne possède pas de guichet de date: elle est plus jolie ainsi.
Piaget a retrouvé le mojo
Il fut un temps je pensais que Piaget s'était égarée. Force est de constater qu'avec le duo Polo 79 et Andy Warhol, la manufacture a retrouvé non seulement des fers de lance mais également des icônes de style. C'est d'ailleurs surtout au niveau de l'Andy Warhol que cela se passe. La montre est déclinée dans des versions toutes aussi belles les unes que les autres, elle met en scène de superbes pierres et des boîtiers réussis (celle à cadran météorite bleu et boîtier clou de Paris est somptueuse) et en plus, les clients peuvent procéder à une personnalisation. C'est le Piaget que l'on aime, délicat, subtil, pas forcément dans l'exploit horloger mais plutôt dans le domaine que la manufacture maîtrise le mieux: la raffinement.
L'accueil et l'ambiance plus décontractée chez les horlogers indépendants
Je ne peux pas citer tout le monde mais les stands des marques indépendantes offrent un accueil chaleureux avec le plaisir de retrouver de vieux amis que l'on connaît depuis plus de vingt ans pour certains d'entre eux. J'ai toujours aimé dans les salons les contrastes. A Bâle, on sortait de l'immense stand Rolex et on se retrouvait au Ramada sur un coin de table pour découvrir une montre fabriquée dans un garage. Alors à Watches & Wonders, ce n'est pas le grand écart bâlois, mais j'aime passer des présentations formelles des grandes marques aux rendez-vous plus décontractés et personnels des marques se situant dans le Carré des horlogers, la Place ou la Mezzanine. J'aime discuter avec les créateurs, les horlogers de leurs projets, de leurs vies, du marché, de ce qu'ils ressentent. J'y trouve plus de sincérité, moins de langue de bois. Plus que les montres, ce sont ces rencontres que je recherche et c'est ce que j'apprécie de plus en plus dans Watches & Wonders. Il n'y avait pas cette ambiance dans le "SIHH Canal Historique".
J'ai souhaité clôturé cet article sur cette note d'atmosphère qui rappelle que l'horlogerie, c'est avant tout une aventure humaine. La situation générale reste cependant compliquée et en dehors de certains (un ?) gros acteurs, les prochains mois seront remplis de défis. Les taxes américaines ne sont pour l'instant que suspendues, les chiffres sont compliqués dans plusieurs marchés, le pouvoir d'achat des clients est rogné bref, les indicateurs ne sont pas au vert. Malgré tout, l'énergie qui se dégage d'un salon tel que Watches & Wonders insuffle aux acteurs une dose d'optimisme. C'est la raison pour laquelle ces rencontres physiques, plus que jamais, sont importantes. Sans un salon de cette envergure, je pense sincèrement que l'horlogerie rentrerait dans la sinistrose. C'est ce qui explique le fait que la balance que j'évoquais au début finit par pencher du côté positif.