Même si Panerai a proposé un large éventail de complications à travers ses montres, le calendrier perpétuel ne m'a jamais semblé être adapté à son contexte. Peut-être que dans mon esprit, une telle complication symbolise la montre classique et que son intégration dans un boîtier volumineux, au cadran caractéristique à chiffres luminescents m'aurait semblé incongrue. De plus, j'ai toujours la sensation que le style Panerai s'exprime avec plus de bonheur et d'efficacité avec des montres simples, voire à deux aiguilles uniquement. Les racines de la marque, son histoire, la vocation première des pièces, tout milite pour une approche éloignée de celle des montres compliquées et notamment des montres calendaires. Je pense que Panerai a bien conscience de cette situation mais elle ne peut pas s'en contenter au risque d'apparaître comme une marque figée et sans perspective d'évolution. Et puis, comment ne pas considérer les nouvelles tendances du marché qui ont pris de l'importance ces dernières années? Il y a de plus de plus de clients qui recherchent des complications de haut niveau voire prestigieuses comme le tourbillon ou le calendrier perpétuel dans des montres plus sportives et polyvalentes. De nos jours, il n'est guère surprenant de trouver un tourbillon dans une montre pouvant être portée en toutes circonstances y compris sous l'eau. Panerai ne pouvait pas rester en dehors de ces tendances et de toutes les façons, la manufacture avait déjà oeuvré à élargir son portefeuille de complications depuis un certain temps déjà jusqu'à proposer des pièces très techniques comme L'Astronomo ou Lo Scienzato. En revanche, il n'existait pas à ma connaissance de montre Panerai à calendrier perpétuel... si ce n'est une improbable Panerai Ferrari qui proposait un affichage des données calendaires par le biais d'aiguilles dans des sous-cadrans. Cette montre était loin d'être un chef d'oeuvre et elle fut emportée par l'échec commercial de toute cette collection.
En 2021, Panerai remet la complication du calendrier perpétuel sur le devant de la scène mais cette fois-ci avec beaucoup plus d'ambition et de réussite. La marque la propose grâce à la Luminor Perpetual Calendar disponible en deux versions: Platinumtech avec un cadran vert et Goldtech avec un cadran bleu. La greffe prend car l'affichage des données de la complication correspond au contexte esthétique caractéristique. Pour arriver à un tel résultat, Panerai a développé un mouvement de manufacture spécifique ou pour être plus précis, un mécanisme de complication dédié qui vient compléter un mouvement de base de manufacture. Ce mouvement de base est le calibre P4000 automatique à micro-rotor. Cette architecture caractérisée par une masse oscillante décentrée et l'utilisation de deux barillets lui permet d'obtenir d'excellentes performances (une réserve de marche de 3 jours pour une fréquence de 4hz) tout en conservant une certaine finesse (3,95mm de hauteur). Plusieurs détails témoignent de la conception récente de ce calibre comme le pont de balancier traversant ou le système pratique de réglage du balancier à inertie variable. Dans sa version de base, le calibre P4000 possède un pont qui recouvre l'intégralité de la partie du mouvement située à gauche de la masse oscillante et du balancier. Panerai tire profit de ce pont pour intégrer avec intelligence le mécanisme de calendrier perpétuel. J'utilise de façon délibérée le verbe intégrer car la marque a bel et bien réparti ce mécanisme autour du calibre de base et ne s'est pas contenté de le mettre au-dessus. En effet, les affichages sont répartis des deux côtés de la montre et c'est la clé du succès.
Côté cadran se trouvent les informations pratiques en sus de l'affichage de l'heure: les quantièmes, les jours de la semaine, l'aiguille du second fuseau (c'est un excellent point que d'avoir cette complication additionnelle) et dans un sous-cadran à 9 heures, l'affichage jour&nuit ainsi que la trotteuse. Les données nécessaires au réglage des quantièmes dans le cadre de la complication du calendrier perpétuel se trouvent sur le pont principal du mouvement. Ainsi, l'année (sur quatre chiffres ce qui est très agréable), les mois et l'indicateur du cycle des années bissextiles sont logés à l'arrière de la montre.
Cette répartition est judicieuse. Elle permet de se focaliser côté cadran sur les données calendaires pertinentes au quotidien. Le cadran est ainsi allégé et son interprétation est au bout du compte proche du style traditionnel de Panerai, privilégiant la lecture aisée de l'heure grâce aux aiguilles et index luminescents. Grâce à la couleur des disques des jours et des quantièmes qui se marie harmonieusement à celle du cadran, le cadran apparaît comme beaucoup plus simple qu'il n'est. Panerai est donc parvenu à intégrer la complication sans alourdir visuellement le design ce qui explique en grande partie la réussite de ce modèle.
