Il semblerait que Louis Erard ait trouvé la bonne formule. Grâce aux récentes collaborations avec les créateurs horlogers, la marque gagne en visibilité de façon significative et renforce sa légitimité horlogère. En effet, l'annonce il y a quelques jours de la sortie du Régulateur conçu avec Vianney Halter,fut perçue comme un événement d'importance, relayée par les principaux canaux d'information de la communauté horlogère. Une telle couverture médiatique et le succès rencontré par la montre (les 178 exemplaires de cette série limitée furent vendus en quelques heures) sont au bout du compte profitables pour les deux parties: pour Louis Erard bien entendu mais également pour l'horloger qui trouve à travers cette collaboration un moyen de communiquer sur un nouveau produit et de s'adresser à un public beaucoup plus large.
En tout cas, cette dernière série limitée du Régulateur s'inscrit totalement dans la démarche de Louis Erard voulue par Manuel Emch et qui vise à développer ces collaborations porteuses de valeur. Le Régulateur créé avec Alain Silberstein initia de façon remarquée cette stratégie (je n'oublie pas non plus le Régulateur dessiné par Eric Giroud) et le point d'orgue fut le résultat de la vente d'un de ces modèles lors de la dernière session des enchères Phillips à Genève début novembre: la montre fut vendue au prix de 7.560 CHF soit 2,7 fois son prix d'origine. Et ce pour une pièce commercialisée à peine quelques mois auparavant. J'ai peut-être tort de mettre cet aspect en avant car il n'est pas le plus important. D'abord il est difficile de tirer des conclusions de la vente d'une seule montre. Et ensuite quand j'emploie le terme de valeur, c'est plus au niveau du contenu horloger que je me place. Mais c'est un signe.
La réussite du Régulateur Louis Erard x Alain Silberstein reposait sur le fait que chaque partie restait fidèle à son univers: les caractéristiques du modèle de base, l'organisation du cadran, le prix proposé pour la marque, l'atmosphère esthétique pour le créateur. C'est le cas également avec le Régulateur Louis Erard x Vianney Halter: ce dernier a su insuffler son style tout en respectant de façon claire le contexte de la montre d'origine.
Le contexte est semblable, le résultat est différent. Le Régulateur Louis Erard x Alain Silberstein à gauche et le Régulateur Louis Erard x Vianney Halter à droite:
De fait, le Régulateur Louis Erard x Vianney Halter apparaît plus subtil que celui créé avec Alain Silberstein. Tout simplement parce que le style d'Alain Silberstein est très connu et très reconnaissable. Celui de Vianney Halter l'est moins ou n'est pas aussi facile à percevoir. Et pourtant, en observant le cadran, il n'y aucun doute: la patte de l'horloger français se ressent dans les moindres détails.
Cette fois-ci, le modèle de base n'est pas le Régulateur à remontage manuel mais l'Excellence Régulateur automatique avec un boîtier en acier d'un diamètre de 42mm et animé par le calibre Sellita SW266-1. La montre est donc plus grande (42mm vs 40mm) et bien plus épaisse (12,15mm vs 8mm) que le Régulateur Louis Erard x Alain Silberstein. D'une certaine façon, c'est une bonne nouvelle: les deux montres se complètent plus qu'elles ne s'opposent, chacune avec sa propre atmosphère.
C'est le cadran qui sert principalement de cadre d'expression au talent de Vianney Halter. Le résultat est superbe et convaincant. Le cadran combine différents types de finition qui mettent en valeur les contrastes, les reflets de lumière et les volumes. La plaque supérieure argentée possède une finition satinée circulaire tandis que la plaque inférieure utilise une finition grise mate. Les compteurs argentés ont une finition micro-billée et des décalques noires. Enfin, les appliques qui symbolisent la collaboration se distinguent par leur finition satinée horizontale.
La qualité de l'exécution est remarquable. La découpe de la pièce supérieure est précise et parfaitement réalisée. Il suffit pour cela d'observer les angles fermés. Selon l'inclinaison du poignet, le cadran prend de très beaux reflets argentés et le contraste entre les plaques devient plus ou moins marqué. Les effets de relief sont aussi intéressants et ils contribuent à la qualité perçue.
Les aiguilles en acier bleui reprennent la forme caractéristique du style de Vianney Halter. L'avantage du Régulateur est qu'il sépare ces aiguilles et les affichages. C'est la raison pour laquelle je retrouve l'esprit, certes dans un contexte plus modeste, d'une montre comme l'Antiqua: les affichages sont répartis sur le cadran et les aiguilles et les chiffres sont similaires.
L'autre élément fidèle à l'esthétique de Vianney Halter est la couronne crénelée qui décore joliment l'ensemble. Pour le reste, le Régulateur Louis Erard x Vianney Halter est identique au Régulateur Excellence et notamment dans la présentation du mouvement à la masse oscillante ajourée visible à travers le fond transparent. D'ailleurs sur ce point j'aurais préféré un fond plein avec une gravure afin d'apporter une spécificité supplémentaire. Ou une décoration différente. Le mouvement est certes décoré avec soin mais il n'est pas spectaculaire non plus. Le bon point est qu'il n'y a pas d'inscription sur le verre. Ses performances sont sans surprise à savoir une réserve de marche de 38 heures (un peu courte selon les standards d'aujourd'hui) pour une fréquence de 4hz.
Le potentiel esthétique du Régulateur de Louis Erard est réel. Cette dernière série limitée est totalement différente à la précédente. C'est évidemment dû aux talents des créateurs horlogers mais également au contexte offert par la Régulateur. Il permet l'expression des différentes sensibilités et l'organisation du cadran met en valeur les effets de style. A titre personnel j'ai une préférence pour le Régulateur créé avec Alain Silberstein car il est plus petit, plus fin et à remontage manuel. Mais le Régulateur Louis Erard & Vianney Halter est aussi une réussite. L'influence de l'horloger se ressent tout en restant dans un bon équilibre. Ce n'était pas l'intérêt non plus de Vianney Halter que la montre devînt son projet exclusif: les tarifs qu'il pratique sont bien au-delà du prix de vente de 3.500 CHF de ce Régulateur et il fallait conserver une certaine cohérence.
Il n'empêche que ce Régulateur offre une très belle opportunité de profiter d'une montre portant la patte et l'engagement d'un horloger indépendant de talent et ce, à un tarif raisonnable. Il suffit de la porter et d'examiner la beauté du cadran, ses volumes, ses reflets pour s'en convaincre. Et comme de plus le bracelet qui l'accompagne en cuir de veau nubuck bleu "Oceania" lui convient parfaitement, il était difficile pour de nombreux amateurs de résister à la possibilité de l'acquérir. C'est la raison pour laquelle les 178 pièces de la série limité ont été vendues très vite. Décidément, Louis Erard tient vraiment un excellent concept avec cette approche collaborative.
Les plus:
+ la qualité de l'exécution du cadran
+ les effets de volume, les reflets, les contrastes qu'il propose
+ le très joli bracelet en cuir de veau nubuck bleu
+ un prix somme toute raisonnable pour aborder l'univers stylistique de Vianney Halter
Les moins:
- l'épaisseur du boîtier
- un fond plein aurait été selon moi une meilleure solution