Je souhaitais revenir sur une version particulière de la Royal Oak 15550 que j'avais eu l'occasion de voir il y a quelques semaines lors d'une présentation presse chez Hoda Roche. A vrai dire, j'avais été très dubitatif en découvrant les premières images de la collaboration entre Audemars Piguet et la marque du designer Mathew Williams, 1017 ALYX 9SM. Plusieurs modèles de la Royal Oak ont servi de base à l'expression de cette collaboration dont les chronographes Royal Oak et Royal Oak Offshore.
J'ai la conviction que l'exercice de style ne fonctionne pas vraiment avec les chronographes. L'approche voulue par Matthew Williams a été d'épurer le cadran, de le réduire même à sa plus simple expression afin de mettre en valeur la finition satinée verticale. L'ambition est louable car elle permet de réinterpréter un des designs horlogers les plus célèbres. Cependant, en supprimant le motif "Tapisserie" et les fameux index dessinés en cohérence avec les aiguilles, la Royal Oak perd une très grande partie de son identité. Et dans le cas des chronographes, le retrait des différents registres et graduations rend les montres totalement inexploitables d'un point de vue pratique.
J'ai bien conscience que la volonté n'était pas de créer une montre "instrument". La collaboration a pour but de réaffirmer le statut de la Royal Oak en tant qu'icône, non seulement horlogère mais également culturelle au sens large. Il fallait donc considérer le résultat de la collaboration comme la définition d'un point de rencontre entre l'univers de la mode d'un côté et celui de la haute horlogerie de l'autre. Cependant, pour que cela ait du sens, les fonctions premières de la montre doivent être conservées selon moi. Or, la fonction chronographe devient peu pratique voire inutilisable dans ce contexte et cela retire une très grande partie de l'attrait qu'auraient pu exercer ces pièces.
En revanche, l'approche esthétique fonctionne bien mieux avec la Royal Oak 15550. Pour trois principales raisons. La première est qu'il s'agit d'une montre à 3 aiguilles et que le retrait des index n'empêche pas la lecture de l'heure. Ensuite, le diamètre du boîtier est plus contenu (37mm) si bien que le cadran ne donne pas l'impression d'être vide. Enfin, le guichet à 3 heures a été retiré ce qui en fait un des rare exemples de Royal Oak simple non sertie, non squelettée sans date.
En fait, alors que je manipulais cette montre avec un sentiment de doute et un a priori négatif, je me suis mis à l'apprécier. La dimension précieuse est bien exploitée et j'ai eu l'impression que la quasi totalité de la pièce était faite d'or jaune. Je n'était pas loin de la vérité car le boîtier, le bracelet, le cadran et les aiguilles utilisent ce métal. La finition satinée verticale définit une sorte d'animation chromatique différente de celle habituellement obtenue avec le motif "Tapisserie". Certes, cette Royal Oak 15550 semble de prime abord manquer de relief mais paradoxalement les aiguilles et le logo appliqués ressortent nettement et ce sont eux qui apportent alors des effets de volume. Mon seul bémol est le rajout à la base du cadran de l'inscription "1017 ALYX 9SM". Dommage car sans cette inscription, Matthew Williams aurait pu aller au bout (ou presque) de son concept et ce d'autant plus qu'elle se trouvait déjà sur la masse oscillante. Mais j'imagine qu'il était difficile pour lui de ne pas apposer le nom de sa marque sur le cadran d'une telle icône...
Le mouvement qui équipe cette déclinaison de la Royal Oak 15550 est le calibre 5909 qui fut introduit en 2022. Il s'agit d'une version sans date du calibre 5900. Son diamètre étant de 26,2mm, le calibre 5900 peut être considéré comme le successeur du calibre 3120 avec une fréquence plus élevée (4hz), une meilleure réserve de marche (60 heures) tout en étant plus fin (3,9mm dans la configuration 5909). Ce mouvement, dédié aux Royal Oak de 37mm, est le parfait moteur de la référence 15550 et contribue à l'attrait de cette pièce.
En tout cas, que l'on aime ou pas cette version de la Royal Oak 15550, la collaboration avec Matthew Williams est une excellente démonstration de la qualité du travail effectué par François-Henry Bennahmias et des orientations stratégiques qu'il a portées. Audemars Piguet, que ce soit à travers la Royal Oak ou plus récemment avec la Code 11.59, a exploré de nombreux univers et est devenue bien plus qu'une marque horlogère mais un symbole de pop culture et une référence en matière de mode. Le fait d'avoir suscité de l'intérêt pour la marque auprès d'un public bien plus large que celui des purs amateurs d'horlogerie ou collectionneurs explique en grande partie le succès qu'Audemars Piguet a rencontré depuis que François-Henry Bennahmias a conduit sa destinée.