Ultramarine: Albatros

Tout comme dans la littérature, il y a dans l'horlogerie le syndrome de la deuxième création. De nombreuses jeunes marques qui avaient surpris avec leurs modèles initiaux avaient eu du mal par la suite à confirmer les espoirs placées en elles. C'était aussi le risque que courait Lionel Bruneau à travers sa marque Ultramarine en développant sa nouvelle montre, l'Albatros, qui venait derrière la très convaincante Morse. Inutile de faire durer le suspense inutilement, cet obstacle a été franchi avec brio en utilisant une formule très simple: Lionel Bruneau a conservé la même recette employée lors de la conception de la Morse. Cependant, il serait inexact de considérer l'Albatros comme une déclinaison de la Morse. Oui, les deux montres partagent le même souci du détail et une approche esthétique similaire. Mais l'Albatros se distingue de sa devancière par un style encore plus épuré et d'une certaine façon, plus efficace.

L'Albatros est une montre à 3 aiguilles et nous savons tous que créer une montre simple séduisante est un exercice très difficile. Il y a tout simplement moins de paramètres qui permettent de se distinguer de la concurrence et l'écueil est parfois d'en faire trop. L'Albatros m'a beaucoup plu car elle se concentre sur l'essentiel. Il s'agit d'une pièce à l'esthétique et à l'usage polyvalents dont on aurait du mal à classer dans une catégorie. S'agit-il d'une montre de pilote, d'une montre sport-chic ? Qu'importe après tout puisque l'Albatros, du fait de son étanchéité de 100 mètres, de sa lisibilité et de la qualité de ses finitions s'adapte à quasiment tous les usages.

La grande force de la pièce réside dans la finition du cadran. Dans ce segment de prix (la montre est commercialisée à un prix de 1.900 euros HT), il est difficile de trouver des cadrans aussi bien finis. Le logo et les chiffres appliqués sont propres, nets avec une matière luminescente parfaitement apposée. La minuterie périphérique respecte la même rigueur dans l'exécution. La perception de la qualité provient du contraste entre les éléments appliqués et le cadran brossé soleillé qui crée de beaux reflets de lumière, quelque soit sa version. De même les différentes épaisseurs du logo principal et des chiffres et index donnent du volume au cadran et renforcent la sensation de profondeur. Le cadran de l'Albatros est donc loin d'être plat et il est passionnant à observer. Son apparente simplicité fait que l'on s'attarde plus sur les détails ce qui permet d'apprécier le sérieux des finitions. J'aime également beaucoup les aiguilles principales. Elles sont différentes de celles de la Morse même si elles partagent un air de famille. La matière luminescente est cette fois-ci présente en un seul segment. La combinaison de ces aiguilles avec les index et chiffres appliqués rend la lisibilité parfaite, y compris dans des conditions de lumière incertaines. Le verre saphir qui possède un revêtement anti-reflet interne  apporte aussi son écot à cette lisibilité optimale.

Le boîtier en acier possède un diamètre de 40mm pour une épaisseur de 12mm. La montre apparaît comme un peu épaisse et c'est la raison pour laquelle je recommande la finition polie brossée qui casse l'uniformité de la carrure (une finition polie est également disponible). Le design du boîtier est là-aussi efficace et se concentre sur l'essentiel. Les cornes sont nettement incurvées et plongent sur le poignet. Le design n'est pas forcément d'une grande originalité mais le rendu correspond bien à l'atmosphère classique et décontractée de la montre.

L'Albatros est sans surprise animée par le calibre 3902A d'Eterna visible à travers un fond transparent. Il appartient à la même famille de mouvements (calibre 39) que celui de la Morse qui possède en plus la date et l'affichage d'un second fuseau avec une petite seconde à 9 heures. Dans le contexte de l'Albatros, la trotteuse est centrale ce qui est cohérent avec l'esthétique du modèle. Le calibre 3902A offre d'excellentes performances avec une réserve de marche de 65 heures pour une fréquence de 4hz ainsi qu'un remontage automatique efficace. La présentation du mouvement est agréable, surtout du fait de sa taille, occupant généreusement le boîtier. La finition est soignée et sans fioriture mais le style décoratif correspond bien à la démarche épurée du cadran. J'aurais en revanche préféré un meilleur contraste entre la masse oscillante et le reste du mouvement mais c'est une question de goût. Le bémol concernant le calibre n'est pas lié à ses propres qualités mais à sa faible diffusion.

 

En tout cas, l'Albatros m'est apparue comme une excellente montre, bien conçue et réalisée avec soin. Son approche esthétique épurée et l'absence de complication mettent en valeur la rigueur et le sérieux de l'exécution. Le cadran est une vraie réussite mais les autres éléments, s'ils n'atteignent pas le même niveau de séduction sont au même diapason qualitatif. L'Albatros se porte avec beaucoup de plaisir grâce à sa taille équilibrée et à son bracelet en veau souple et confortable. 3 cadrans sont disponibles (bleu, noir et gris), chaque version étant produite à 100 exemplaires. Si la montre photographiée est celle à cadran gris, ma préférée demeure la version à cadran bleu qui tire pleinement profit de la finition soleillée. La version grise m'a aussi beaucoup plu, la trouvant très lumineuse. Dans ce contexte qualitatif, le prix de 1.900 euros HT m'est apparu très raisonnable surtout pour une montre, comme cela est rappelé à l'arrière du boîtier (et plus discrètement sur le cadran), intégralement ouvrée en Suisse. Et nous savons tous que cette caractéristique est aujourd'hui très rare, tout du moins dans ce segment. Au moins, un tel critère est bien plus clair que la définition du Swiss Made qui laisse la porte ouverte à des interprétations  très libres du concept. Mais c'est un autre débat!


L'Albatros, tout comme la Morse, peut être commandée via le site d'Ultramarine.

Les plus:

+ la présentation du cadran (et quel bonheur qu'il n'y ait pas de date!)

+ la qualité de l'exécution et des finitions

+ les performances du mouvement

+ le prix raisonnable pour une montre intégralement ouvrée en Suisse

Les moins:

- un mouvement de faible diffusion

- un boîtier un peu épais