C'est un véritable feu d'artifice que nous propose Louis Erard en ce mois de juin avec la présentation de 3 montres issues de la collaboration avec Alain Silberstein. Ce triptyque est d'après moi une belle réussite car il parvient à renouveler cette approche déjà mise en oeuvre il y a un an et demi avec l'Excellence Régulateur. La clé de voute de cette réussite réside dans le tout nouveau boîtier qui définit un nouveau style, radicalement différent de la montre précédente.
Pourtant, il n'y a aucun doute: quelle que soit la montre qui compose le triptyque, elle porte de façon incontestable la signature de la collaboration. C'est la grande force de Louis Erard: du fait de son statut d'outsider et de marque autonome, elle peut se permettre de laisser une carte quasi blanche à Alain Silberstein. J'ai la véritable sensation qu'il peut ainsi s'exprimer librement, sans contrainte et sa signature stylistique est reconnaissable au premier coup d'oeil.
La semaine commence mal...
Louis Erard m'a proposé il y a quelques jours de tester un prototype et j'avais le choix entre les 3 montres. J'éliminais le Régulateur car je connais déjà très bien ce cadran et j'avais envie d'une montre avec d'autres affichages. Le Chrono Monopoussoir était très tentant mais je n'ai finalement pas hésité très longtemps: c'était la Day-Date (portant le nom de "La Semaine") que je voulais voir de près... tout simplement parce que je savais que j'allais revoir un des thèmes que je préfère de la part d'Alain Silberstein: l'affichage du jour.
Mais petit à petit, les choses s'améliorent...
Je ne fus pas déçu par mon choix. La Semaine Louis Erard x Alain Silberstein est une montre fun, créative, amusante... et aussi très sérieuse compte tenu de sa qualité d'exécution. L'élément immédiatement perceptible est le cadran, cette fois-ci disponible uniquement avec un fond noir mat. Je retrouve avec grand plaisir les index périphériques jaunes (et rouge au sommet) légèrement surélevés et la grande aiguille des minutes en forme de flèche avec une large base. Mais attention! Si nous sommes habitués à l'Excellence Régulateur antérieur, les codes couleurs changent. L'aiguille des minutes est dorénavant bleu et la trotteuse est jaune. Seule la couleur rouge de l'aiguille des heures ne change pas. En fait, ce sont les codes couleurs du régulateur à cadran blanc qui s'applique maintenant sur un cadran noir. L'aiguille des heures mérite aussi un peu d'attention: il s'agit en fait d'une aiguille de type "ciseau" que les amateurs de Patek Philippe connaissent bien avec les World Timers... Sa pointe est cependant un triangle rouge car ce triangle fait partie des codes esthétiques d'Alain Silberstein.
Le calibre ETA2836-2:
La forme de l'aiguille des heures est logique et répond à une nécessité: celle de rendre lisible les deux guichets dans la partie inférieure du cadran lorsque l'aiguille les survole. Il est vrai qu'il serait dommage de se priver de ces deux guichets. Celui des quantièmes ne posait pas vraiment de problème car il est traditionnel. Mais au moins il est intéressant de ne pas perdre une dimension pratique en évitant de l'occulter. C'est le deuxième guichet, celui des jours de la semaine qui mérite toute notre attention. Je retrouve ici aussi une des plus célèbres interprétations d'Alain Silberstein: l'affichage du jour par le biais de smileys. Inutile de préciser que de façon automatique, ce guichet propulse la pièce dans une autre dimension, celle des montres ludiques qui proposent un affichage alternatif. Le système utilisé par Alain Silberstein fonctionne très bien et se lit sans difficulté: le déroulement de la semaine n'est qu'un lent et constant changement d'humeur qui va de la profonde tristesse (lundi) au bonheur le plus absolu (dimanche). Les deux jours du week-end sont matérialisés par une couleur rouge. Je trouve qu'il y a une dimension psychologique dans cet affichage. Il traduit parfaitement le blues du dimanche soir... quand le guichet passe du sourire radieux à la pire des déprimes en une seconde, je pense que cela retranscrit avec justesse notre état d'esprit!
La ravissante couronne rouge:
L'intérêt de cet affichage est multiple. Au-delà de sa dimension utile (une indication calendaire peut toujours avoir de l'intérêt), il transforme la montre chaque jour. Et puis, magie de l'horlogerie, son réglage rapide, qui s'effectue à la couronne, est indépendant de celui des quantièmes. Donc on peut tout à fait le matin positionner le smiley le plus pertinent en fonction de la journée qui se présente. Après tout, on peut connaître un dimanche horrible et un lundi merveilleux! La trotteuse joue aussi avec ce guichet. Sa forme serpentine épouse ses contours et c'est un ravissement de la voir s'en approcher.
