L'édition 2021 d'Only Watch vient de s'achever avec la tenue de la vente aux enchères organisée par Christie's et dont la quasi totalité des recettes finance la recherche sur la dystrophie musculaire de Duchenne. Il est toujours intéressant d'analyser les résultats de cette vente se déroulant tous les deux ans car elle contribue à donner des indications sur les tendances du marché. Je parle bien de contribution car elle n'est pas le seul indicateur. Tout d'abord certains acteurs majeurs de l'horlogerie ne participent pas à l'événement et le caractère particulier (ces pièces uniques sont proposées dans un contexte caritatif) peut apporter un biais. Il n'empêche que quelques enseignements peuvent être tirés. S'il fallait résumer cette édition, je la qualifierais comme celle de la confirmation de ces tendances.
1) Le pouvoir des marques stars
Parmi les 5 pièces qui ont dépassé le million, 4 proviennent de marques habituées à tutoyer les nuages: Patek Philippe, François-Paul Journe, Audemars Piguet et Richard Mille. Rien de bien surprenant et je pourrais évidemment rajouter Rolex qui participe indirectement à l'événement via Tudor dont la performance reste toujours significative (CHF 650.000 pour une déclinaison d'une montre vendue 3.800 euros). La notion de marque supplante tout autre paramètre, y compris celui des complications. Après tout, Audemars Piguet et Richard Mille ne proposaient que des montres à deux aiguilles mais leurs particularités (l'une clôturait une référence, l'autre était un prototype) rajoutaient le supplément d'excitation. Et comme il ne faut pas grand chose pour que les prix décollent... Je souhaite profiter de l'occasion pour souligner une fois de plus la démarche de François-Paul Journe qui a proposé une véritable nouveauté et non une déclinaison d'un modèle existant ce qu'on a un peu trop vu dans la sélection. La démarche de Patek Philippe était donc également à souligner avec en plus, une horloge de bureau animée par un nouveau mécanisme. A titre personnel, je fus surpris que ces deux pièces n'aient pas atteint les barres psychologiques des 5 et 10 millions mais, évidemment, les performances restent remarquables.
La 5ième pièce émane d'un duo d'indépendants et c'est une double bonne nouvelle. Une bonne nouvelle pour le duo De Bethune et Kari Voutilainen pour commencer et une bonne nouvelle pour l'horlogerie indépendante en général.
2) La poussée de l'horlogerie indépendante
C'est confirmé par d'autres ventes, il y a un véritable engouement pour certaines marques indépendantes. C'était déjà une réalité pour MB&F par exemple mais il est intéressant de remarquer qu'il y a une sorte d'effet de capillarité. La performance d'Akrivia est étonnante et méritée (CHF 800.000 pour une montre à trois aiguilles animée par un tout nouveau calibre), celle de Moser l'est également (CHF 750.000 pour la Streamliner à Tourbillon Cylindrique). D'autres en profitent comme Krayon (CHF 320.000), Chaykin (CHF 290.000) ou Urwerk (CHF 280.000) mais personnellement je fus un peu déçu des performances de Laurent Ferrier (CHF 160.000) et de Romain Gautier (CHF 100.000). Ces montres méritaient mieux. Quoi qu'il en soit, l'horlogerie indépendante est actuellement dans une dynamique très positive qui peut s'expliquer par plusieurs phénomènes. La levée de certaines craintes sur la pérennité de ces acteurs, la sensation d'acheter une montre au véritable contenu horloger et d'être face à une démarche personnelle et sincère, l'espoir d'acquérir une montre d'un artisan qui peut devenir le François-Paul Journe de demain (je pense que cela joue pour Akrivia), tout ceci contribue à cet élan. Et puis, la confrontation avec la réalité des grands groupes tourne de façon quasi systématique à l'avantage des indépendants.
La HM10 Panda Only Watch de MB&F:
3) Les marques des grands groupes s'en tirent pas trop mal
Franchement, je m'attendais à des performances moindres. Il y a une sorte de sentiment qui flotte dans l'air depuis un certain temps qui semble indiquer un décalage entre les aspirations des collectionneurs et les orientations stratégiques des marques des grands groupes. L'absence de visibilité et de lisibilité de certaines n'aident pas. Quoi qu'il en soit, il faut saluer les marques qui se sont prêtées à l'exercice et notamment celles de LVMH, Swatch Group et de Kering. Les performances ont été très correctes et je fus même surpris par celle de Zenith (CHF 480.000). En revanche, la participation de Richemont s'est réduite à celle de Montblanc (au résultat fort honorable) et c'est dommage pour l'événement et surtout pour l'image du groupe qui devrait être plus représenté. Je souhaitais faire une mention particulière à Girard-Perregaux qui m'a fait très plaisir en réinterprétant la casquette de 1976. La marque doit saisir toutes les opportunités pour faire parler d'elle afin que son potentiel puisse s'exprimer. Quant à la Breguet Type XX, cela fait des lustres que le marché demande qu'une telle montre fasse son retour dans la collection permanente. J'avais fait la même remarque il y a deux ans. Qu'attend-on chez Breguet pour enfin introduire une Type XX néo-rétro dans le catalogue ?
4) Les prix ne cessent de monter
Faire des moyennes entre les différentes éditions n'a aucun sens surtout lorsqu'une montre fait une performance de plus de CHF 30.000.000 il y a deux ans. En revanche, il est intéressant d'analyser les poids des catégories de prix. Je me suis amusé à faire ce tableau: