Tudor: Black Bay Fifty-Eight 925

La Black Bay Fifty-Eight est rapidement devenue un des modèles phare de Tudor. Sa taille contenue, son atmosphère néo-rétro, l'inspiration Submariner Big Crown 7924, tous ces éléments ont contribué au charme indéniable de cette montre et à son succès immédiat tant auprès des amateurs d'horlogerie que d'une clientèle plus "grand public". Suite à son introduction en 2018 avec une référence à cadran noir et aux détails guilt, Tudor a présenté deux ans plus tard une déclinaison Navy Blue qui offre une atmosphère différente, à la fois plus lisse et peut-être plus contemporaine. C'est le succès de cette stratégie de renouvellement simple et efficace qui a permis à Tudor de conserver la dynamique et l'intérêt autour de ce modèle. D'ailleurs, dans l'esprit de tous, la Black Bay Fifty-Eight est avant tout la "Fifty-Eight" comme pour rappeler sa dimension particulière et autonome au sein du catalogue de la marque.


L'année 2021 est marquée par l'amplification de ce rôle clé. La Fitfy-Eight n'est plus une simple montre mais bel et bien une ligne. Deux nouvelles références viennent de se rajouter à cette ligne qui comporte aujourd'hui 9 déclinaisons en fonction des couleurs de cadran, des types de bracelet et dorénavant des matériaux du boîtier. Car c'est la grande nouvelle de cette année: la Fifty-Eight est à partir de maintenant également disponible en or jaune et en argent 925.Ces matériaux ne constituent pas la seule caractéristique de ces deux nouveautés car contrairement aux autres références, elles offrent toutes les deux un fond transparent permettant d'observer le mouvement MT5400.

La Fifty-Eight 925 est ma nouveauté préférée de l'année en provenance de Tudor. J'aime sa gamme de couleurs et elle possède de plus un soupçon d'excitation et de singularité lié à l'utilisation d'un matériau original: l'argent 925. Cela peut apparaître surprenant de parler d'originalité à propos de l'argent mais la réalité est qu'après avoir été fréquemment utilisé, ce matériau avait quasiment disparu des boîtiers de montres. Cependant, depuis plusieurs années, quelques marques l'avaient employé de nouveau et je pense notamment à Ralph Lauren avec ses montres Western ou plus récemment encore à Zenith avec une série limitée Pilot Type 20 Extra Special Silver. Mais c'est avec cette Tudor Fifty-Eight que l'argent fait véritablement son grand retour: l'envergure de la marque et le fait qu'il concerne un de ses best-sellers me procurent ce sentiment.


Le nombre 925, que l'on retrouve dans le nom de la montre rappelle que ce n'est pas de l'argent pur qui est utilisé mais un alliage dont la composition des 7,5% restants demeure secrète. Nous pouvons tout à fait imaginer que Tudor a adopté une démarche similaire à celle de son boîtier en bronze, l'objectif étant d'obtenir un matériau stable et adapté au contexte d'utilisation de la montre. Cependant, compte tenu des propriétés de l'argent, il n'est pas nécessaire d'utiliser du titane pour la partie au contact de la peau. Le boîtier est donc entièrement composé de cet alliage si je mets de côté le fond transparent bien entendu. La question qui reste en suspens sera de savoir comment évoluera son rendu sur plusieurs années.

L'intérêt de cet alliage est triple. Tout d'abord il rend la démarche de Tudor plus audacieuse dans le contexte d'un renouvellement chromatique d'un modèle existant. Ensuite, cela donne de l'originalité et de la singularité à cette version compte tenu de la rareté des montres contemporaines en argent. Enfin, et c'est la principale raison ou tout du moins la plus perceptible : l'alliage est parfaitement adapté à la gamme de couleurs utilisée.


Je dois avouer que j'ai rarement vu une telle harmonie de teintes entre le boîtier, la lunette et le cadran. La Fifty-Eight 925 offre une très belle composition de gris qui parvient à dégager suffisamment de chaleur et de vivacité. Ce résultat est obtenu grâce à la combinaison entre le boîtier en argent 925 satiné, la lunette en aluminium éloxé taupe mat et le cadran de couleur taupe également. La couleur taupe pourrait être définie comme une sorte de gris dans lequel un soupçon de brun serait injecté. Le boîtier en argent se distingue par ses reflets à la fois plus subtils et plus chaleureux que ceux d'un boîtier en acier. La couleur taupe de la lunette et du cadran se marie ainsi idéalement avec les reflets du boîtier. L'ensemble est finalement dans une tendance similaire à celle de la Navy Blue, c'est-à-dire incarnant un style à la fois doux et contemporain. J'ai une préférence pour la Fifty-Eight 925 car je trouve cette dernière plus raffinée avec une gamme de couleurs plus originale dans l'offre horlogère actuelle. Le bleu étant vu à toutes les sauces et dans toutes les gammes de prix, il finit par lasser.

