La deuxième édition du Salon We Love Watches a confirmé le succès de la première

La deuxième édition du Salon We Love Watches, organisée par Ocarat, s'est déroulée le 12 octobre dernier au dernière étage de la Samaritaine à Paris. L'événement était très attendu par les passionnés d'horlogerie car la première édition avait laissé entrevoir de belles promesses malgré un cadre qui était loin d'être idéal. L'édition 2024 concrétisa de beaux progrès notamment grâce à un lieu bien plus prestigieux et surtout plus confortable et pratique pour accueillir les visiteurs. Le changement fut donc profitable mais ce n'est pas l'unique facteur qui explique le succès grandissant de cette édition. J'y vois plusieurs raisons:

  • le Salon s'est déroulé le samedi permettant ainsi à ceux qui n'habitent pas Paris et à ceux qui ne sont pas disponibles en semaine de pouvoir y participer. Je rappelle que la première édition s'était déroulée un jeudi.
  • les plages horaires ont été agrandies, passant de 3 heures (ce qui était très court) à 5 heures.
  • Le plateau des exposants était impressionnant, regroupant plus de 75 marques.
  • Et enfin, des nouveautés étaient dévoilées au cours du Salon ce qui donnait un peu de piment supplémentaire. Je pense à des marques comme Elgé ou Electra qui présentaient leurs premières montres ou des nouveaux modèles émanant par exemple d'Echo Neutra, Yema ou Meistersinger.
Mais, au bout du compte, la vraie raison du succès réside dans le fait que les marques présentes répondaient aux attentes du marché français. Ce sont des marques qui dans leur écrasante majorité oeuvrent dans le segment entre 500 et 3.000 euros. C'est fini le temps où les marques indépendants du haut du segment venaient au salon Belles Montres à la rencontre des collectionneurs et des clients finaux. La France de 2024 n'est plus celle du milieu des années 2000. Il y a toujours autant de passionnés et de personnes prêtes à dépenser. Mais elles dépenseront beaucoup moins parce qu'elles n'en ont plus les moyens ou tout simplement parce qu'elles n'en ont plus envie.

C'est la résultante d'un double effet. Du point de vue économique, c'est une évidence d'affirmer que les salaires ont bien moins progressé que les prix des montres. Et l'inflation des postes indispensables est passée par là, réduisant de facto les capacités financières pour procéder à des dépenses "plaisir" et non contraintes. Et puis, on aurait tort d'atténuer l'impact des stratégies propres des marques. Cette stratégie fondée sur l'augmentation continue des prix (plusieurs années se sont succédées avec deux augmentations par an) justifiée par la limitation de l'offre a bien fonctionné. A force de vouloir développer la notion d'exclusivité, la clientèle traditionnelle de l'horlogerie s'est sentie... exclue. Et j'en ai bien peur, cette clientèle risque d'être perdue à tout jamais pour des acteurs généralistes qui ont oublié certaines réalités économiques. Eh oui, la clientèle d'Europe de l'Ouest, et particulièrement en France, a tendance à raisonner en mois de salaire. Un client envisagera de se faire plaisir en dépensant un mois de salaire voire éventuellement deux. Mais sûrement pas trois ni quatre. Or les grands classiques de l'horlogerie qui ont tiré le marché et qui ont contribué au prestige du secteur sont dorénavant beaucoup plus onéreux (je pense aux Speed, Sub, Navitimer, Reverso etc...) et semblent hors de portée d'un client français.

La bonne nouvelle est que cette situation de marché a favorisé l'émergence d'une offre qui parle directement aux clients finaux, qui se veut plus raisonnable en matière tarifaire tout en respectant des critères qualitatifs. Et parfois, cette nouvelle offre ose même s'aventurer sur des territoires créatifs (je pense par exemple à SpaceOne ou à la réédition de l'Amida) alors que des grands acteurs généralistes s'enferment dans une approche conventionnelle et sans prise de risque.

C'est ce que j'ai ressenti lors du Salon We Love Watches, ce développement de cette offre plus en phase avec les aspirations du marché français, plus orientée vers le contenu et moins vers "le marketing". En tout cas, l'affluence du Salon et le vif intérêt de la part des visiteurs qu'ont suscité de nombreuses montres m'ont permis de constater que la passion pour l'horlogerie est toujours là. Elle s'exprimera dorénavant de façon différente d'il y a une bonne dizaine d'années. Rien que pour cela, la visite du Salon We Love Watches valait le coup car elle rendait visibles et perceptibles ces évolutions de marché. Quant aux grandes marques généralistes, si je mets de côté Rolex dont la capacité à exécuter sa feuille de route est sans faille et qui jouit d'un prestige incomparable, elles ont grandement intérêt à mener une réflexion rapide sur la façon de revenir sur les marchés européens surtout lorsque d'autres marchés tels que l'Asie et les Etats-Unis ralentissent. Offre trop large, stratégie peu lisible, prix déconnectés, créativité au ralenti, il y a du pain sur la planche et la crise actuelle n'est pas uniquement due à des facteurs macroéconomiques ou exogènes.

En attendant, je me réjouis de voir l'organisation de Salons en France tels que We Love Watches ou TimeFest car ils entretiennent la flamme, dans un autre format et dans un autre contexte, qui avait été allumée il y a plus de 15 ans par le Salon Belles Montres au Carrousel du Louvre.

Je reviendrai sur quelques pièces dévoilées lors du Salon We Love Watches et qui m'ont particulièrement plu.