Je souhaitais partager avec vous une petite réflexion que je me faisais. A chaque fois que je me rends chez un marchand de seconde main, prenons l'exemple d'Antoine de Macedo, je constate que le contenu de la vitrine dédiée aux montres contemporaines d'il y a une décennie ou deux me semble bien plus attirant que ce que je peux voir dans les boutiques commercialisant l'offre actuelle.
En résumé, je fais le constant suivant. Les montres d'il y a une vingtaine d'années me semblent plus harmonieuses avec des tailles de boîtiers qui correspondent à celles des mouvements, les finitions m'apparaissent soit plus élaborées soit intégrer plus de terminaisons manuelles, leurs styles sont plus raffinés et élégants, l'utilisation de métaux précieux est plus généreuse et les approches esthétiques sont plus abouties. En d'autres termes, j'ai l'impression d'être face à des montres qui ont été développées avec moins de contraintes et de volonté d'optimisation que ce que l'on peut observer de nos jours. Tout cela sans oublier que ces montres ont été vendues au début des années 2000 à des tarifs bien plus bas qu'aujourd'hui, même en raisonnant en euros constants. Vous noterez que je parle bien de cette offre contemporaine et pas du vintage qui est un autre débat.
Parce qu'aujourd'hui, en 2025, je constate que l'horlogerie file un mauvais coton de façon générale. A force d'augmenter les tarifs, parfois plusieurs fois par an, les marques généralistes et de volume qui constituent le socle de l'industrie, ont fini de s'éloigner d'une grande partie de leurs clientèles de base. Les montres en métaux précieux subissent une sévère cure d'optimisation pour employer des termes choisis (les masses en or sont remplacées par des masses en plaqué or, les bagues d'emboîtage sont en acier etc...). Il m'arrive régulièrement de constater que les mouvements ne correspondent pas aux boîtiers (même si la tendance du retour à des tailles plus raisonnables atténue ce phénomène). Et surtout, je trouve que les finitions et la qualité d'exécution n'ont pas suivi la même tendance que la courbe des prix. Les prix ont fortement augmenté mais est-ce que le contenu horloger a suivi la même tendance ? Pas vraiment et poser la question, c'est y répondre d'une certaine façon.
Une montre du début des années 2000, la Breguet 5357:
Alors, est-ce que la situation est si dramatique que ça ? Non finalement parce que mes propos ci-dessus sont peut-être exagérés. Il y a un point sur lequel les marques ont beaucoup travaillé, pour leurs propres intérêts évidemment mais aussi pour répondre à un souhait de la clientèle: celui de la polyvalence et de la fiabilisation. Les dernières années ont vu l'émergence de toute une catégorie de mouvements dont les performances sont clairement en hausse par rapport à celles des mouvements d'il y a une vingtaine d'année: les réserves de marche et les fréquences sont en augmentation, la diminution de certaines contraintes mécaniques grâce à l'utilisation de nouveaux matériaux a renforcé la fiabilité et de façon générale, les montres sont plus faciles à vivre, avec des étanchéités supérieures, un confort en amélioration et des réglages de bracelet plus fins et plus simples. Il y a eu un effort réel d'ingénierie sur l'expérience client, sur la sensation au porter et sur la capacité qu'ont les montres à accompagner leurs propriétaires en toutes circonstances.
Et puis il se passe un autre phénomène. L'abandon de la part de certaines marques de leurs créneaux de clientèle habituels a conduit à l'émergence de toute une nouvelle offre émanant de "petites" marques créatives, agiles et performantes du point de vue tarifaire. La créativité est devenue accessible ce qui n'était pas vraiment le cas il y a une vingtaine d'années où seuls quelques acteurs de l'horlogerie indépendante osaient la disruption esthétique et de l'affichage du temps.
La comparaison entre l'horlogerie d'aujourd'hui et celle d'il y a une vingtaine d'année est donc beaucoup plus complexe qu'elle n'y paraît. Il ne faut sûrement pas rentrer dans la caricature et abuser du réflexe du "c'était mieux avant". Il y a bien entendu des choses qui ne vont pas aujourd'hui et l'horlogerie doit analyser ses propres turpitudes (et parmi elles... l'appât du gain entraînant des stratégies court-termistes) avant d'aller chercher des facteurs exogènes pour expliquer ses déboires actuels. Mais tout n'est pas aussi sombre: jamais l'offre n'a été aussi vaste et diversifiée et finalement, chacun aujourd'hui peut trouver une montre qui correspond à sa sensibilité et à son budget. Le paysage s'est recomposé, certains gros acteurs se sont effacés aux yeux d'une grande partie de la clientèle occidentale et d'autres sont arrivés. Ce qui fait finalement choisir une période par rapport à une autre relève des goûts et des attentes de chacun. Je suis par exemple beaucoup plus sensible à la qualité des finitions et de l'exécution qu'à la longueur de la réserve de marche. Je suis aussi plus séduit par une montre raffinée que par une montre "tout terrain". C'est ce qui me fait préférer l'horlogerie du début de notre siècle. Mais d'autres préféreront pour des raisons distinctes l'offre actuelle et c'est très bien ainsi.