IWC a consacré l'édition digitale de Watches & Wonders 2021 à la présentation d'une nouvelle collection de montres d'aviateur. Cette collection relève d'une importance stratégique compte tenu de sa forte contribution au chiffre d'affaires. Mais elle est bien plus qu'un vecteur de croissance. Elle incarne aussi l'image décontractée et chic de la marque et à ce titre, en est peut-être le meilleur symbole. Une montre m'a particulièrement plu parmi ces nouveautés. Il s'agit de la Grande Montre d'Aviateur 43 (Big Pilot 43) qui, comme son nom l'indique, est une réinterprétation de la Big Pilot avec un boîtier de 43mm. La fait de porter en son nom ses dimensions n'est évidemment pas anodin. Il s'agit même du principal argument mis en avant par IWC. La Big Pilot est dorénavant disponible dans un boîtier aux dimensions plus pratiques et plus portables que celles du boîtier de la légendaire Big Pilot dont la lignée débuta avec la référence 5002.
Je dois avouer que j'adore la référence 5002. Directement inspirée des montres d'observation (les fameuses B-Uhr) qu'IWC fabriqua pendant la seconde guerre mondiale, cette montre imposante au diamètre de 46mm fut la dernière création de Günter Blümlein. Sa grande taille était cohérente compte tenu de son inspiration. Elle était d'ailleurs à l'époque la plus grande montre-bracelet jamais produite par IWC si je mets de côté les B-Uhr. Malgré son côté excessif, elle a toujours été perçue comme une montre cohérente car son design était fidèle à l'esprit de la pièce militaire d'origine et le mouvement automatique qui l'animait, le calibre 5011 avait lui aussi un diamètre significatif, dépassant les 38mm. L'élément distinctif de la Big Pilot 5002 était sa grande trotteuse centrale qui effectuait 5 pas à la seconde compte tenu de la basse fréquence du mouvement. Le cadran proposait un guichet de date à 6 heures et un indicateur de réserve de marche à 3 heures qui était bienvenu compte tenu de sa durée (plus de 7 jours). La Big Pilot 5002 connut par la suite différentes déclinaisons, versions et si cette montre a toujours été reconnue et appréciée, sa taille restait un problème pour une grande partie de la clientèle.
IWC s'en est bien rendu compte ce qui conduisit à la présentation de la Big Pilot 43. La très bonne surprise pour moi fut la décision d'employer la même méthode qu'avec la Portugieser Automatic 40: la montre va à l'essentiel en ne proposant aucune complication additionnelle (si ce n'est si je veux faire du purisme horloger: la trotteuse centrale) et notamment en évitant le rajout d'un guichet de date ce qui est un vrai soulagement.
En fait, le guichet de date ne m'a jamais gêné avec la Big Pilot 46mm car il casse l'uniformité du cadran et accompagne d'une certaine façon l'indicateur de réserve de marche. Comme plusieurs chiffres sont retirés, l'absence du 6 à la base du cadran ne se ressent pas particulièrement. Avec une version en 43mm, cette problématique n'existe plus. La taille du cadran est plus raisonnable et l'ambition a été clairement d'afficher les 12 chiffres. IWC revient donc à un style extrêmement proche de celui de la B-Uhr d'origine avec bien entendu un gabarit maîtrisé.
L'autre avantage de l'absence de complication est la réduction de l'épaisseur. La Big Pilot 43 a une hauteur de boîtier de 13,6mm. Elle n'est pas fine mais compte tenu du diamètre, les proportions générales restent fluides et assez élancées. Ce sentiment est accentué par la forme des cornes qui sont longues mais dont la courbure est suffisamment prononcée pour bien plonger sur le poignet. Attention cependant à un détail qui a son importance: la taille de la fameuse couronne conique (en forme de diamant) accentue la taille perçue.
L'exécution est de qualité. La finition du cadran est bonne et la luminescence des chiffres et index a été apposée avec soin. La Big Pilot 43 est disponible avec deux versions de cadran: bleu ou noir. Du point de vue esthétique, j'ai une petite préférence pour le cadran bleu qui offre de très jolis reflets selon les conditions de lumière. Le cadran noir est plus austère, moins dynamique mais plus fidèle à l'esprit de la montre. Il est à privilégier dans une approche "puriste". Le reproche que je pourrais formuler au sujet du cadran provient de la forme de la trotteuse. J'aimais beaucoup le contrepoids de la trotteuse de la Big Pilot 5002 et je trouve que la trotteuse de la Big Pilot 43 est plus banale.
Le boîtier en acier est également irréprochable mais sans véritable surprise. C'est la couronne qui donne la touche de caractère. Sa grande taille provient à l'origine de la nécessité de pouvoir l'utiliser avec des gants de pilote. Même si nous n'avons plus cette contrainte aujourd'hui (ni l'obligation de remonter manuellement et quotidiennement le mouvement), la manipulation de cette couronne est très agréable. L'étanchéité est de 100 mètres ce qui permet de porter la montre en toute circonstance à condition d'avoir le bracelet adapté.
