Seiko: King Seiko 140ième anniversaire

L'histoire de Seiko débuta en 1881 lorsque Kintaro Hattori ouvrit une boutique de vente et de réparation de montres et d'horloges à Tokyo. La marque japonaise a prévu de célébrer dignement ce 140ième anniversaire en y consacrant plusieurs montres en série limitée. Parmi celles-ci, se distingue la réédition de la King Seiko KSK de 1965. Il y a quelque chose d'amusant et de paradoxal dans la démarche du Groupe Seiko concernant cette montre. Depuis plusieurs années, il oeuvre à clairement séparer Seiko de Grand Seiko. Cette dernière est devenue une marque indépendante avec sa propre stratégie et le seul nom de "Grand Seiko" sur le cadran. Et d'une certaine façon, la réédition de la King Seiko KSK va à l'encontre de cette stratégie. Pourquoi? Tout simplement parce que la qualité des finitions et les détails esthétiques mis en oeuvre font plus penser à une montre Grand Seiko qu'à une montre Seiko.


Certes, et nous reviendrons sur ce point, le mouvement qui anime la King Seiko 140ième anniversaire est spécifique à Seiko. Mais je trouvais intéressant de faire cette remarque... qui est une façon de souligner l'excellente qualité perçue de ce modèle.

La King Seiko 140ième anniversaire est une montre classique, simple, à 3 aiguilles avec un guichet de date à 3 heures. Nous savons tous qu'il est très difficile de faire une pièce singulière dans ce cadre ultra normé car il y a finalement peu de degrés de liberté. Seiko y est parvenu car à la base, le modèle original se distinguait par des détails qui forgeaient son identité: les cornes anguleuses et les index facettés. Fort heureusement, Seiko les a repris en les adaptant à un contexte contemporain. De fait, la réédition se distingue par 3 principales différences:

  • la montre est à remontage automatique
  • Le boîtier est légèrement plus grand
  • Le cadran possède un guichet de date


Pour le reste, la réédition est fidèle à la montre de 1965 et retranscrit avec une belle réussite les effets de lumière et de relief dus au travail sur les cornes et les index. Si le boîtier en acier d'un diamètre de 38,1mm est rond, ce n'est pas la rondeur qui caractérise cette pièce. Elle est au contraire considérée comme une montre anguleuse. Cette sensation est accentuée par les reflets sur les cornes dont les formes donnent beaucoup d'énergie et de personnalité. Le polissage Zaratsu utilisé pour finir les cornes est en tout cas on ne peut plus efficace: elles jouent avec la lumière en créant des zones d'intensité diverses qui contrastent entre elles. Cet aspect saillant et lumineux combine à merveille avec les aiguilles dauphine à l'exécution irréprochable. Incontestablement, la qualité perçue de ces éléments font penser à Grand Seiko.


Le cadran, de prime abord, semble sobre. Un examen plus minutieux nous fait découvrir des index des heures tout en volume et un double-index facetté à 12 heures (en fait composé de trois parties) qui offre une texture alternative de type clou de Paris en ses deux extrémités. Ces index contribuent grandement à la sensation d'excellence qui se dégage car ils donnent du relief au cadran. Mais surtout leur rendu visuel est parfait, tant du point de vue de l'usinage que de la façon avec laquelle ils ont été positionnés sur le cadran. La finition du fond du cadran argenté est elle aussi impeccable avec son effet soleillé. Il met de plus en valeur les autres éléments. Le bilan aurait pu être parfait si Seiko n'avait pas pris la décision d'insérer un guichet de date. J'aurais, comme souvent, préféré la montre sans. Cependant, il faut avouer que ce guichet ne nuit pas et son esthétique propre fonctionne bien avec les index.


Le fond du boîtier est plein et c'est là aussi une excellente nouvelle. D'abord parce qu'il donne l'occasion à Seiko de joliment le décorer comme avec la montre d'origine. Le blason King Seiko orne ce fond et rappelle le contexte de raffinement voulu. Ensuite parce le mouvement 6L35 qui anime la King Seiko 140ième anniversaire n'est pas d'une beauté à couper le souffle.

Il s'agit cependant d'un excellent mouvement automatique à remontage bidirectionnel qui anime plusieurs montres Presage. Considéré comme un concurrent direct de l'ETA2892-A2 (il est très proche du point de vue des performances et de la taille), il se caractérise par sa finesse (3,7mm) et son antichoc maison. De fait, l'utilisation de ce mouvement automatique n'a quasiment aucune conséquence sur l'épaisseur du boîtier de la King Seiko 140ième anniversaire puisque sa hauteur n'est supérieure que de 0,5mm par rapport à celle de la montre de 1965. Sa réserve de marche est de 45 heures pour une fréquence de 4hz ce qui est un peu court selon les standards d'aujourd'hui.


Le véritable problème lié à ce mouvement est la façon avec laquelle Seiko communique sur ses performances en matière de précision: -10/+15 secondes par jour. Une telle plage est peu tolérable et d'ailleurs Seiko ne la tolérerait pas de façon concrète. Le mouvement est capable d'assurer une bien meilleure précision. Cette manière de communiquer me laisse toujours perplexe. Est-ce une volonté d'éviter toute mauvaise surprise et la réaction d'un client dont la montre ne respecterait pas la plage ? Est-ce une façon modeste de présenter les choses ? Y-a-t-il une dimension culturelle derrière cette communication  archi prudente ? Je ne sais pas mais il me semble que Seiko devrait travailler là-dessus et s'engager sur des plages plus ambitieuses.


Tout ceci ne m'a pas empêché d'apprécier la King Seiko 140ième anniversaire à sa juste valeur. En la mettant au poignet, je fus immédiatement séduit par le travail sur le boîtier, les cornes et surtout par le jeu de lumière qu'elle provoque. Cette montre, a priori sage, se révèle être très vive et énergique grâce aux multiples reflets qu'elle crée: les cornes, le cadran sans oublier la forme du verre qui accentue les volumes... Et n'oublions pas un de ses atouts qui apparaît en retournant le poignet: la boucle ardillon qui accompagne le bracelet plat en croco noir est magnifique. C'est d'ailleurs une des plus jolies que j'ai vues récemment.

Je peux comprendre certaines réticences face au prix de vente (3.400 euros) pour une montre animée par un mouvement qui se retrouvera dans des montres moins chères. De plus, la série limitée est relativement conséquente (3.000 exemplaires). Mais l'excellence de l'exécution, la qualité de l'habillage et le souci des détails tendent à rapprocher cette pièce de l'univers de Grand Seiko. C'est tout du moins l'impression qu'elle m'a donnée. La King Seiko 140ième anniversaire est donc un cas à part dans l'offre du Groupe Seiko: elle semble se situer dans une sorte d'entre-deux qui fait sa singularité et son intérêt. Et au-delà de ces considérations stratégiques, elle est tout simplement une montre classique extrêmement bien faite, vive et dynamique avec des détails qui lui donnent du caractère.


Les plus:

+ les finitions du boîtier et du cadran

+ le jeu de lumière apporté par les cornes, le cadran, les index

+ la superbe boucle ardillon

+ le fond plein joliment décoré

Les moins:

- la présence d'un guichet de date

- la plage de précision du mouvement annoncée par Seiko est beaucoup trop large