Personne ne peut le contester: la collection Overseas de Vacheron Constantin connaît un succès grandissant et les différents modèles font dorénavant l'objet de listes d'attente qui ne cessent de s'allonger. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. Il y a tout d'abord un contexte de marché bien spécifique. L'intérêt grandissant pour les montres polyvalentes, pratiques, aux styles découlant des modèles dessinés dans les années 70 par des designers célèbres comme Gérald Genta ou Jorg Hysek entraîne un report de la demande de la part de collectionneurs, lassés d'attendre éternellement des pièces comme les Nautilus ou autres Royal Oak. Et puis il y a la raison qui me semble être la plus importante: les qualités propres de la dernière collection Overseas qui fut lancée lors du SIHH 2016.
Cette ultime itération de la collection Overseas fit ses premiers pas par le biais notamment de trois références, le modèle trois aiguilles - date, le modèle chronographe et le petit modèle qui introduisaient une nouvelle famille de mouvements de manufacture (les calibres 5100, 5200 et 5300) respectant les critères du Poinçon de Genève. Très rapidement, la collection Overseas animée par ces mouvements de conception récente fut complétée par les modèles Heures du Monde et Dual Time dont la vocation de montres de voyage convenait parfaitement à son style et à son atmosphère. Au-delà des mouvements de manufacture et de la large panoplie de complications, la collection Overseas tire également profit de son design assurément plus consensuel que celui de la génération précédente mais qui offre suffisamment de caractère pour préserver son charme, sa singularité et son intérêt. Mais le coup de maître de la part de Vacheron Constantin fut l'introduction du système de changement rapide de bracelet grâce à une conception très astucieuse. En quelques secondes, le bracelet en croco ou en caoutchouc est remplacé par un bracelet en acier. Pour cela, il suffit de clipser chaque extrémité du bracelet au boîtier. Le retrait du bracelet s'effectue également de façon très simple.
J'ai la chance de posséder une Overseas Dual Time et cette faculté est un véritable avantage. Selon les circonstances, je peux choisir le bracelet le plus adapté ce qui transforme l'apparence et la destination de la montre en un tour de main. C'est tellement pratique que l'absence d'un tel système se fait maintenant ressentir lorsque je considère d'autres montres de la concurrence. Je pense notamment à la Nautilus ou à l'Odysseus de Lange & Söhne, Audemars Piguet commençant à évoluer sur le sujet avec la Royal Oak Offshore mais la Royal Oak n'est toujours pas équipée d'une telle fonctionnalité.
J'ai évoqué précédemment le marché et le souhait croissant de la part des clients de porter des montres plus pratiques et polyvalentes. Ce phénomène est en grande partie lié à l'évolution de nos rythmes de vie et notamment de notre façon de travailler. Ces changements concernent également le sommet de la pyramide horlogère. Longtemps considéré comme une complication uniquement réservée aux montres classiques habillées, le tourbillon se retrouve de plus en plus fréquemment utilisé dans des montres plus sportives ou décontractées. Ce phénomène n'est pas nouveau, rappelons-nous les Easy Diver de Roger Dubuis qui d'une certaine façon, avaient initié cette tendance. En tout cas, l'Overseas Tourbillon en acier qui fut présentée en 2019 est un parfait exemple de ce qu'est une montre de haute horlogerie contemporaine en phase avec les aspirations de la clientèle.
Cette montre est pour moi une très belle réussite pour une raison très simple: la complication additionnelle tire pleinement profit de l'esthétique aboutie de la collection Overseas. Je dirais même qu'elle a tendance à l'améliorer du fait de la finesse du boîtier dont l'épaisseur (10,39mm) est inférieure à celle du boîtier du modèle trois aiguilles - date (11mm). La clé de ce succès réside dans l'architecture du mouvement automatique 2160 à rotor périphérique. Grâce à sa conception optimisée, son épaisseur n'est que de 5,65mm ce qui est une excellente performance pour un calibre automatique à tourbillon possédant de surcroît une réserve de marche de 80 heures (pour une fréquence de 2,5hz).
Une alchimie se crée. Grâce au ratio diamètre (42,5mm) / épaisseur élevé, la montre offre des lignes fluides et élancées qui lui confèrent de l'élégance. Cependant, à aucun moment, elle n'apparaît comme plate. C'est dû au travail sur le boîtier en acier qui met en valeur la forme de la lunette et apporte des touches de relief.
