Le troisième acte contrasté de la célébration du 70ième anniversaire de la Blancpain Fifth Fathoms

Blancpain a présenté au cours d'un très bel événement à Cannes la troisième étape de la célébration du 70ième anniversaire de la Fifty Fathoms. C'est selon moi la plus marquante, et de loin, car la montre qui incarne cet événement est la plus réussie des trois pièces commémoratrices présentées en 2023. Inspirée par un modèle Mil-Spec des années 50, la Fifty Fathoms 70ième anniversaire 3ième acte du mois de septembre (appelons la la 3ième montre anniversaire pour simplifier) est résolument une montre contemporaine grâce à la qualité de son exécution et à ses performances.

La veille de l'annonce, j'étais inquiet, peut-être échaudé par les multiples fois où je fus déçu, où j'attendais monts et merveilles et je me rendais compte qu'il y avait toujours une chose qui clochait: une date en trop, une disponibilité en France proche du néant, une taille trop importante, bref, j'avais toujours ce sentiment que Blancpain faisait tout pour ne pas répondre à une requête pourtant simple des amateurs et des connaisseurs: faire une Fifty Fathoms de taille raisonnable en acier et la rendre disponible dans la collection permanente. Je me doutais bien que pour la troisième étape de la célébration, Blancpain n'allait pas cocher toutes ces cases et allait conserver le principe d'une série limitée. Restait à connaître l'esthétique de la dite montre. Et sur ce point, je ne fus pas déçu: la 3ième montre anniversaire est incontestablement très belle.

Ce qui m'a séduit, c'est d'abord son inspiration Mil-Spec, le design de la lunette qui capte notre regard, la forme du verre, la présentation du cadran et le jeu de couleurs. La lunette noire en céramique provoque selon les conditions de lumière de très beaux reflets gris qui se marient parfaitement avec le noir du cadran et le rendu doré du boîtier. Il n'est pas nécessaire de rappeler la vocation de célébration de ce modèle: la couleur du boîtier s'en charge. La montre est chaleureuse, d'une certaine façon raffinée et précieuse mais à aucun moment elle ne tombe dans l'ostentatoire. Contrairement à la Fifty Fathoms de la collection permanente, qui de par sa taille et sa lunette brillante s'apparente plus à une boule à facettes (c'est le surnom que je lui donne), la 3ième montre anniversaire est au contraire (et paradoxalement) plus sobre avec un  aspect plus mat et plus maîtrisé.

Bien entendu, la taille du boîtier contribue à cette sensation. Et ce n'est pas sans plaisir que j'ai pu constater que Blancpain avait choisi une taille plus raisonnable (cette fois-ci 41,3mm) pour définir cette montre spéciale. Ce n'est pas la première fois que Blancpain opère ce mouvement de réduction dans le cadre d'une série limitée. Mais c'était très important que ce retour vers plus d'élégance et de raison s'opérât aussi dans ce contexte commémoratif. La première montre de l'année l'avait fait (42mm). Mais après tout,  la Tech Gombessa était partie en sens inverse (47mm). Bref, la taille m'a semblé ici idéale car n'oublions pas que l'ouverture du cadran reste limitée compte tenu de l'épaisseur de la lunette. La 3ième montre anniversaire a une taille perçue plutôt proche de 40mm même si les cornes semblent proéminentes.

La forme du verre se ressent sur cette photo:

La couleur du boîtier est aussi plus douce. J'aime beaucoup le rendu de cet alliage essentiellement composé d'or (37,5%) et de cuivre (50%) d'où le nom d'or-bronze. Il se dégage de l'ensemble une atmosphère harmonieuse mise en valeur par la couleur de la matière luminescente des index et des aiguilles. Certes, je sais bien que la fausse patine agace mais personnellement, je considère qu'elle fonctionne bien ici. Le cadran va à l'essentiel et pour mon plus grand bonheur, il n'y a aucun guichet de date. L'indicateur d'humidité situé juste sous l'axe des aiguilles décore le cadran et contribue à renforcer l'identité "Fifty Fathoms". 

Mais au bout du compte, l'élément qui m'a le plus séduit est le verre saphir. Lorsqu'on observe la montre de profil, on constate alors sa forme "glass box" qui lui permet de dépasser significativement le niveau de la lunette. J'ai trouvé ce détail de design très beau et de plus sa vertu est aussi pratique car améliorant la visibilité du cadran.

