Ma sélection de mes dix montres préférées de la semaine genevoise 2024 en dehors du salon Watches & Wonders (+ un bonus !)
La semaine genevoise du printemps est dorénavant le point d'orgue de l'année horlogère. Au-delà du propre salon Watches & Wonders qui regroupe plus d'une cinquantaine de maisons, ce sont au moins deux cents autres marques qui présentent leurs nouveautés en différents lieux (j'ai renoncé à toutes les compter). Toute la difficulté réside dans cet éparpillement géographique qui nécessite une très bonne organisation, la forme et une confortable paire de sneakers afin de ne pas rater les montres majeures qui sont dévoilées. On en vient à regretter le bon vieux temps des années fastes de Baselworld où, en dehors des marques du SIHH, toute l'industrie se retrouvait au même endroit. Maintenant, il faut courir et jongler entre les moyens de transport pour y arriver. Mais bon, Genève n'est pas une si grande ville et cela reste des distances gérables. Malgré tout, il y avait 3 pôles d'intérêt en dehors de Watches & Wonders: le Beau-Rivage qui s'affirme année après année comme l'hôtel "horloger" de Genève (cela fera bizarre lorsqu'il sera en travaux), le salon Time to Watches et bien entendu, l'exposition de l'AHCI à l'IceBergues. Je n'ai malheureusement pas pu tout voir, y compris même à l'Académie ce qui est un grand regret. Cependant, je pense avoir pu appréhender l'essentiel et je vous propose donc ma sélection de mes 10 montres préférées vues en dehors du salon Watches & Wonders. L'avantage de Watches & Wonders est de définir, grâce à l'influence de l'organisation sur les exposants, une sorte d'homogénéité de qualité. En dehors du salon, les découvertes sont beaucoup plus hétéroclites, le pire pouvant côtoyer l'exceptionnel. J'ai en tout cas trouvé l'offre assez créative avec quelques bonnes surprises du point de vue technique. Et ce qui ne gâche rien, des montres aux prix attractifs font partie de la sélection. Les acteurs de taille plus modestes, et ils auraient tort de ne pas le faire, profitent d'une structure de coûts plus favorable et de contraintes plus mesurées par rapport aux grandes marques, pour se loger dans des segments de prix délaissés par d'autres.
Voici donc cette sélection, comme toujours, sans ordre particulier.
Behrens Kung Fu
Behrens exposait au salon Time to Watches. Cette marque représente pour moi tout le potentiel chinois et il est élevé. Elle a de la créativité (cela part même parfois un peu dans tous les sens), de l'intérêt technique et l'esthétique est adaptée aux goûts occidentaux car évitant de tomber dans le baroque et le démonstratif. La montre Kung Fu est presque sage par rapport au reste de la collection mais elle n'en demeure pas moins originale grâce aux petits détails empruntés au monde des arts martiaux (par exemple, la représentation de la réserve de marche). C'est bigrement bien fait et très séduisant. Bravo à l'équipe Behrens.
De Bethune DB Kind of Grande Complication
Que dire si ce n'est que Denis Flageollet a encore frappé ? Cette pièce magistrale est un concentré de savoir-faire mais elle prépare aussi le futur de De Bethune. Elle pourrait être présentée comme l'aboutissement d'une trajectoire mais elle ne sera qu'une étape. Le boîtier double-face réversible permet de profiter de deux cadrans aux univers distincts et de regrouper de façon harmonieuse les complications. Le résultat est magnifique, tant du point de vue technique qu'esthétique. L'épaisseur de la montre ne se ressent pas une fois portée et la beauté des cadrans fait oublier toutes les autres considérations.
Kollokium Projekt 01
La Projekt 01 est la première montre de série après le batch initial dédié aux amis des trois fondateurs de la marque. De très bonnes fées se sont perchées sur le berceau car le trio composé de Manuel Emch, Barth Nussbaumer et Amr Sindi a frappé fort. Je trouve cette montre remarquable du point de vue esthétique. C'est sobre et impactant, c'est classique et contemporain, c'est original et maîtrisé, bref, la Projekt 01 est une réussite absolue. Animée par un calibre Lajoux-Perret aux performances plus que correctes (68 heures de réserve de marche), elle séduit grâce à sa cohérence et à son exécution irréprochable. Et comme le prix est raisonnable (2.666 CHF hors taxes), il est difficile de ne pas résister. Je n'ai pas résisté d'ailleurs.
Bovet Récital 28 Prowess 1
La Récital 28 Prowess 1 est typiquement le genre de montre que je ne devrais pas aimer en toute logique mais que je finis par apprécier grandement. En fait, la complication des heures universelles est ma favorite et j'aime la simplicité de l'approche de Patek Philippe sur le sujet. Bovet nous propose en revanche une interprétation "usine à gaz" mais voilà, lorsque c'est Bovet qui s'en charge, on sait déjà qu'on sera face à une montre spéciale. En fait, Bovet adresse la problématique des passages désynchronisés des heures d'été et d'hiver selon les fuseaux en proposant un anneau des villes évolutif grâce à un astucieux système de 24 rouleaux à quatre faces. Pour compléter le tout, la manufacture rajoute un tourbillon et un quantième perpétuel. Et finalement, la magie opère et la complexité laisse la place à l'émerveillement que procure la Récital 28 Prowess 1.