C'est également à ce niveau que le tourbillon joue un rôle important. Malgré la finesse de la montre, le tourbillon contribue à cet effet de relief et de profondeur. Son observation permet de clairement distinguer 3 niveaux. En premier lieu, le pont dont la taille ne dépasse pas la largeur de l'ouverture. C'est clairement pour moi un atout du point de vue esthétique, n'étant pas un fan absolu des ponts de tourbillon trop présents visuellement parlants. Puis la cage inspirée de la Croix de Malte dont la forme constitue une véritable signature de la part de Vacheron Constantin. Enfin, l'organe réglant qui tire profit de la basse fréquence. La combinaison entre les lentes oscillations du balancier et la révolution de la cage du tourbillon est un vrai régal pour les yeux.
Le cadran bleu, aux très beaux reflets de lumière (une constante dans la collection) se trouve ainsi animé de façon spectaculaire sans tomber dans des effets de style rococo. L'absence de tout affichage de la date est en outre une excellente nouvelle. En fait, l'ensemble respire le raffinement et la maîtrise. La dynamique apportée par le tourbillon s'intègre donc efficacement dans le style décontracté et polyvalent de la montre et à aucun moment je n'ai regretté l'ouverture dans le cadran. Les finitions sont dignes de ce qui est attendu d'une manufacture du niveau de Vacheron Constantin avec un soin particulier apporté à la cage du tourbillon. J'aime aussi la solution très discrète d'affichage des secondes grâce à un point bleu sur la cage. C'est beaucoup plus subtil et distingué que de mettre une aiguille sur un tourbillon qui fait un tour complet en une minute.
Le mouvement 2160 propose aussi un très beau spectacle. Plus que la qualité des finitions, c'est son architecture qui fait mouche. Le rotor périphérique permet de profiter pleinement de chaque détail du mouvement. L'arrière de la cage du tourbillon est très ouvert afin de souligner la profondeur côté cadran. Les découpes des ponts sont agréables mais j'aurais aimé un peu plus d'ambition à ce niveau avec des angles plus prononcés. L'ensemble est très soigné et le contraste entre la masse en or et les autres éléments fait partie des atouts esthétiques. Enfin, comme évoqué précédemment, les performances sont excellentes avec comme points d'orgue la longue réserve de marche et le remontage automatique. Sans surprise, le mouvement est orné du Poinçon de Genève.
L'Overseas Tourbillon profite logiquement du système de changement rapide de bracelet. A vrai dire, le contraire aurait été une vraie déception. La montre est fournie avec un bracelet métal, un bracelet caoutchouc et un bracelet alligator. Le fait de changer de bracelet sans outil et en quelques secondes avec une montre d'un tel niveau apporte la preuve que le marché horloger a su évoluer. Imaginez une telle possibilité avec une montre à tourbillon il y a une vingtaine d'années. Les marques comprennent bien que de nos jours une telle pièce doit être en mesure d'être portée en toutes circonstances et l'Overseas Tourbillon répond avec justesse à cet enjeu. L'étanchéité n'est pas en soi spectaculaire (50 mètres) mais suffisante pour certaines activités. Vacheron Constantin a visiblement privilégié la finesse du boîtier au détriment d'un niveau d'étanchéité supérieur comme celui du modèle trois aiguilles date (150 mètres). Quoi qu'il en soit, porter cette montre est un vrai régal. Elégante, polyvalente, stylée, elle donne vraiment la sensation de pouvoir profiter du superbe spectacle offert par la cage du tourbillon sans se poser de question. La montre est conçue pour correspondre à de multiples activités et elle remplit cet objectif avec brio.
L'Overseas Tourbillon est selon moi une des plus belles montres produites par Vacheron Constantin ces dernières années. Elle combine les atouts de la collection Overseas à ceux du calibre 2160. Elle démontre aussi la capacité de la collection à mettre en scène des complications diverses et variées ce qui est une excellente nouvelle pour la manufacture compte tenu des tendances lourdes du marché.
L'Overseas Tourbillon en acier est vendue à un prix de 126.000 euros TTC. En soi, ce tarif peut apparaître comme élevé pour un tourbillon simple proposé dans un boîtier en acier. Mais la qualité de l'exécution et l'attractivité de la collection Overseas le justifient. En tout cas, la forte demande pour ce modèle tend à le prouver.
A noter enfin qu'une version en or rose de l'Overseas Tourbillon a été dévoilée cette année lors de l'édition genevoise de Watches & Wonders.
Les plus:
+ le charme du tourbillon
+ les performances du calibre 2160
+ la polyvalence tant du point de vue esthétique qu'au niveau de l'usage
+ le système de changement rapide de bracelet
Les moins:
- la découpe des ponts du calibre 2160 manque d'ambition
- l'étanchéité est en retrait par rapport à celle du modèle trois aiguilles date