Il y a deux principales façons d'interpréter la complication du calendrier perpétuel. La première consiste à positionner le maximum d'informations sur le cadran y compris en rajoutant des affichages pas forcément nécessaires comme les phases de la lune ou les jours de la semaine. La seconde est de se focaliser en priorité sur l'affichage des quantièmes et de considérer les autres données comme des paramètres permettant de procéder aux réglages avec précision. Cette seconde méthode est en tout cas aussi valable que la première puisqu'elle répond à l'objectif de la complication qui consiste à ce que les quantièmes soient toujours correctement affichés et ce, quelque soit la succession des mois y compris lors des années bissextiles. Depuis fort longtemps, les montres à calendrier perpétuel demeurent la parfaite incarnation de l'approche classique de l'horlogerie suisse. De très nombreuses informations sont réparties de façon harmonieuse sur le cadran dans un cadre généralement bien établi. Le paradoxe est que, dans certains cas, la lecture des quantièmes est rendue difficile malgré cette organisation très rationnelle. En effet, ils sont souvent indiqués par le biais d'une aiguille dans un petit sous-cadran ou via un petit guichet de date qui doit trouver sa place dans un cadran fort encombré. Cependant, de très nombreux clients sont sensibles à cette méthode car ils apprécient que la complexité du mécanisme soit retranscrite à travers l'organisation du cadran.
Toutefois, une nouvelle tendance émerge depuis plusieurs années: celle qui bouscule les affichages traditionnels. Des cadrans asymétriques ou combinant plusieurs méthodes d'affichage ont ainsi vu le jour. Des grandes dates sont également de plus en plus fréquemment utilisées. Mais une des montres les plus surprenantes et révolutionnaires sur ce thème fut incontestablement la H.Moser & Cie Perpetual I qui fut présentée en 2005. Cette montre innovait sur de nombreux aspects grâce notamment à son cadran épuré et à la gestion de l'affichage de la grande date. Elle répondait à une problématique que je considère comme fondamentale pour la complication du calendrier perpétuel: la lecture aisée des quantièmes. La H.Moser & Cie Perpetual I allait à l'encontre des principes précédemment mis en oeuvre en simplifiant le plus possible le cadran. A aucun moment, la H.Moser & Cie Perpetual I ne donnait l'impression d'être une montre complexe et encore moins une montre à calendrier perpétuel. Et pourtant, le mécanisme à remontage manuel qui l'animait était d'une rare ingéniosité: développé par Andreas Strehler, un des plus renommés membres de l'AHCI (Académie Horlogère des Créateurs Indépendants), il intégrait le système de "flash calendar" qui permettait le passage direct du quantième qui expirait au nouveau quantième. De plus, le réglage de la date était d'une grande simplicité car le quantième pouvait être avancé ou reculé grâce à la couronne et ce, en toute sécurité puisqu'aucune pièce du mécanisme ne pouvait être endommagée lors de cette opération. Enfin, le mouvement était équipé d'un double-barillet qui lui conférait une réserve de marche minimum de 7 jours qui était extrêmement pratique pour une montre à calendrier perpétuel. L'affichage des données calendaires, en sus du guichet des quantièmes, était à l'image du mouvement, définie avec intelligence. La position d'une petite aiguille centrale côté cadran matérialisait les mois tandis que l'indicateur du cycle des années bissextiles était visible du côté du mouvement. Enfin, l'affichage de la réserve de marche était diamétralement opposé au guichet des quantièmes.
La petite aiguille pointe vers 6h. Nous sommes le 7 juin:
Ce mouvement à calendrier perpétuel est devenu depuis son introduction une pierre angulaire du catalogue de H.Moser & Cie. Il a accompagné la marque depuis ses débuts et dans toutes les étapes de son développement. Il incarne cette volonté de H.Moser & Cie qui consiste à dépoussiérer l'horlogerie traditionnelle suisse grâce à une certaine audace esthétique et technique. Il fut utilisé dans plusieurs collections (Endeavour, Pioneer, Heritage) et c'est finalement en toute logique qu'il se retrouve dans le contexte de la collection Streamliner grâce à la présentation lors de l'édition 2021 des Geneva Watch Days de la Streamliner Perpetual Calendar.
La collection Streamliner fut introduite au début de l'année 2020. Elle représente l'offre Sport-Chic de H.Moser & Cie et s'inscrit dans la tendance des montres en acier à bracelet intégré. Mais contrairement à bien d'autres modèles du marché qui donnent l'impression d'être fortement inspirés par le style Gérald Genta, la collection Streamliner offre un style singulier grâce à ses lignes fluides, à la touche de bio design qui se retrouve dans les rondeurs du boîtier et à la forme des maillons du bracelet dont le rendu visuel justifie le nom de ladite collection.
Les montres issues de cette collection ne laissent pas indifférents et c'est la raison pour laquelle elles connaissent un grand succès auprès des collectionneurs. Elles combinent une forte identité esthétique avec un contenu horloger solide comme en témoigne le premier modèle, la Streamliner Flyback Chronograph qui est animée par le mouvement automatique HMC 902 basé sur l'exceptionnel calibre Agengraphe d'Agenhor. La Streamliner Perpetual Calendar s'inscrit dans cette même démarche grâce à l'utilisation du calibre de manufacture HMC 812 qui est une évolution moderne et à trotteuse centrale du calibre HMC 341 de la H.Moser & Cie Perpetual I évoquée plus tôt.
De fait, les caractéristiques techniques du mouvement sont similaires. Nous retrouvons la longue réserve de marche de 7 jours, la fréquence de 2,5hz ainsi que le module d'échappement interchangeable. L'architecture particulière qui permet d'afficher le cycle des années bissextiles côté ponts est bien entendu conservée mais la marque a décoré le mouvement de façon beaucoup plus contemporaine pour l'adapter au contexte de la collection Streamliner. Les ponts ont un revêtement PVD gris anthracite et le pont du train de rouages a été ouvert ce qui permet d'accentuer les effets de relief et de donner un style plus aéré.
L'utilisation du calibre HMC 812, au-delà de ses performances techniques, permet à H.Moser & Cie d'offrir un cadran épuré. Il était important de parvenir à un tel résultat pour deux principales raisons. La première raison est qu'un cadran compliqué aurait rendu l'esthétique d'ensemble excessive compte tenu de l'originalité du boîtier et du bracelet. La seconde raison est de pouvoir profiter pleinement du cadran fumé.
Il est intéressant de noter que la marque a apporté une petite touche d'originalité supplémentaire par rapport à ses autres montres à calendrier perpétuel: le mouvement est très légèrement décalé dans le sens des aiguilles si bien que le guichet de date et la couronne se retrouvent à 4 heures tandis que l'aiguille de la réserve de marche remonte à 10 heures. La diagonale inclinée ainsi créée apporte un joli effet de style dynamique. En revanche, j'ai trouvé la couronne délicate à visser et à dévisser compte tenu de son intégration dans le boîtier et de sa position.
L'apparente simplicité du cadran prend tout son sens dans ce contexte chic et décontracté. Les aiguilles tri-dimensionnelles et luminescentes assurent une lecture de l'heure rapide et efficace. Calendrier Perpétuel oblige, H.Moser & Cie a aussi rendu luminescents les quantièmes. Le nom de la marque est bel et bien présent au sommet du cadran mais il n'apparaît que dans certaines conditions d'éclairage, comme une sorte de signature secrète. Ce concept est pertinent avec la Streamliner Perpetual Calendar, car rappelant l'objectif de faire disparaître du cadran tout contenu superflu. Après tout, le design typique Streamliner porte la signature de la manufacture!
La qualité de l'exécution et des finitions est conforme aux standards de la marque. Le travail sur le boîtier et les maillons est irréprochable, mettant en valeur l'esthétique fascinante de l'ensemble. La présentation du cadran est du même niveau qualitatif, l'effet fumé créant de très beaux reflets de lumière. De même, j'apprécie le style décoratif plus contemporain et aéré du mouvement. Le revêtement des ponts crée un contraste avec les éléments mobiles ce qui est très agréable à observer, soulignant par la même occasion l'architecture originale du calibre.
La signature secrète apparaît en fonction des conditions de lumière:
La Streamliner Perpetual Calendar est une montre très confortable à porter grâce à l'excellente souplesse du bracelet qui épouse le poignet. Cependant, il est important de rappeler que le diamètre du boîtier est équivalent à celui de la Streamliner Flyback Chronograph soit 42,3mm. Elle dégage une forte présence visuelle sur le poignet, amplifiée par la singularité du design. Ce n'est donc pas une montre consensuelle et c'est un choix assumé de la part de H.Moser & Cie. L'épaisseur du boîtier est légèrement inférieure à celle du chronographe (11mm sans le verre vs 12,1mm), l'ensemble offrant des proportions harmonieuses malgré le gabarit. Ma recommandation est alors de privilégier pour les poignets modestes la Streamliner Centre Seconds qui possède un diamètre de 40mm.
Quoi qu'il en soit, pour tous ceux qui ont une taille de poignet appropriée, la Streamliner Perpetual Calendar s'avère un excellent choix. Cette montre crée de fortes émotions tout en intégrant avec beaucoup d'élégance et d'efficacité la complication du calendrier perpétuel dans un cadre original et polyvalent (l'étanchéité est de 120 mètres). En en sens, elle apparaît presque paradoxale. D'un côté, elle surprend. De l'autre, elle se fait discrète. De façon similaire, elle est à la fois imposante et raffinée. Ce sont tous ces contrastes, ces oppositions qui la rendent si passionnante. Comme toutes les pièces de la collection Streamliner, sa production sera limitée ce qui la rendra sûrement difficile à acquérir. Une preuve supplémentaire que cette montre s'adresse en priorité aux collectionneurs convaincus et séduits par sa singularité.
La H. Moser Streamliner Perpetual Calendar est commercialisée au prix de CHF 49.900.
Les plus:
+ la parfaite intégration de la complication dans le contexte stylistique Streamliner
+ le style décoratif du mouvement HMC 812
+ la subtile finition du cadran
+ la polyvalence esthétique et à l'usage
Les moins:
- plus que la taille, c'est la forte présence visuelle qui ne rend pas la montre appropriée à chaque poignet
- la couronne est un peu délicate à visser et à dévisser compte tenu de son intégration dans le boîtier