Girard-Perregaux: Free Bridge

Girard-Perregaux a présenté la Free Bridge avec sa déclinaison Infinity à la fin août lors des Geneva Watch Days. Cette montre s'inscrit dans l'orientation stratégique de la marque qui vise à renforcer les deux collections clé du catalogue: les collections Bridges et Laureato. J'apprécie cette démarche. Girard-Perregaux a souffert depuis de nombreuses années d'un manque de modèles identifiables qui auraient pu tirer l'ensemble du catalogue. Le marché actuel est ainsi fait que les marques qui fonctionnent le mieux sont celles qui possèdent des montres célèbres, que l'on qualifiera d'"iconiques" dans leurs offres. Ces modèles concentrent l'essentiel des ventes et il est difficile pour les autres marques de connaître le succès dans ce contexte. Il était donc vital pour Girard-Perregaux de travailler sur cet aspect. Certes, il n'y a pas de recette miracle pour créer une montre "iconique". Ce sont les clients qui donnent ce statut et personne d'autre. Cela se fait sur la durée, lorsque le succès est pérenne. Cependant, il existe un ingrédient indispensable à cette réussite: la montre doit être identifiable. Depuis plusieurs années, à travers la relance de la collection Laureato et l'émergence de la collection Bridges, Girard-Perregaux communique sur les différents signes distinctifs de ses montres qui pourraient les rendre aisément reconnaissables aux yeux des amateurs, voire d'un public plus large.

Les détails en or rose permettent de reconnaître la version Infinity:

 

Ce travail est plus simple avec la collection Laureato. Créée dans les années 70, possédant un design caractéristique de l'époque et profitant de l'engouement actuel pour les montres sport-chic à bracelet intégré, la collection Laureato peut profiter d'un courant favorable. Pour la collection Bridges, le contexte  est plus compliqué mais c'est ce qui rend la tâche passionnante. Girard-Perregaux a réfléchi à quels étaient les symboles, les éléments caractéristiques de sa riche histoire et il est apparu que la montre de poche à 3 ponts d'or de 1867 était une des plus représentatives de sa production horlogère passée. Les ponts aux extrémités en forme de flèche, la construction géométrique du cadran, l'architecture du mouvement ont fait de cette montre bien plus qu'une ambassadrice de cette riche histoire. Elle est carrément intégrée dans le logo de la marque car son nom est souligné par une représentation stylisée d'un des ponts.

Ce n'est pas un hasard: le pont devient une signature et à terme, les clients devraient être capables de reconnaître une montre Girard-Perregaux sans même inscrire le nom de la marque sur le cadran. Le souci est que cette pièce emblématique de 1867 était loin d'être une montre simple puisqu'elle comportait un tourbillon. D'ailleurs Girard-Perregaux a depuis de nombreuses années sorti des modèles tourbillon à 3 ponts (d'or ou avec d'autres matériaux). Une montre tourbillon n'aura jamais la projection, le volume pour devenir une montre emblématique, tout du moins dans le segment tarifaire principalement visé. C'est la raison pour laquelle la manufacture a décidé de capitaliser autour du concept de pont en développant une collection complète de modèles dans une fourchette de prix plus large et donc comportant des prix plus accessibles.


L'étonnante Neo-Bridges répondait à cette enjeu: elle se distinguait par la présence de plusieurs ponts sur le cadran avec la mise en avant du pont du balancier, un micro-rotor visible, une architecture contemporaine et un verre "glass box" qui plongeait le cadran ouvert dans un bain de lumière. Son prix autour de 25.000 euros la rendait de facto bien plus abordable qu'un modèle Tourbillon. Et cette année, Girard-Perregaux poursuit cet élargissement de collection avec la Free Bridge. 

Mon premier sentiment est d'abord de la décrire comme une Neo-Bridges plus simple. Il est vrai qu'elle possède un système de remontage automatique plus conventionnel, à masse oscillante centrale et surtout située à l'arrière du cadran. De plus, elle ne possède plus qu'un seul pont "Neo" à forme de flèche. Mais l'avantage d'une telle présentation est de se focaliser presque exclusivement sur ce pont. Les deux autres ponts (aiguilles et barillet) présentent des formes différentes si bien que le rendu de la Free Bridge semble moins structuré et géométrique que celui de la Neo-Bridges.

