L'événement horloger de ces dernières semaines est sans aucun doute la découverte de la MAD Edition 1, montre commercialisée par la MAD Gallery à l'attention exclusive des clients de MB&F qui se sont enregistrés en tant que membres de la "Tribe" et des Friends (les personnes qui ont collaboré à des projets de la marque). Autrement dit, la MAD Edition 1 n'est pas disponible au grand public et c'est la raison pour laquelle j'emploie le terme de "découverte" et non de présentation. Car de présentation officielle avec tambours et trompettes, il n'y en a eu point si ce n'est la communication directe aux personnes visées. Une vraie exclusivité qui d'ailleurs contribue au succès de cette montre et j'ai envie de dire, à son aura. En ce qui me concerne, j'ai découvert son existence via des photos sur Instagram postées par les premiers Friends qui l'avaient réceptionnée.
J'ai eu la chance de voir cette pièce rare il y a quelques jours, ayant eu l'occasion de passer un moment avec un des célèbres Friends de MB&F, le fondateur de Loupe System. Après avoir examiné la MAD Edition 1 sous toutes ses coutures, je me disais que Max Büsser avait vraiment tout compris et notamment la psychologie de sa clientèle.
On a tendance à l'oublier en constatant les succès d'aujourd'hui mais créer une marque aussi audacieuse que ce soit à travers les pièces proposées ou dans sa façon de procéder était loin d'être une évidence en 2005. Je pense que le fonctionnement par projet qui implique à chaque fois de nouveaux Friends a permis à Max Büsser de justement conserver plus de 15 ans après, toute l'énergie, le dynamisme, la créativité et l'audace du début. MB&F est maintenant devenue une marque qui compte dans le segment de l'horlogerie de collection sans tomber dans le syndrome du pilotage automatique de certaines marques établies.
La lecture de l'heure s'effectue sur la carrure de la montre:
On a beau décortiquer toutes les raisons du succès, se sont au final les clients qui décident du sort d'une entreprise. Et Max Büsser a su compter dès la HM1 sur des clients collectionneurs engagés qui ont également par la suite joué le rôle de prescripteurs. Lorsqu'on est une petite structure, chaque client compte beaucoup et Max Büsser ne l'a jamais oublié. C'est la raison d'être de la MAD Edition 1. Il s'agit, grâce à la proposition d'une montre abordable (le prix est de 1.900 CHF hors taxes) de remercier toutes les personnes qui, à un moment ou un autre, ont contribué au succès et à la pérennité de MB&F.
Vous trouverez une vidéo sur mon compte Instagram qui permet d'apprécier le comportement de la masse oscillante. Cliquez sur le lien si vous avez un compte: https://www.instagram.com/reel/CQ1F18kKrDT/?utm_medium=share_sheet
Montre abordable ne veut pas dire montre au rabais... surtout dans un tel objectif d'expression de gratitude. La MAD Edition 1 n'a évidemment pas le même contenu horloger, la même finition, la même finesse qu'une montre MB&F et c'est logique. Nous ne sommes absolument pas dans les mêmes segments tarifaires et cela n'aurait d'ailleurs aucun sens du point de vue de la conduite de la marque. En revanche, elle partage totalement le même esprit qu'une Horological Machine: la MAD Edition 1 est fun, passionnante, surprenante, elle offre un affichage du temps alternatif et nous plonge dans l'atmosphère "Goldorak" qui avait tant inspiré Max depuis la HM1.
Le fermoir de la boucle déployante est joliment dessiné:
Rappelons-nous la HM1... son tourbillon central, ses affichages éclatés, son volume... et sa masse oscillante à Astéro-Hache! Cette masse oscillante nous permettait de découvrir tout l'impact de cette culture dans l'approche créatrice de Max Büsser. 16 ans plus tard, la MAD Edition 1 rend hommage à ce rotor. Le rotor possède maintenant 3 lames comportant des segments luminescents (Goldorak aurait adoré posséder une telle arme!) et surtout sa taille est sur-dimensionnée car nettement supérieure au diamètre du mouvement. Lorsque nous mettons la MAD Edition 1 au poignet, nous portons en fait une Astéro-Hache imposante en révolution quasi-permanente. La lecture du temps devient presque anecdotique, se trouvant sur la carrure de la montre. Mais comme la montre est très bien conçue et tire profit de l'interaction avec son propriétaire... en bougeant le poignet pour lire l'heure, nous créons le déséquilibre qui met la masse en mouvement. En d'autres termes, nous nous prenons pour Actarus qui met en marche Goldorak (sans le fauteuil qui effectue le tour sur lui-même!).