La couleur du cadran est un vert satiné avec un joli effet de soleillage. Le rendu est très convaincant et j'ai beaucoup aimé cette couleur. Certes, le vert est de nos jours employé à toutes les sauces dans l'horlogerie mais je l'ai trouvé ici très raffiné, élégant et se mariant parfaitement avec le boîtier en Platinumtech.
Le boîtier Luminor a, sans surprise, un diamètre de 44mm. Son matériau est le Platinumtech, un alliage en platine 950 qui renforce la dureté et la résistance aux rayures. Si tel est le cas, c'est une bonne nouvelle car le platine reste un matériau paradoxal, dur à polir mais se rayant plutôt facilement. Compte tenu du gabarit du boîtier, toute intervention permettant de mieux le protéger est la bienvenue. La montre est de fait lourde et la densité du matériau se ressent. Personnellement, j'aime les montres lourdes et je considère que ce poids conséquent fait partie du plaisir apporté par la montre. Si on n'aime pas les pièces qui pèsent, je ne vois pas pourquoi on s'orienterait alors vers une Panerai en platine. La déception se trouve au niveau de l'étanchéité qui n'est que de 50 mètres alors que la taille de la pièce et surtout la vocation d'une montre Panerai invitent à des performances supérieures. C'est d'autant plus étrange que la Luminor Perpetual Calendar ne possède pas de poussoirs proéminents. Je pense que la marque aurait dû faire preuve de plus d'ambition sur ce thème. L'autre question que je me pose est sur le choix du matériau du boîtier. J'aurais préféré l'utilisation de l'acier voire du titane pour permettre un tarif plus accessible. Le prix de vente est de 66.000 euros TTC (46.000 euros TTC pour la version en or) au moment où d'autres marques y compris du même groupe proposent des calendriers perpétuels en acier à des tarifs plus raisonnables. Comparaison n'est pas raison mais je ne peux m'empêcher de penser que le choix du platine répond avant tout à une volonté de facturation. Or un matériau moins délicat aurait eu toute sa place surtout pour une montre à vocation polyvalente. Peut-être que cela viendra par la suite.
Compte tenu de l'organisation de la montre, l'observation du mouvement n'a pas qu'une seule vocation contemplative. Le calibre P4100 est à la fois sans surprise et original. Sans surprise car découlant du P4000, il offre une architecture similaire si ce n'est le pont principal qui rejoint cette fois-ci le côté opposé. La raison est simple: il a fallu faire de la place pour loger le mécanisme du calendrier perpétuel et la taille de la masse oscillante a été réduite. Original car comme indiqué précédemment, il intègre des affichages calendaires ainsi que celui de la réserve de marche ce qui est toujours pertinent avec une complication calendaire. La présentation du mouvement est propre, sans fioriture et d'aspect très contemporain. Son diamètre propre est de 35,1mm si bien qu'il occupe correctement le boîtier. Son épaisseur est raisonnable (7mm) soit 3mm de plus que le P4000 d'origine. A noter la taille du balancier plutôt petite, sûrement voulue afin de limiter la consommation d'énergie.
La Luminor Perpetual Calendar Platinumtech est pour moi une montre aboutie qui a toute sa place dans le catalogue de Panerai. Les choix techniques autour du développement du calibre P4100 ont permis une parfaite intégration de la complication du calendrier perpétuel. La couleur dominante est très séduisante et la complexité du mécanisme s'oublie grâce à une approche esthétique intelligente et cohérente avec l'esprit de Panerai. Cette Luminor apporte la démonstration que la manufacture peut s'ouvrir à des complications inhabituelles à condition de travailler avec soin leur intégration. Car c'est à la fois la force et la principale contrainte de Panerai: sa forte identité stylistique impose le respect d'un certain nombre de critères qui obligent à organiser différemment les affichages. Demeure l'interrogation relative au choix du matériau du boîtier. Au-delà du plaisir égoïste apporté par le platine, il m'aurait semblé judicieux de proposer une version à métal neutre moins noble pour rendre le tarif plus attractif. Cette remarque n'altère évidemment pas la qualité réelle de la montre en platine.
Les plus:
+ une intégration originale et réussie de la complication
+ la couleur dominante du cadran
+ la présence de l'affichage du second fuseau
+ les performances du mouvement P4100
Les moins:
- une étanchéité limitée à 50 mètres
- le prix, élevé mais logique pour une montre en platine, fait regretter l'absence d'une version plus abordable en acier ou en titane