Tudor: Pelagos FXD

Contrairement aux nageurs de combat, la Tudor Pelagos FXD n'a pas effectué une approche très discrète! En effet, quelques jours avant son annonce officielle, le plus célèbre ambassadeur de la marque, David Beckham, publiait par mégarde une photo d'une montre différente de tous les modèles existants. Les spéculations allaient bon train et de très nombreuses personnes pensèrent même qu'il s'agissait d'une bourde beaucoup trop heureuse pour être vraie compte tenu du buzz qu'elle créait. Je pense de mon côté que ce post était une véritable boulette de la part de Beckham car ce n'est pas l'habitude de la maison, fidèle aux principes de sa grande soeur Rolex, d'aller bouleverser ses plans en provoquant une discrète rupture d'embargo pour alimenter une campagne médiatique. De toutes les façons Tudor n'a pas besoin de ça et la photo postée par David Beckham fut vite oubliée, emportée par le lancement officiel de la Pelagos FXD.

La construction particulière du boîtier à barrettes fixes qui donnent le nom au modèle:


Comme toujours avec Tudor, cette nouveauté se révèle être beaucoup plus importante qu'elle ne semble être à la base. Tout d'abord, elle matérialise le nouveau partenariat annoncé avec la Marine Nationale il y a quelques mois. Les relations entre Tudor et la Marine Nationale sont historiques, débutant concrètement en 1956 lorsque la marque transmit des Oyster Prince Submariner références 7922 et 7923 au Groupe d’Étude et de Recherches Sous‑Marines (G.E.R.S.) pour évaluation. Convaincu par la qualité et les performances de ces montres, le G.E.R.S prit par la suite commande de la référence 7924, étanche à 200 mètres. Les relations se poursuivirent ainsi pendant près de 30 ans, les commandes de la Marine Nationale témoignant des évolutions techniques subies par les plongeuses de Tudor et accompagnant ainsi le développement de la marque.

 

Le nouveau partenariat est donc porteur d'un message très fort. Certes, il ne s'inscrit pas dans une démarche similaire avec des prises de commande de montres de dotation. Cependant, le tout nouveau modèle est présent dans le catalogue de la boutique officielle de la Marine Nationale (en précisant bien que la montre n'est disponible que dans le réseau officiel de Tudor). Mais surtout, le partenariat redonne un coup de projecteur sur l'histoire de Tudor et renforce sa légitimité en tant que fabricant de montres de plongée. Si cette histoire est connue des spécialistes et des collectionneurs, elle l'est beaucoup moins du grand public et dans une perspective d'élargissement de la base de clientèle, le message lié au partenariat prend alors tout son sens, surtout lorsqu'on considère la dimension prestigieuse des montres officiellement utilisées par les militaires.

Ensuite, la Tudor Pelagos FXD diversifie intelligemment l'offre de Tudor. Elle positionne la marque dans une perspective plus contemporaine que les Black-Bay (et particulièrement les Fifty-Eight) et parvient à renouveler la ligne Pelagos tout en restant totalement cohérente avec l'objectif poursuivi par cette montre instrument. Qui dit Pelagos, dit montre de plongée et bien évidemment, compte tenu de ses performances (étanchéité de 200 mètres, la luminescence efficace, les bracelets en tissu ou en caoutchouc), la Pelagos FXD peut revendiquer fièrement ce statut. Cependant elle n'a pas le droit d'être officiellement considérée comme une montre de plongée puisque sa lunette ne répond pas aux normes ISO6425:2018. En effet, lorsque nous comparons la lunette de la Pelagos FXD à celle de la Pelagos "standard", nous remarquons 4 principales différences: elle est graduée à l'envers, elle est entièrement graduée, elle est bi-directionnelle et elle est crantée de façon plus prononcée. Ces différences sont logiques et s'expliquent facilement. L'objectif de cette lunette n'est pas celui d'une lunette traditionnelle de plongée. Elle doit permettre la navigation par caps successifs pratiquée par les nageurs de combat.


Je trouve ce détail remarquable et symbolique de l'approche de Tudor. Remarquable car la montre se distingue automatiquement de la concurrence. Symbolique car il souligne le souci du détail et de la cohérence chez Tudor. Tout le monde est à peu près convaincu que la quasi-totalité de la clientèle n'utilisera jamais cette lunette pour pratiquer ce type de navigation, quelques mètres sous l'eau. Et pourtant, la montre pourra être portée sans problème par un nageur de combat puisqu'elle répondra entièrement à ses attentes.

Enfin, la Tudor Pelagos FXD démontre une fois de plus le savoir-faire de Tudor qui est allé au bout de la logique. La meilleure démonstration provient du travail sur le boîtier. Il possède des barrettes de bracelet fixes qui renforcent la solidité de la fixation, toujours dans l'objectif de créer la montre la plus efficace dans le contexte de sa vocation première. Là non plus, 99% des clients ne ressentiront pas le besoin d'avoir des barrettes fixes. La plupart peuvent même regretter cette solution car le système impose un type de bracelet spécifique à brin unique. Mais Tudor sait très bien que la recette du succès réside de nos jours dans l'absence de concession et dans des approches clivantes. C'est clairement revendiqué: la montre tire son nom de ces barrettes fixes (FXD étant le diminutif de fixed).


C'est ainsi que Tudor est parvenu à renouveler et à compléter sa ligne Pelagos par l'adjonction d'une nouveauté qui est à la fois similaire du point de vue esthétique au modèle avec date mais qui en même temps s'en distingue nettement.

Le premier changement visible, au-delà des détails de la lunette évoqués précédemment est l'absence de guichet de date. Il est logique puisqu'il s'agit ici d'éliminer tout détail superflu. Et à titre personnel, j'apprécie cette décision car le cadran me plaît beaucoup plus sans le guichet. Le deuxième changement est lié au boîtier. Si le diamètre demeure identique (42mm), il gagne en finesse puisque son épaisseur n'est plus que de 12,75mm (contre 14,3mm pour le modèle Pelagos "standard"). Ce changement d'épaisseur est dû au retrait de la valve à hélium et à une étanchéité revue à la baisse (200 mètres contre 500 mètres), des caractéristiques inutiles pour une montre destinée à des nageurs de combat. La montre gagne en fluidité et en élégance ce qui est un bon point. De plus la réduction de l'épaisseur est bienvenue car le système de fixation du bracelet impose au brin de passer sous le fond du boîtier.

La qualité de l'exécution et des finitions sont bien entendu au niveau habituel de la marque. L'ensemble respire le sérieux et j'apprécie particulièrement la finition satinée du boîtier ainsi que les sensations en manipulant la lunette, ni trop douce, ni trop ferme. Par rapport à la Pelagos "standard",  il est aussi important de noter que si le diamètre est identique, les proportions relatives des éléments sont légèrement différentes. La lunette de la Pelagos FXD est plus large, diminuant alors l'ouverture du cadran ce qui conduisit à modifier le rehaut qui est plus court et plus incliné.


La Pelagos FXD est animée par le calibre de manufacture MT5602 qui est la version sans date du MT5612 de la Pelagos "standard". Ce mouvement de conception récente possède une intéressante réserve de marche de 70 heures pour une fréquence de 4hz. Il se caractérise notamment par un pont de balancier traversant et un spiral en silicium. Il s'agit d'un calibre fiable, robuste et précis, la montre était certifiée chronomètre.

Compte tenu des modifications apportées par Tudor comme la suppression de la valve à hélium et l'étanchéité revue à la baisse, le prix de vente se situe en-dessous de celui de la version "standard": 3.650 euros contre 4.290 euros. Cependant la version "standard" possède un bracelet en titane ce qui n'est pas le cas de la version "FXD" qui est commercialisée avec un bracelet NATO et un bracelet caoutchouc à brin unique. Finalement, tout ceci est plutôt cohérent et l'avantage pour Tudor est de faire une proposition dans la ligne Pelagos à un tarif inférieur de 4.000 euros. 

La montre est vendue avec deux bracelets:

 

La sensation au poignet est agréable. Le bracelet caoutchouc offre un très bon maintien et du point de vue esthétique le résultat est satisfaisant car il ne prend pas de forme bizarre au niveau des barrettes (ce qui est parfois le cas avec des montres à barrettes fixes). En revanche, le bracelet NATO m'a semblé trop long pour mon poignet de 17,5cm. J'espère donc que Tudor proposera différentes longueurs ainsi que d'autres propositions alternatives pour permettre aux propriétaires de cette montre de s'amuser un peu en pratiquant le changement de bracelet... qui s'effectue en quelques secondes.

Enfin, comment ne pas évoquer le fond plein en acier du boîtier ? Toute la puissance du partenariat se trouve résumé dans les deux lettres M.N. et le millésime gravés sur le fond. Cette combinaison de lettres et de chiffres apporte le supplément d'âme à la montre en rappelant la longue histoire entre les deux partenaires. Alors, même si la Pelagos FXD ne s'inscrit pas dans la même démarche avec la Marine Nationale qu'il y a plus de 60 ans, elle est sans aucun doute digne de ses devancières. Tudor a selon moi défini une montre passionnante qui renouvelle le genre en se concentrant sur la réponse aux besoins des nageurs de combat. Le fond définit la forme, la Tudor Pelagos FXD est une belle démonstration de ce principe.

Les plus:

+ un renouvellement de l'exercice pourtant imposé de la montre de plongée

+ un style plus élancé et plus élégant

+ la qualité de l'exécution

+ les performances du mouvement

Les moins:

- un bracelet NATO trop long. Le système de fixation du bracelet limite les possibilités de changement en imposant des bracelets à brin unique.