Tudor: quelques réflexions sur la Black Bay Fifty-Eight Bronze

La sortie il y a quelques jours de la Black Bay Fifty-Eight Bronze m'inspire plusieurs réflexions. En effet, cette montre est bien plus qu'une nouvelle déclinaison de la Fifty-Eight. Elle est porteuse de sens et de surprises.

1) Elle réaffirme l'importance de la ligne Fifty-Eight. Quelques semaines après la présentation de la Fifty-Eight en argent et de celle en or jaune, voici donc une nouvelle version en bronze. 3 nouveautés en peu de temps qui symbolisent le rôle croissant et stratégique de cette ligne dans l'ambition de Tudor. D'ailleurs, c'est la ligne Fitfy-Eight qui apparaît en premier lorsque nous rentrons dans la section Black Bay du site de Tudor et ce n'est pas un hasard.

2) Tudor joue la carte des matériaux. Toutes les déclinaisons de la Fifty-Eight sont basées sur le même principe. Le cadre de base reste quasiment le même (diamètre, mouvement (famille MT5400/MT5402), fonctions). Les différences se créent au niveau des couleurs de cadran, des bracelets et principalement des matériaux utilisés. Le fait d'être toujours dans un contexte similaire met en valeur les atouts et les propriétés de chaque matériau. Aujourd'hui, la ligne Fifty-Eight utilise un spectre large de matériaux (acier, argent, or jaune et acier) et j'ai le sentiment que ce n'est pas fini. Le design néo-rétro de la montre Fifty-Eight, sa taille mesurée et sa polyvalence esthétique et à l'usage (son étanchéité est de 200 mètres) permettent ces évolutions et cela fonctionne: chaque déclinaison a finalement sa propre identité.


3) Tudor ose une approche "full bronze". Le travail sur le bracelet est remarquable. Grâce à ce bracelet, la montre gagne en élégance et en luminosité. Le résultat est très convaincant visuellement et intelligent du point de vue commercial. Tudor propose ainsi une montre complète avec une teinte chaleureuse tout en restant dans des tarifs raisonnables (4.250 euros) ce qui évidemment n'aurait pas été possible avec la montre en or jaune. Certes la teinte du bronze n'est pas celle de l'or, ce dernier étant plus intense et brillant mais la Fifty-Eight Bronze n'en demeure pas moins audacieuse. A noter que le fond du boîtier est plein grâce à une pièce en acier avec un revêtement reprenant la couleur du bronze. Je dois avouer que je préfère la Fifty-Eight avec un fond plein qu'avec le mouvement visible.

4) Le bracelet tire profit du savoir-faire de Rolex. Ce bracelet d'un très grand confort (la montre que j'ai essayée était à ma taille) est équipé d'un nouveau fermoir avec un système de réglage fin et rapide à 5 positions sur 8mm. La Fifty-Eight Bronze devient ainsi très pratique et même si elle est livrée avec un bracelet NATO supplémentaire, elle prend incontestablement tout son sens avec le bracelet bronze. La question est de savoir comment va évoluer le bracelet avec le temps. Nous savons que Tudor est dans l'approche de l'évolution "contrôlée" du bronze pour éviter des patines disgracieuses. A voir si avec le temps le bracelet évolue de façon différente du boîtier compte tenu de sa surface et de son exposition spécifiques.

5) Tudor maîtrise le jeu de couleurs. Comme avec les autres Fifty-Eight, la palette de couleurs mise en oeuvre fait mouche. La lunette "marron-bronze" et le cadran "marron-bronze" dégradé et plus clair au centre se marient idéalement avec la couleur du boîtier et du bracelet. Les contrastes sont intenses et harmonieux.


6) Le calibre de manufacture MT5400 confirme ses performances. Grâce à son excellente efficacité au remontage, sa fiabilité, sa précision (certifié chronomètre), le pont de balancier traversant et le spiral amagnétique, il s'avère être le moteur idéal de la Fifty-Eight. Sa réserve de marche de 70 heures (pour une fréquence de 4hz) constitue aussi un atout.

La montre est donc une jolie réussite. Elle n'est évidemment pas révolutionnaire car son contexte de base est archi-connu. Mais l'approche complète en bronze renouvelle le genre en définissant une atmosphère chaleureuse et audacieuse. 

Le nouveau fermoir:

Les surprises se trouvent plus dans les "à-cotés":

7) Si Rolex semble rester fidèle à sa stratégie de concentration des présentations des nouveautés, Tudor adopte une démarche différente en les égrenant tout le long de l'année. La marque n'oeuvre pas dans le même segment, agit plus en tant que challenger que leader et doit également travailler sur son image et sa visibilité. Cette volonté d'occuper l'espace médiatique de façon quasi permanente peut se comprendre et me semble cohérente avec les objectifs.

8) Le grand étonnement se situe au niveau de la méthode  de commercialisation. La Fifty-Eight Bronze n'est disponible que dans une sélection de boutiques Tudor dans le monde. Voilà une attitude qui rappelle plus Richemont que Rolex. J'ai un peu de mal à comprendre cette décision surtout avec une montre qui n'est pas une série limitée. Tout d'abord Tudor se prive de marchés clé comme les Etats-Unis, la France et même la Suisse! Ensuite une telle politique agace des clients qui veulent rester fidèles à leurs détaillants. Sans oublier ces derniers qui peuvent aussi être légitiment déçus. Je ne sais pas si la volonté de valoriser ce réseau de boutiques est un si bon calcul que ça. A première vue, j'y vois plus d'inconvénients que d'avantages. L'avenir dira s'il s'agit juste d'une prise de température ou si cela amorce une nouvelle orientation en matière de distribution.

La montre est également disponible avec un bracelet NATO: 


Je reste au final sur un sentiment teinté d'une légère frustration. La montre est désirable, son prix est adapté au marché français et malheureusement elle n'est pas disponible dans nos contrées. J'espère que cette expérience ne sera pas renouvelée car j'ai la conviction que sur son élan, Tudor proposera d'autres pièces qui séduiront sans difficulté la clientèle française.