La masse oscillante est en or sur la version Infinity:


Si la Free Bridge semble plus conventionnelle, elle n'en demeure pas moins une montre originale. Ce qui surprend le plus est l'étonnante forme du balancier à inertie variable: d'abord son diamètre est relativement important, ensuite il se distingue par son design aéré sans serge. J'avais l'impression d'observer les oscillations d'une étoile. L'utilisation du silicium permet de façonner une telle forme. De plus sa légèreté permet de limiter la consommation d'énergie. La réserve de marche est de plus de 54 heures pour une fréquence de 4hz. 

Ensuite, le mouvement demeure inversé. Ce n'est pas parce que la masse oscillante retrouve un emplacement naturel que l'ensemble du mouvement est construit de façon traditionnelle. Ce mouvement, le GP0100-1170, reste un calibre inversé comme le prouve la présence de l'organe réglant et du barillet côté cadran. Le traitement décoratif du cadran ouvert est bien réalisé: la montre offre de beaux effets de relief et j'aime également le petit pont de rouages incliné entre les ponts du balancier et des aiguilles. Comme avec la Neo-Bridges, l'ensemble est mis en valeur grâce au verre "glass box" galbé et aux traitements anti-reflet d'une rare efficacité. La lumière rentre par dessus, par les côtés et le cadran offre alors de superbes reflets gris avec ces composants qui contrastent plus ou moins. Selon les conditions de lumière, le pont du balancier peut s'effacer et quelques instants après réapparaître avec un fort contraste... c'est l'atout de sa finition satinée. Les aiguilles évidées permettent une lecture du temps tout à fait satisfaisante et s'insèrent avec harmonie dans cet ensemble au rendu technique et contemporain.

La version standard de la Free Bridge vendue à un prix de 17.600 euros:


L'arrière de la montre, s'il ne possède pas le côté spectaculaire du devant, est tout de même fini avec soin avec une palette chromatique cohérente. La masse oscillante ouverte permet de profiter de la décoration soignée.

Le boîtier en acier de la Free Bridge a un diamètre de 44mm. La montre est imposante mais son épaisseur limitée (12,2mm) la rend plutôt fluide. Cette taille m'est apparue comme adaptée dans ce contexte précis. Le cadran est harmonieusement organisé et ce diamètre permet de profiter des effets du verre et des reliefs apportés par les index suspendus. Les cornes sont courtes et incurvées et la montre se porte avec confort. L'extrême finesse de la lunette a cependant tendance à accroître la taille perçue. C'est le même effet qu'avec les 45mm de la Neo-Bridges: la montre se porte sans problème mais il faut tout de même un poignet assez important pour que le rendu soit agréable.

La Free Bridge est vendue à un prix plus attractif que celui de la Neo-Bridges (17.600 euros vs 25.100 euros). L'écart est significatif. En tant que propriétaire de la Neo-Bridges, mon coeur penche évidemment pour cette dernière. J'aime le micro-rotor visible, le design qui semble dessiner un visage, le cadran mieux rempli, la meilleure intégration du barillet, le rappel plus marqué des 3 ponts. La différence de prix est logique, le contenu horloger de la Neo-Bridges étant supérieur. Mais la Free Bridge n'est pas en reste. Elle possède plusieurs atouts similaires grâce à son balancier visible et la forme de ce dernier est une particularité à noter. Le choix est difficile mais en tout cas je pense que Girard-Perregaux a eu raison de sortir ce modèle afin de se positionner nettement sous les 20.000 euros. La collection Bridges est ainsi complétée efficacement et j'espère que la Free Bridge pourra contribuer au succès de cette collection. C'est un enjeu important pour la marque et la Free Bridge a pour cette raison un rôle stratégique.


A noter que la Free Bridge est également disponible dans une finition Infinity à 21.000 euros combinant Onyx et des composants dont la masse oscillante en or rose.

Les plus:

+ l'organe réglant visible côté cadran ce qui permet de profiter des oscillations du balancier original

+ la présentation du cadran ouvert et les effets de relief

+ la qualité du traitement anti-reflet

Les moins:

- la taille perçue est importante

- le cadran comporte des zones de vide lorsqu'on le compare à celui de la Neo-Bridges