La montre est donc structurée autour du mouvement. La masse oscillante en titane et tungstène le recouvre et deux cylindres (bleu et gris) tourne autour afin de permettre l'affichage latéral de l'heure grâce à un index fixe situé au bas du boîtier, entre les cornes à 6 heures.
Ce qui est très étonnant pour une montre de ce prix est la cohérence de l'ensemble et l'absence de concessions du point de vue esthétique. Par exemple, la base en X qui soutient la partie centrale du boîtier en acier et qui définit les cornes est complexe et permet de maintenir efficacement la montre sur le poignet. Le gabarit de la montre est il est vrai imposant. Ce n'est pas tant son diamètre qui renforce ce sentiment mais son volume. Ce design cylindrique donne beaucoup de présence. La taille des cornes et l'immense rotor contribuent aussi à cette sensation. Détail amusant, comme un clin d'oeil à l'horlogerie traditionnelle: le couronne s'apparente à une bélière de montre de poche.
Le mouvement qui anime la MAD Edition 1 est le calibre Miyota 821A (qui possède une réserve de marche de 42 heures pour une fréquence de 3hz). Je trouve que le choix d'un tel calibre est judicieux. Il est simple, fiable et répandu ce qui est un gage de pérennité. Il possède de plus une bonne efficacité au remontage. Il a deux atouts supplémentaires à bien y penser. S'agissant d'un calibre courant, il crée une nette distance par rapport aux calibres exclusifs et d'exception des Machine ce qui est positif pour MB&F. Et s'agissant d'un calibre japonais, je trouve qu'il a tout à fait sa place juste derrière l'Astéro-Hache. Sa finition est sommaire et mon seul regret concernant cette montre est la présentation très sobre et sans fioriture du pont principal. Mais il y a un parti pris esthétique également derrière ce choix. En montrant la tige de couronne, la bague d'emboîtage, Max Büsser adopte délibérément une esthétique basique qui, paradoxalement, met en valeur la masse oscillante et le rendu mécanique de l'ensemble. Bref... un vrai robot des années 70!
L'étonnant fond du boîtier:
La montre est enfin associée à un bracelet gris clair à surpiqûres bleues qui se ferme grâce à une boucle déployante. Le bracelet fonctionne en tout cas très bien avec la montre du point de vue du design.
J'ai donc adoré cette montre qui d'après moi remplit parfaitement la tâche qui lui est assignée: les clients et les Friends ne peuvent que se sentir privilégiés et honorés de pouvoir accéder à une telle pièce qui offre beaucoup pour son prix. Elle est une véritable invitation à se replonger dans les racines de MB&F grâce aux différents clins d'oeil qu'elle propose et à son atmosphère particulière. En faisant jouer le premier rôle à la masse oscillante, elle rappelle qu'une montre est bien plus qu'un simple instrument qui donne l'heure. C'est un objet que je qualifierais d'intime car vecteur des émotions du créateur et créateur d'émotions chez la personne qui la met à son poignet. Et ça, Max Büsser le comprend mieux que quiconque.
La qualité du verre saphir légèrement bombé permet de profiter du spectacle offert par la masse oscillante:
Un tel exercice n'était pas sans conséquence : il comportait le risque de dévaloriser MB&F, le risque de créer beaucoup de frustration parmi les personnes qui n'y ont pas accès voire même le risque de surprendre des partenaires détaillants. Et c'est sur ce point que je trouve que Max Büsser fait la différence. Les risques créent des opportunités et non des obstacles. En période de crise, les clients ont envie de s'amuser et restent plus que jamais attentifs à ce que l'horlogerie créative propose si le contenu est cohérent avec le prix. La MAD Edition 1 est une réussite car elle démontre qu'avec un tarif raisonnable, il est possible de créer une pièce audacieuse, décalée et passionnante. Ce n'est pas un problème de moyens ni de prix de vente: c'est plus une attitude et un état d'esprit à avoir. La MAD Edition 1 est une montre personnelle, engagée qui est l'antithèse des montres consensuelles issues des comités produits qui sont aujourd'hui la véritable plaie de l'horlogerie. Porteuse d'émotions et de symboles et transpirant la signature de son créateur, la MAD Edition 1 ne peut que toucher la corde sensible des clients et des Friends auxquels elle s'adresse.
Max Büsser sait très bien que l'accueil très favorable de la montre a aussi généré une très grande attente de la part des amateurs qui n'ont pas accès à la pièce. Il sera très intéressant de voir comment il va s'y prendre pour gérer cette situation. Mais il vaut mieux avoir des problèmes de cet ordre que de se demander comment écouler les invendus.