C'est presque un paradoxe: Tudor présente la nouvelle version de la Ranger tout en célébrant le 70ième anniversaire de la British North Greeland Expedition... en pleine canicule! Le message se trouve sûrement là d'ailleurs: que ce soient les températures les plus basses ou les plus hautes, la nouvelle Ranger se veut être taillée pour l'aventure. On va de nos jours beaucoup plus penser aux aventures urbaines et incontestablement, la Tudor Ranger se distingue par sa polyvalence à l'usage mais aussi du point de vue esthétique. Une chose est sûre: le choix d'une présentation d'une nouveauté début juillet n'est pas faite au hasard: l'actualité horlogère est plus calme et le moment est propice pour dévoiler une pièce d'envergure sans le risque qu'elle soit noyée par le brouhaha médiatique.
Car la nouvelle Ranger est une montre très importante pour Tudor. Elle a vocation à générer du volume de vente. C'est la raison pour laquelle elle peut être perçue comme l'archétype de la montre qui est faite pour plaire au plus grand nombre. Sa taille est dans ce cadre idéale (39mm ce qui est le diamètre intermédiaire s'adaptant à tout type de poignet, masculin ou féminin), son cadran est plutôt agréable avec la petite touche de néo-rétro et toute la dimension pratique a été mise en avant:
- la Ranger est disponible avec 3 types de bracelet: acier, hybride caoutchouc, cuir ou tissu rouge, vert et beige
- Son boîtier est satiné ce qui la rend plus discrète
- Elle est animée par le mouvement de manufacture MT5402 (en provenance de Kenissi) ce qui permet d'atteindre une réserve de marche généreuse de 70 heures pour une fréquence de 4hz. De plus, le mouvement est certifié chronomètre.
- Elle possède une étanchéité de 100 mètres
- Le bracelet acier possède le fermoir de sécurité T-fit ce qui permet d'avoir un réglage fin sur 5 positions et une amplitude de 8mm.
Cette montre possède ainsi un rôle stratégique pour Tudor. Elle complète la collection des montres de sport en offrant un style plus polyvalent que les autres montres de cette même collection. C'est d'ailleurs à la fois une force et une faiblesse. Une force parce qu'elle a clairement la vocation (et les atouts pour y parvenir) de séduire la clientèle dans le monde entier. Une faiblesse car elle possède moins de caractère qu'une Pelagos FXD. A titre personnel, je suis plus attiré par une montre plus engagée, plus clivante comme peut l'être la Pelagos FXD. Mais cette dernière est finalement une montre "de niche". La Ranger est consensuelle et devient la complice idéale de la Tudor Royal. Cette dernière existe en plusieurs tailles, plusieurs styles, plusieurs animations de cadran, combine les finitions polies et satinées et elle possède a minima l'affichage de la date. La Ranger n'existe qu'en une seule taille, qu'avec un seul cadran, qu'avec une seule finition de boîtier et n'offre aucune complication. Deux approches pour un même objectif pour Tudor: devenir l'acteur incontournable dans le segment clé autour de 3.000 euros.
J'utilise généralement le terme de consensuel avec une connotation négative. Pour moi, une montre consensuelle est passe-partout et peu intéressante car ses aspérités, tous les détails qui peuvent donner un peu de piment et de singularité sont gommés. Dans le contexte de la Ranger, le ressenti est différent et le savoir-faire de Tudor s'exprime. Il est vrai que personne ne sera choqué par son rendu esthétique. Le boîtier est classique et le cadran est parfaitement équilibré. Même si je regrette l'absence d'éléments appliqués qui auraient donné du volume, les chiffres peints sont exécutés avec soin et sont cohérents avec l'atmosphère néo-rétro. Tudor est heureusement parvenu à injecter des petits détails qui forgent une identité. Je pense à la paire d'aiguilles et notamment à l'aiguille des heures qui joue un rôle important dans la fidélité par rapport au modèle qui a servi d'inspiration et dans la touche de dynamisme qui est insufflée dans le design. De plus, le bout coloré de la trotteuse anime joliment le cadran. Enfin, le rendu bombé de ce dernier casse le risque d'uniformité. Dernier point: je me réjouis de l'absence de guichet de date.
En matière d'exécution, la Ranger est fidèle à ce que l'on attend de la part de Tudor. La manipulation du fermoir et de la couronne est aisée, la glace saphir bombée contribue à la lisibilité et l'ensemble respire la qualité. Bien entendu, les différentes positions du fermoir apportent beaucoup de confort au porter grâce à un ajustement idéal autour du poignet.
La Tudor Ranger est selon moi une jolie réussite. Ce n'est pas ma montre Tudor préférée mais elle a été créée avec beaucoup de sérieux et j'ai envie de dire, d'intelligence compte tenu de ses objectifs. J'aurais apprécié qu'il y ait un peu plus d'audace et de prise de risque mais je considère que ce qu'elle offre est très convaincant et efficace pour un prix situé en-dessous de 3.000 euros. Ma version préférée est celle avec le bracelet acier car il est plus économique de l'acheter d'origine et parce que son fermoir est un vrai plus. Enfin, j'aimerais évoquer une clientèle potentielle de cette Ranger: les personnes qui regrettent que la Rolex Explorer n'existe plus en 39mm. Certes, la Ranger n'est pas dans le même segment mais j'en viens presque à me demander si Rolex n'a pas fait une petite place dans ses diamètres pour ne pas favoriser encore plus le succès de la montre de Tudor qui de toutes les façons sera bien plus disponible. Et nous savons tous que rien n'est jamais fait au hasard chez Rolex.
Les plus:
+ les performances du mouvement de manufacture
+ la finition satinée du boîtier
+ le fermoir du bracelet
+ le prix raisonnable
Les moins:
- une approche sans véritable prise de risque