Le cadran offre ainsi un spectacle coloré, graphique et géométrique. Dans ce contexte, la lecture de l'heure, même si cette dernière est effectuée de façon traditionnelle, peut être un peu délicate lorsque les aiguilles sont proches. La lecture devient au fil du temps plus aisée. Cette difficulté passagère est vite oubliée car l'observation du cadran procure beaucoup de plaisir en nous plongeant dans une atmosphère décalée, envoutante et réjouissante. Même lorsque le smiley est triste, on ne peut s'empêcher de sourire. Ce cadran est au bout du compte un vrai vecteur d'optimisme et d'entrain!
Je me demande si mon smiley préféré n'est pas celui du mercredi:
La Semaine Louis Erard x Alain Silberstein ne se résume pas uniquement à un beau cadran. Son autre atout est l'introduction d'un nouveau boîtier en titane qui alterne finitions microbillées et polies. Son architecture est intéressante et originale. Elle est composée d'un container central habillé de brancards latéraux et d'une couronne conique. J'aime beaucoup ce boîtier car il donne beaucoup d'allure à la montre et surtout il m'a semblé cohérent avec le design géométrique du cadran. Incontestablement, Louis Erard et Alain Silberstein ont aimé jouer avec les formes et cela se ressent. Le diamètre du container central est de 40mm mais la montre a une taille perçue bien supérieure. La distance de corne à corne est de 47mm. L'épaisseur est raisonnable (11,6mm) ce qui donne au boîtier une allure très élancée. J'apprécie beaucoup le verre plat. Il est traité antireflet sur les deux faces ce qui est une excellente nouvelle pour profiter du cadran en toute circonstance. Le boîtier n'est pas seulement singulier, il est également pratique. En effet, son étanchéité est de 100m, rendant ainsi la montre polyvalente. De plus, il possède des attaches de bracelet particulières. Les barrettes qui maintiennent le bracelet en nylon noir avec un système de rabat à scratch ont un double ergot ce qui permet de changer rapidement de bracelet. En tout cas, le résultat est là: ce bracelet offre un excellent maintien et un très grand confort. On peut ainsi porter la montre de façon plus ou moins ajustée selon les goûts. J'espère que Louis Erard proposera un jour d'autres couleurs de bracelet, par exemple rouge ou jaune qui iraient à ravir avec la montre.
Le smiley est rouge, c'est le week-end!
Le fond du boîtier est transparent et permet d'observer le mouvement. Ce dernier est le calibre ETA2836-2 qui possède une réserve de marche de 38 heures pour une fréquence de 4hz. C'est un mouvement sans surprise, fiable et très connu. C'est tout simplement la version "day-date" du calibre ETA2824-2. Il a donc une très bonne efficacité au remontage et sa grande diffusion assure une pérennité. En revanche, son diamètre propre de 25,6mm est petit par rapport au diamètre du container et le fond transparent donne l'impression que le calibre est perdu dans le boîtier. J'aurais sur ce point préféré une version avec un fond plein.
Qu'importe après tout, c'est sur le cadran que se déroule toute la comédie humaine résumée par la succession de smileys. Il y a un signe qui ne trompe pas lorsqu'une montre me plaît: je passe mon temps à regarder l'heure... et je l'ai beaucoup regardée avec La Semaine Louis Erard x Alain Silberstein! Ludique et sérieusement faite, originale et portable au quotidien, décalée et polyvalente, elle coche de très nombreuses cases et je la considère comme ma favorite du triptyque. Ce n'était pourtant pas gagné d'avance car j'ai une tendance naturelle à préférer les montres sans date.
La semaine finit en apothéose:
A noter qu'au moment où j'écris ces lignes, elle est d'ores et déjà sold out et c'est la première montre du triptyque dans ce cas... le signe qu'elle fut aussi la préférée pour de nombreux collectionneurs! Je rappelle enfin que chaque montre du triptyque est éditée dans le cadre d'une série limitée de 178 pièces. 78 d'entre elles rejoignent le set complet, le coffret collector vendu à 11.111 euros (sold out également). Les 100 pièces restantes de La Semaine sont vendues à un prix de 3.500 francs suisses ce qui reste raisonnable compte tenu de la dose de bonne humeur qu'elle injecte. Elle devrait même être remboursée par la Sécurité Sociale!
Les plus:
+ le plaisir de retrouver l'affichage "smiley" des jours d'Alain Silberstein
+ une exécution sérieuse et de qualité
+ le nouveau boîtier original et polyvalent, adapté au contexte du cadran
+ le confort du bracelet nylon
Les moins:
- un fond plein aurait été plus approprié
- une lecture de l'heure un peu difficile lorsque les aiguilles sont proches