La Big Pilot 43 est animée par le calibre 82100 qui est l'équivalent à trotteuse centrale du calibre 82200 de la Portugieser Automatic 40. Il reprend les principales caractéristiques de la famille de calibres à laquelle il appartient tels que le système de remontage automatique bi-directionnel Pellaton, les composants les plus sollicités fabriqués en céramique et un balancier sans raquette à spiral plat. Les performances sont en ligne avec celles d'un calibre de conception récente à savoir une réserve de marche de 60 heures pour une fréquence de 4hz.
Le calibre 82100 est d'ailleurs visible à travers le fond transparent. Certes, s'il avait fallu rester totalement dans l'esprit "B-Uhr", le fond plein aurait été mieux indiqué. D'ailleurs la Big Pilot 5002 avait au départ un fond plein. Mais je trouve que dans le contexte d'aujourd'hui, il aurait été dommage de se priver de la vue sur le mouvement. Il y a une bonne raison qui milite pour cette option: le calibre 82100 est très agréable à observer.
Ce n'est pas forcément un mouvement à la décoration ultra-raffinée. Son rendu est soigné mais son intérêt réside plus dans sa taille (30mm), dans les textures et dans son architecture que dans sa finition purement décorative. J'apprécie la masse oscillante squelettée et l'ouverture des ponts qui donnent l'impression de plonger dans un calibre technique et profond. Le résultat est donc convaincant et surtout cohérent avec l'atmosphère de la montre. Un calibre à la décoration plus sophistiquée aurait semblé un peu hors de propos avec une montre d'inspiration militaire. En tout cas, le calibre 82100 est un moteur idéal pour la Big Pilot 43 grâce notamment à son efficacité au remontage et à sa fiabilité.
Le bracelet naturel qui accompagne la Big Pilot 43 est le traditionnel bracelet en cuir de veau avec rivets. Il possède un système de changement rapide qui permet en quelques secondes d'utiliser un autre bracelet. Le client peut ainsi utiliser des bracelets de couleurs différentes (bleu, noir ou brun) voire même en caoutchouc (qui lui aussi a des rivets). La présence des rivets accentue la dimension militaire et certains clients pourraient préférer un bracelet sans rivet pour un usage plus polyvalent de la montre. A noter que la version à cadran bleu est également disponible avec un bracelet en acier qui se distingue par sa flexibilité et son système de réglage fin en appuyant sur le logo IWC de la boucle. Cela ne vous rappelle rien ? L'Odysseus de Lange & Söhne bien entendu ! Mais au moins avec IWC, le bracelet en acier est interchangeable. On se demande bien pourquoi Lange n'est pas allé au bout de la logique... En tout cas, j'ai trouvé ce bracelet très confortable et pratique et c'est incontestablement une belle réussite. Mais du point de vue esthétique, je préfère un bracelet en cuir pour ce type de montre. A noter que le bracelet en cuir ou caoutchouc se referme par défaut vers l'avant et il faut donc bien penser à remonter le passant pour éviter que le brin ne s'écarte trop. Mais grâce au système de changement rapide de bracelet, j'imagine que le changement de sens est aisé, reste alors à vérifier si le confort est préservé du fait de la position de la boucle déployante. C'est loin d'être une certitude et je n'ai pas vérifié ce point. Une chose est certaine: je regrette que dans tous les cas IWC ne propose pas deux bracelets par défaut ce qui justifierait d'autant plus le système de changement rapide.
J'ai en tout cas beaucoup apprécié cette montre. Je l'attendais même car je me suis toujours demandé pourquoi IWC ne proposait pas une Big Pilot sans date et la plus proche possible de la B-Uhr d'origine. Le résultat est convaincant et démontre la maîtrise d'IWC dans ce domaine. Incontestablement, la Big Pilot 43 est plus facile à porter et pratique que la Big Pilot 46mm notamment grâce à son système de bracelet interchangeable. Mais d'un autre côté, en adoptant un design plus traditionnel, elle devient plus consensuelle. La Big Pilot 46mm est une pièce de caractère et plus clivante et à ce titre, les deux montres se complètent plus qu'elles ne s'opposent. En tant que montre de base de collection, je recommande la Big Pilot 43 car elle est beaucoup plus polyvalente et peut être utilisée quotidiennement. Je trouve en revanche la Big Pilot 46mm plus intéressante en tant que montre de collection car elle reste après tout la première réinterprétation de la B-Uhr par IWC avec un contenu horloger solide soutenu par un mouvement à la longue réserve de marche et des complications additionnelles.
La Big Pilot 43 est disponible à un prix de 8.850 euros avec un bracelet cuir ou caoutchouc ou à un prix de 9.850 euros dans la configuration cadran bleu et bracelet acier.
Les plus:
+ une esthétique proche de la B-Uhr d'origine
+ les reflets du cadran bleu
+ un bracelet acier performant, confortable et interchangeable
+ un mouvement efficace et agréable à regarder
Les moins:
- une trotteuse sans originalité
- le sens de fermeture vers l'avant du bracelet cuir ou caoutchouc
- je ne comprends pas pourquoi IWC ne vend pas la montre avec deux bracelets par défaut