Pour le reste, la Fifty-Eight 925 reprend les caractéristiques habituelles du modèle inaugural à savoir un diamètre de 39mm, une étanchéité de 200 mètres, la lunette tournante unidirectionnelle, le cadran et la glace saphir bombé et les fameuses aiguilles snow flake. Néanmoins, il existe une différence de taille: le fond transparent. Sa présence a deux conséquences. La première est de rendre la montre légèrement plus épaisse (12,7mm vs 11,9mm). La deuxième est de pouvoir observer le mouvement de manufacture MT5400. 


Je suis très hésitant sur cet aspect. D'un côté je comprends la démarche de Tudor: du point de vue commercial rendre le mouvement visible est un plus indéniable surtout auprès d'un public moins averti. C'est aussi une façon de se distinguer de Rolex sur des montres à vocation similaire. De l'autre, je n'ai pas été pleinement convaincu par l'intérêt du spectacle. Le mouvement MT5400 est un excellent mouvement, un des meilleurs de sa catégorie: il est fiable, précis (certifié chronomètre) avec des performances de qualité (une excellente efficacité au remontage et une réserve de marche de 70 heures pour une fréquence de 4hz). Mais il n'est pas très beau. Surtout, la masse oscillante se distingue peu de la platine et des ponts. Je n'ai donc pas été séduit et quitte à rendre le mouvement visible, Tudor aurait dû travailler a minima sur le rendu de la masse oscillante pour donner plus de contraste. Un revêtement gris aurait pu être une solution combinée avec des décorations valorisantes des ponts. C'est la raison pour laquelle je pense que le maintien du fond plein aurait été bienvenu.

Une fois mise au poignet, ce détail s'oublie et le plaisir de profiter d'une montre qui est à la fois sportive et élégante prend très vite le dessus. Sa grande polyvalence s'exprime à la fois à l'usage et du point de vue esthétique. C'est véritablement le rendu harmonieux des couleurs qui est sa principale force. Généralement une montre à dominante grise peut sembler terne, triste. Ce n'est absolument pas le cas avec la Fifty-Eight 925. Le mélange de gris donne de l'élégance, de la subtilité et la pièce reste cependant dynamique et chaleureuse. Dans ce contexte, le choix du boîtier en argent 925 prend tout son sens.

Deux bracelets sont disponibles: soit le bracelet en tissu taupe, soit un bracelet en cuir brun, dans les deux cas avec une boucle en argent 925. Les deux fonctionnent très bien mais c'est le bracelet en cuir qui est mon préféré. Il apporte plus de contraste et met mieux en valeur les subtiles nuances de gris. Je trouve surtout que sa texture correspond mieux au raffinement décontracté de la montre. Le prix de la montre est dans les deux options de 4.050 euros soit un écart de 900 euros par rapport aux modèles Navy Blue ou Black. La question est de savoir si cet écart est justifié. Je pense que oui. Tout d'abord la construction du boîtier avec le fond transparent génère plus de contrainte. Et il y a la spécificité de l'utilisation de l'alliage. Mais ces questions de coût de production n'intéressent pas le client. Le plus important pour lui est de savoir si la montre est suffisamment séduisante pour être prêt à payer le complément de prix. Selon moi, l'attrait du rendu visuel, le jeu de couleurs, les reflets argentés, tous ces petits détails rendent la Fifty-Eight 925 spéciale, désirable et justifie l'écart tarifaire.


Quoi qu'il en soit, avec la sortie de cette montre et de celle en or jaune, Tudor complète efficacement l'offre de la ligne Fifty-Eight. Le client a le choix entre des montres sportives, décontractées, élégantes voire même précieuses, le tout dans un style néo-rétro avec des atmosphères plus ou moins contemporaines. C'est bel et bien la démonstration de l'importance que joue cette ligne Fifty-Eight dans l'ambition de développement de Tudor.

Les plus:

+ une utilisation de l'argent 925 justifiée

+ une combinaison harmonieuse de couleurs

+ une grande polyvalence à la fois à l'usage et du point de vue esthétique

Les moins:

- la décoration du mouvement manque de contraste ce qui rend son observation guère passionnante