Le côté face de la montre est donc très fidèle à l'esprit de la collection et à certains modèles du passé. L'arrière l'est moins car le boîtier est ouvert pour pouvoir observer le mouvement. Blancpain a souhaité le faire pour rappeler qu'il y a un vrai travail technique derrière. A vrai dire, la finition, pourtant très soigné et irréprochable, n'est pas très démonstrative et quitte à voir le mouvement, j'aurais aimé que Blancpain soit plus audacieux dans notamment le traitement de la masse oscillante que j'ai trouvée un peu triste. La montre célèbre un anniversaire, une entorse aux grands principes de la montre de plongée et au contexte historique pouvait être faite et ce d'autant plus que le prix de vente est très sérieux.

L'intérêt du calibre 1154 P2 dans cette livrée est de proposer une réserve de marche de 100 heures obtenue grâce à un double-barillet et une résistance aux champs magnétiques de 1000 gauss grâce notamment au spiral en silicium. La fréquence du mouvement est de 3hz. Les performances sont ainsi excellentes et j'apprécie que Blancpain n'ait pas oublié dans cette démarche esthétique néo-rétro de mettre les caractéristiques techniques au niveau supérieur des standards contemporains.

Enfin, la 3ième montre anniversaire est agréable à porter car son poids reste raisonnable. Heureusement d'ailleurs car l'unique bracelet qui est fourni avec la montre est un NATO (certes joli). Franchement, à ce niveau de prix, Blancpain aurait pu faire l'effort de fournir un second bracelet plus classique. Parce que du point de vue esthétique, compte tenu du rendu raffiné de la montre, la forme du bracelet fait un peu "tache". Un bracelet plus traditionnel à deux brins aurait été bienvenu.

Cela fait deux fois que j'évoque le prix donc il est temps de mettre les pieds dans le plat. Le prix est fixé à 32.000 euros et je le trouve élevé. Oui, la montre est belle. Oui elle est étanche à 300 mètres. Oui elle est éditée dans le cadre d'une série limitée de 555 exemplaires. Oui c'est une montre commémorative. Oui son boîtier est en or-bronze. Oui elle est livrée dans un écrin inspiré par les caissons étanches des appareils photo historiques... Oui mais un prix de 32.000 euros pour une montre sans complication et avec un unique bracelet NATO m'a semblé excessif. Mais comme on dit dans le monde horloger, lorsque la montre est belle, le prix n'est plus un problème... et je pense que Blancpain a pris cet adage un peu trop au pied de la lettre.

Alors, quelle est ma conclusion à propos de cette montre ? J'ai à vrai dire plusieurs sentiments. La satisfaction tout d'abord du fait de la réussite esthétique de cette montre et de ses caractéristiques techniques. Tant qu'on ne la voit pas en vrai, on ne peut pas apprécier la qualité du travail et de l'exécution. Elle est très bien faite. La déception ensuite parce que dans le contexte d'un prix élevé, Blancpain aurait pu faire plus d'effort dans la décoration du mouvement (la fidélité à l'esprit Fifty Fathoms fait ici un peu figure de prétexte) et en proposant au minimum un autre bracelet alternatif. On est dans le strict minimum et cela me laisse sur ma faim. De l'espoir enfin. Comme me l'a rappelé un collectionneur en message privé sur Instagram: "Blancpain est la seule marque qui sait exactement la montre que ses clients veulent depuis 10 ans mais qui refuse de la sortir". J'espère donc que cette séquence va enfin faire prendre conscience à la marque qu'il est temps de mettre dans la collection permanente une Fifty Fathoms à taille plus contenue, moins brillante, en acier. Fonctionner avec des séries limitées sexy et une collection permanente qui l'est moins ne crée pas de la frustration au sens de motivation pour les acheteurs. Cela génère de l'agacement qui au contraire freine la décision d'achat. Alors, une fois de plus, je vais être patient et je vais attendre des jours meilleurs. Je sais que Blancpain a les recettes et la capacité pour proposer une belle Fifty Fathoms dans le catalogue. J'espère que maintenant la marque en aura la volonté. Et là, ce sera une très belle façon de clôturer toute cette période dédiée à la célébration du 70ième anniversaire et de commencer à écrire une nouvelle page.

Les plus:

+ une réussite esthétique

+ la qualité soignée de l'exécution

+ les performances techniques du mouvement

Les moins:

- un prix excessif

- la montre n'est livrée qu'avec un seul bracelet NATO

- la décoration du mouvement aurait pu faire l'objet de plus d'audace