Une montre inattendue, la Ianos Mihanikos Edition Chronopassion

Laurent Picciotto n'a pas son pareil pour dénicher des marques singulières y compris lorsqu'elles proviennent de contrées peu réputées pour leur production horlogère. Le dernier exemple en date est son partenariat avec Ianos, une marque d'origine grecque (mais enregistrée en Suisse) et fondée par Jacob Hatzidimitriou. Ianos n'est pas la première marque ayant des racines helléniques mais sa notoriété est grandissante depuis ses premiers pas officiels en 2019. Depuis, deux modèles de montres de plongée ont émergé: l'Avyssos, une montre étanche à 300 mètres et équipée d'un mouvement à remontage manuel et la Mihanikos qui offre la même étanchéité mais cette fois-ci avec un mouvement automatique ainsi qu'un guichet de date à 12 heures.

La grande réussite de Jacob Hatzidimitriou est d'être parvenu à forger une identité à ses créations ce qui n'est jamais simple dans le contexte des montres de plongée dont l'esthétique est généralement très influencée par les icones du genre et par les contraintes techniques et d'utilisation. L'Avyssos et la Mihanikos  partagent ainsi une atmosphère inspirée par la culture des plongeurs grecs. Et pourtant, lorsqu'on examine de près ces deux modèles, ils n'ont pratiquement rien en commun. L'Avyssos possède un diamètre de 44mm, une lunette graduée et un cadran comportant des chiffres et des index luminescents. Je la qualifierais de la montre de plongée la plus fonctionnelle de la collection. La Mihanikos (dont le diamètre est de 43mm) est au contraire plus dépouillée et se concentre sur l'essentiel. La lunette n'est pas graduée, le cadran ne comporte que des index et la trotteuse, pourtant un élément fondamental dans une montre de plongée car servant d'indicateur de marche, semble disparaître dans les profondeurs du cadran. En revanche, un guichet fait son apparition: celui de la date à 12 heures.

En fait, tout ceci procède d'une grande logique. A travers ces deux montres, Jacob Hatzidimitriou revisite l'histoire des plongeurs - pêcheurs d'éponge. L'Avyssos évoque l'activité du début du XXième siècle, période dans laquelle les plongeurs avec leur équipement rudimentaire avaient découvert l'épave d'Anticythère.  Dans ce cadre, une montre de plongée fonctionnelle leur aurait été très utile. La Mihanikos (dont la traduction pourrait être le "Mécanicien") témoigne de l'évolution et de l'industrialisation de l'activité. La plongée s'effectue alors dans des scaphandres et par conséquent la notion temporelle n'est plus la même. La graduation précise de la lunette n'est plus obligatoire mais, et c'est le paradoxe, la longueur de la plongée entraîne la nécessité de l'affichage des quantièmes d'où la présence du guichet de date. Le changement de type de mouvement s'inscrit dans cette même démarche: le mouvement manuel des premiers temps est remplacé, tel un symbole, par le mouvement automatique qui d'une certaine façon traduit la mécanisation de la plongée.

Si la Mihanikos semble d'apparence plus sobre que l'Avyssos, il n'en demeure pas moins que son esthétique est très subtile. L'ensemble évoque le scaphandre et la lunette délimite son hublot. L'intégration de la date à 12 heures est réussie, grâce à un contour qui reprend la forme des principaux index. Le protège-couronne proéminent (qui n'existe pas sur l'Asyssos) accompagne les courbes du boîtier qui se distingue par son design abouti malgré ses dimensions généreuses (43mm de diamètre pour une épaisseur maximum de 15,75mm). Jacob Hatzidimitriou est parvenu à casser la sensation de volume grâce à une lunette épaisse qui limite l'ouverture du cadran, à  des formes très douces (notamment au niveau des cornes) et à un travail sur la carrure qui rend l'épaisseur moins perceptible.

La première édition de la Mihanikos à cadran bleu foncé a été éditée dans le cadre d'une série limitée de 300 pièces. Cette montre (qui est sold-out depuis) ainsi que l'approche de Jacob Hatzidimitriou ont séduit Laurent Picciotto qui a pu tester la qualité d'une montre Ianos en devenant client de la marque et en profitant d'une des pièces l'été dernier. C'est ainsi que l'idée d'une édition spéciale Chronopassion a germé dans son esprit. Il est évident que même dans ses rêves les plus fous, Jacob Hatzidimitriou n'imaginait pas recevoir une telle proposition de la part d'un acteur du marché aussi renommé.

Le canal du fond du boîtier:

La Ianos Mihanikos Edition Chronopassion s'adapte à un contexte plus urbain, plus parisien. Le cadran est dorénavant gris ce qui donne une tonalité monochrome à l'ensemble. Cette démarche esthétique est intéressante car elle permet de définir un contraste intéressant entre le cadran et la lunette, principalement grâce à leurs textures respectives. J'aime beaucoup le travail sur la lunette unidirectionnelle car son épaisseur offre un contexte idéal à son rendu. Sa finition latérale cannelée permet une prise en main facile. Les aiguilles sont dans cette édition noires  et contrastent plus avec le cadran que dans la version originale.

Je retrouve évidemment dans l'édition Chronopassion l'astuce du fond du boîtier qui est une sorte de marque de fabrique de Ianos. La partie centrale du fond propose un enfoncement sous forme de canal ce qui permet au bracelet qui passe sous le boîtier de se loger dedans. Le résultat est immédiat: l'épaisseur de l'ensemble est maîtrisée et l'esthétique, lorsque la montre est au poignet, est bien plus agréable. J'ai beaucoup aimé ce détail qui démontre le sérieux et la cohérence avec lesquels Jacob Hatzidimitriou a développé son projet.

Du point de vue mécanique, la Ianos Mihanikos est équipée d'un mouvement Sellita SW360-1 qui est l'alter-ego de l'ETA 2895-A2 soit un 2892-A2 mais à petite seconde à 6 heures. Il s'agit d'un mouvement fiable et répandu ce qui est un très bon point sur le long terme. Ses performances sont donc équivalentes à celles de cette catégorie de mouvement, soir une réserve de marche de 42 heures pour une fréquence de 4hz.

La montre est livrée avec deux bracelets "monopasse" (l'un en cuir italien et l'autre en caoutchouc avec un motif éponge) qui se changent en quelques secondes. Compte tenu du système de fixation, la taille perçue au porter reste raisonnable. Même si le boîtier demeure massif, il peut tout à fait être porté avec un poignet de taille moyenne.

J'ai en tout cas apprécié cette montre ne serait-ce que par son contexte original et par le soin apporté aux détails. Ses origines lui confèrent une identité propre et la qualité de la réalisation, soulignée par une finition irréprochable met en valeur la cohérence de la démarche esthétique. L'atmosphère grise de l'édition Chronopassion fonctionne très bien et ne dénature pas le propos original.

La Ianos Mihanikos Edition Chronopassion est disponible via la boutique de Laurent Picciotto à un prix de 2.900 euros TTC. La montre sera dans un premier temps produite en 30 exemplaires. 12 exemplaires sont d'ores et déjà disponibles afin de profiter de cette montre de plongée singulière pendant l'été.

Les plus:

+ un contexte original et bien exploité

+ une finition irréprochable, notamment au niveau du boîtier

+ le système du canal qui permet de cacher la bande du bracelet au contact du boîtier

Les moins:

- les performances du mouvement sont en retrait par rapport à celles des calibres de conception plus récente