Je souhaitais revenir sur le Chronomètre Optimum de François-Paul Journe. Comme nous pouvons l'observer depuis de nombreux mois, il existe un intérêt grandissant autour de la marque fondée par l'horloger français. Cela se traduit par des performances remarquées lors des ventes aux enchères et par une très forte demande des montres de la collection actuelle. La quasi-impossibilité d'obtenir un Chronomètre Bleu rejaillit sur le Chronomètre Souverain et il se passe une sorte de phénomène qui concerne l'intégralité de la collection. Même l'Elégante n'échappe pas au succès. La grande force de François-Paul Journe est de ne créer que des montres à l'intérêt horloger certain ou qui suscite débat. Rappelons-nous les discussions sur le Centigraphe ou le Chronomètre à Résonance. Rappelons-nous la surprise qu'avait suscité sa démarche de créer une montre à quartz spécifique à l'attention de la clientèle féminine... montre qui allait par la suite devenir un très grand succès grâce à sa clientèle masculine! Bref, les créations de François-Paul Journe ne laissent jamais indifférent et cette dimension stimulante explique, au-delà de toute considération de cote et d'investissement, une bonne partie du succès rencontré par la marque.
Le Chronomètre à Résonance, le Tourbillon Souverain sont souvent cités parmi les montres les plus emblématiques de F.P. Journe. En revanche, j'ai le sentiment que le Chronomètre Optimum n'a pas la même reconnaissance. Je dois avouer que j'ai un peu de mal à comprendre cette situation (qui n'est peut-être qu'une perception erronée de ma part) car je considère le Chronomètre Optimum comme une de ses plus belles créations. Il s'agit aujourd'hui d'une des montres simples les plus abouties et les plus complexes du marché. Mais qu'est-ce qu'une montre à la fois simple et complexe ? Tout simplement une montre qui met en oeuvre plusieurs solutions techniques pour se focaliser uniquement dans l'affichage du temps: heures - minutes - secondes. De fait, le Chronomètre Optimum n'affiche aucune information supplémentaire côté cadran si ce n'est la réserve de marche.
Pourtant, le sommet du cadran nous alerte sur le haut degré de technicité de la montre. Le remontoir à égalité est en effet visible à travers une ouverture à 11 heures. Outre le plaisir d'observer une animation supplémentaire (et particulière) côté cadran, le remontoir d'égalité prend tout son sens avec le Chronomètre Optimum car il n'agit pas de façon isolée.
Ce qui fait la réussite de cette montre et qui explique son nom, c'est la combinaison de trois éléments fondamentaux:
- le double-barillet dont le but ici est plus d'assurer le meilleur couple et la stabilité de la force motrice que d'augmenter la réserve de marche
- le remontoir d'égalité qui égalise la force émise par le double-barillet et transmise à l'échappement afin d'assurer un comportement stable tout le long de la réserve de marche
- l'échappement bi-axial à haute performance EBHP à double roues et à impulsions directions. Au-delà du fait qu'il fonctionne sans huile, cet échappement se caractérise par son excellent rendement qui est estimé à une cinquantaine d'heures sans modification de l'amplitude.
Ainsi, l'objectif poursuivi n'est pas seulement d'atteindre la meilleure précision. François-Paul Journe a oeuvré pour obtenir cette précision certes mais accompagnée d'un comportement stable, constant et optimal sur la plus longue réserve de marche possible.
Le Chronomètre Optimum n'est pas uniquement une réussite technique. Pour moi, il s'agit d'une des plus belles montres F.P. Journe. J'aime beaucoup son cadran avec son organisation qui me rappelle celle de l'Octa Chronographe avec un grand sous-cadran à droite et un sous-cadran plus petit à gauche, les deux étant reliés. De plus, l'indicateur de réserve de marche est discrètement positionné à la base du cadran pour laisser le rôle principal au remontoir d'égalité. J'aime d'ailleurs beaucoup le contraste entre les tout petits pas de la trotteuse et le comportement saccadé du remontoir d'égalité.
Le calibre 1510 à remontage manuel (dont la réserve de marche est de 70 heures pour une fréquence de 3hz) est bien entendu superbe et présente une architecture originale. Un pont recouvre quasiment toute la moitié gauche correspondant à la zone dédiée à l'énergie et à la transmission. Il y a une sorte d'esprit platine 1/2 dans ce mouvement. En revanche la partie à droite est beaucoup plus animée mettant en scène l'organe réglant (et donc l'échappement EBHP) et le remontoir d'égalité. Toute le talent de François-Paul Journe s'exprime d'ailleurs à travers un détail qui a son importance. Pour mettre en valeur ce remontoir de 1 seconde, il installa sur le mouvement une seconde morte naturelle (c'est à dire directement en prise avec le remontoir d'égalité) dont la graduation est vissée sur les ponts du mouvement. Par conséquent, le mouvement offre comme le cadran un contraste d'animations intéressant entre la trotteuse qui effectue un pas à la seconde et les oscillations permanentes du balancier.
Le remontoir d'égalité est au bout du compte la véritable "star" (si je peux me permettre cette expression) du Chronomètre Optimum: visible côté cadran, mis en scène côté mouvement, il se rend indispensable tant du point de vue technique qu'esthétique. Cependant, il ne faut pas oublier l'esprit de cette montre: il n'est qu'une composante d'un mécanisme complexe qui combine plusieurs solutions techniques.
Le Chronomètre Optimum est disponible en platine ou en or rouge 6N dans deux diamètres différents: 40 ou 42mm. J'ai une préférence pour le diamètre plus petit qui rend la montre plus élégante et équilibrée. En tout cas, quelque soit la version, le Chronomètre Optimum est une pièce extrêmement désirable. A la fois belle, classique, originale dans la présentation de son cadran et du fait de la présence du remontoir d'égalité, surprenante par l'architecture de son mouvement, convaincante et cohérente du point de vue technique, le Chronomètre Optimum fait partie selon moi des plus belles réalisations de François-Paul Journe et appartient à la catégorie des pièces fondamentales du segment de la haute horlogerie.