Amida Digitrend
La montre casquette fait régulièrement son retour et cette fois-ci, c'est une des marques "symbole" de ce style matérialisé par un affichage digital vertical qui renaît de ses cendres grâce à Clément Meynier et Matthieu Allègre. L'enjeu est d'obtenir un affichage lisible et au-delà de la mécanique, une montre casquette nécessite une réflexion (sans jeu de mots) aboutie sur le jeu de miroir. Le calibre de base est un Soprod Newton qui anime le module d'affichage. Le prototype que j'ai pu observer était abouti et l'équipe d'Amida a vraiment très bien travaillé pour retrouver l'esprit du modèle original tout en tirant profit des atouts d'une production moderne.
Le Central Impulse Chronometer devient disponible dans un boîtier de 39mm et c'est une excellente nouvelle. La montre gagne en élégance (ainsi qu'en maturité) et la beauté du mouvement me semble encore mieux mise en valeur. Mais attention, ce ne fut pas une mince affaire. Bernhard Lederer a dû changer les proportions d'ensemble du mouvement, y compris donc son épaisseur, sans compromettre la fiabilité... tout en rajoutant un mécanisme de synchronisation des aiguilles des secondes. Le Central Impulse Chronometer apparaît comme plus abouti et le spectacle offert par le mouvement est toujours aussi magique.
La simplification fait du bien à Genus. En adoptant une approche de l'affichage plus épurée et plus directe à travers son dernier modèle GNS2, Genus parvient à mettre en valeur le parcours des éléments libres à la fois en périphérie et sur le tracé en forme de 8. Il en ressort une montre d'un abord plus simple mais qui conserve toutes les particularités qui font de Genus une marque unique en son genre.
Anton Suhanov Chronotope
Je ne voulais pas manquer la dernière création d'Anton Suhanov au sein de l'exposition de l'AHCI. En effet, je trouve la montre Chronotope astucieuse car elle propose un affichage original et ludique des jours de la semaine qui concentre notre attention sur le cadran. Il y a l'affichage en lui-même et le colimaçon à sa base qui combinés définissent l'identité esthétique de la pièce. Anton Suhanov ne s'est pas laissé enfermer dans le piège de la technique car il y a aussi une réflexion sur le design comme le prouve l'utilisation en divers endroits des palettes (y compris aux extrémités des aiguilles). Une montre séduisante et qui possède un soupçon d'originalité.
Renaud Tixier Monday
Dominique Renaud et Julien Tixier sont ambitieux: ils se sont donnés une semaine pour redéfinir l'horlogerie mécanique. Plus sérieusement, ils procéderont en 7 étapes, chaque montre incarnant un développement technique spécifique. La première réalisation porte donc le nom, logique, de Monday et a pour but, entre autres, d'améliorer l'efficacité au remontage d'un micro-rotor. L'idée est que le micro-rotor puisse restituer toute l'énergie qu'il est capable de générer. Pour arriver à cette fin, l'équipe Renaud Tixier a défini un mécanisme auxiliaire qui agit comme un cordage de raquette: il emmagasine l'énergie et la restitue telle une catapulte. Bien entendu, tout ceci s'accompagne d'une optimisation de la consommation de cette énergie. Le mouvement est en tout cas impressionnant tant du point de vue technique que de celui de son architecture, unique en son genre. Le cadran est cependant plus sage, privilégiant la lisibilité des informations.
L'enjeu pour HYT est de redonner confiance et de démontrer à ses partenaires et clients que la marque peut s'engager dans la durée. Je pense en tout cas que la nouvelle collection T1 est une excellente contributrice à cette ambition. L'affichage va dorénavant à l'essentiel et met ainsi un coup de projecteur plus direct sur l'évolution du fluide périphérique. Il y a aussi un message derrière cette collection. En gagnant en simplicité, en remettant la dimension horlogère au premier plan, HYT veut démontrer qu'elle se concentre sur ses objectifs. Tout est fait pour rassurer, en tout cas les montres de la collection T1 m'ont beaucoup plu et peuvent aider HYT dans sa reconquête.
Bonus: Maghnam Mohareb
Un petit bonus afin de dépasser la limite des 10 montres que je m'étais fixé. Et puis je n'ai pas vu la Maghnam Mohareb dans le cadre d'une présentation formelle mais au cours d'une rencontre fortuite dans le lobby de mon hôtel. Maghnam est la marque personnelle de Sohaib Maghnam, amateur de mécaniques tant horlogères qu'automobiles. Le modèle Mohareb offre un design fluide, très contemporain et modulaire puisque le propriétaire de la montre peut modifier la carrure. L'affichage est composé d'heures rétrogrades et de minutes linéaires. Tout est parfaitement intégré du point de vue esthétique. Le calibre de base est un Sellita. J'ai trouvé cette montre très réussie, la fluidité du design fait mouche. Le prix m'a semblé raisonnable dans ce contexte (6.500 euros) ce qui prouve que l'on peut faire des montres très belles et très originales avec des tarifs mesurés.
Comme toujours, j'aurai l'occasion de revenir sur certaines de ces montres plus en détails ainsi que sur celles que je n'ai pas évoquées.