Le succès de Hublot sous l'impulsion de Jean-Claude Biver et de Ricardo Guadalupe a eu un effet pervers: celui de nous faire oublier les premières années de la marque. Enfin, ce que j'écris n'est pas tout à fait juste, je devrais plutôt parler des premières années des montres Hublot. Hublot est devenue une marque par la suite mais en 1980, Hublot était une montre créée par Carlo Crocco et fabriquée par sa manufacture MDM (Marie Daniel Montres). Je pense qu'aujourd'hui on a du mal à apprécier la surprise que suscita cette montre lors de sa présentation à la foire de Bâle ainsi que son impact sur le marché.
Carlo Crocco avait véritablement imaginé une montre de rupture avec son bracelet caoutchouc parfumé à la vanille, son design inspiré des hublots de bateaux, sa dimension pratique et polyvalente... elle incarnait même plusieurs sacrilèges: elle était animée par un mouvement à quartz ce qui pouvait presque paraître comme de la provocation dans la Suisse du début des années 80 et elle osait combiner un matériau éloigné des canons esthétiques du luxe, le caoutchouc, avec un matériau précieux: l'or. Cette montre et les déclinaisons qui suivirent connurent un très grand succès. Carlo Crocco peut à ce titre être considéré comme un visionnaire. Il avait compris qu'il ne fallait pas enfermer la clientèle dans des cases et que les rythmes de vie étaient plus complexes que ceux que nous imaginions. La dimension polyvalente "sport chic" séduisit non seulement de très nombreux clients mais également des stars et des têtes couronnées ce qui conféra à Hublot la réputation d'être "la montre des rois". D'ailleurs, pour les personnes intéressées par l'histoire de l'horlogerie (car la montre Hublot est une pièce fondamentale de cette histoire), je recommande fortement la lecture de l'ouvrage portant ce titre et rédigé par Augusto Veroni. Seul, je pense, un italien pouvait écrire sur une telle montre qui marqua son époque car ses racines italiennes étaient évidentes. Au-delà de la nationalité de Carlo Crocco, c'était toute une atmosphère bien particulière qui entourait Hublot, un mélange de raffinement et de décontraction avec en arrière-plan l'influence du monde nautique.
La grande réussite de Jean-Claude Biver et de Ricardo Guadalupe fut de relancer la marque en lui trouvant une nouvelle dynamique, de nouveaux relais de croissance tout en restant fidèle à certains concepts définis par Carlo Crocco. Ce dernier osa la fusion entre le caoutchouc et l'or. Jean-Claude Biver et Ricardo Guadalupe, non seulement l'ont respecté mais l'ont amplifié, en ont fait la raison d'être de la marque. Le côté surprenant et disruptif existe toujours. Hublot est aujourd'hui une marque clivante qui suscite de très nombreuses réactions lors de la sortie de nouveaux modèles. C'est normal: c'est inscrit dans ses gênes et ce dès la foire de Bâle de 1980. Enfin, Hublot ose aller là ou certains ne vont pas. Le football par exemple. Et là aussi, c'est la continuité d'un mouvement initié au début des années 80. Carlo Crocco était très en avance dans sa façon de concevoir des campagnes marketing cohérentes avec les produits. Les publicités étaient très originales pour l'époque et sont toujours actuelles. Les talents et les capacités de travail de Jean-Claude Biver et Ricardo Guadalupe sont évidemment les principales raisons du succès de Hublot par la suite qui a grosso modo multiplié par 20 son chiffre d'affaires depuis 2004. Mais il était important de rappeler ce qu'avait accompli Carlo Crocco quelques décennies auparavant.
Je dois avouer que j'aime beaucoup la Hublot Classic des premières années et particulièrement les versions avec un mouvement automatique. Je trouve que le travail sur le boîtier était remarquable et que la montre offrait de nombreux détails soignés comme le très joli fermoir. L'absence de chiffres ou d'index sur le cadran lui donnait aussi beaucoup d'élégance et justifiait ainsi la présence des 12 vis sur la lunette qui combinaient intérêt esthétique et dimension pratique. C'est la raison pour laquelle ce sont généralement les Classic Fusion que je préfère dans la collection actuelle de Hublot: elles constituent l'évolution logique de la montre Hublot Classic du début.
Ricardo Guadalupe ne pouvait pas laisser passer la célébration de ce 40ième anniversaire. Et la réinterprétation de la Hublot Classic est selon moi, une réussite. Peut-être parce que justement elle s'inspire directement de cette montre que j'apprécie... sans la cloner. L'adaptation à notre contexte actuel s'est opéré de façon efficace et traduit d'une certaine façon l'évolution entre le Hublot d'alors et celui d'aujourd'hui.
La Classic Fusion 40 Years Anniversary est disponible en 3 modèles, en or jaune bien entendu (indispensable pour la célébration et limitée à 100 exemplaires), en titane (limitée à 200 exemplaires) et en céramique noire (200 exemplaires). Les versions titane et céramique noire sont représentatives du Hublot d'aujourd'hui, dans sa capacité d'utiliser de nouveaux matériaux. J'ai eu l'opportunité de voir la version en titane. Sans surprise, son diamètre est plus important (45mm) mais l'esprit de la montre initiale demeure.
Le fermoir est bien plus élégant:
Ainsi, le cadran ne possède aucun chiffre ni index ce qui permet de profiter du très beau cadran noir laqué. Les appliques en rhodium poli du nom et du logo de la marque sont mises en valeur et contribuent à la qualité perçue. La couleur du guichet de date correspond à celle du cadran ce qui est une excellente nouvelle et renforce le style épuré. Les aiguilles sont celles habituellement utilisées par la Classic Fusion. En l'absence d'index, elles m'ont semblé un poil trop imposante. La lecture de l'heure nécessite une petite période d'accoutumance car contrairement au modèle d'origine, la Classic Fusion 40 Years Anniversary ne possède que 6 vis sur la lunette au lieu des 12 initiales. Cependant notre cerveau est habitué à interpréter l'heure avec uniquement la position des aiguilles et ce, même en l'absence d'index.
Le boîtier est selon moi le point fort de la Classic Fusion et c'est également le cas ici. Le boîtier et la lunette en titane alternent les contrastes entre zones polies et satinées et l'ensemble propose des lignes fluides (l'épaisseur est de 11mm) ce qui peut d'ailleurs expliquer le choix du diamètre de 45mm par rapport à l'option 42mm qui aurait pu être choisie.
La Classic Fusion 40 Years Anniversary, contrairement à la montre de 1980, est animée par un mouvement automatique, le calibre HUB1112. Il s'agit en fait d'un calibre Sellita SW300 dont le positionnement du disque de date est revu afin que le guichet soit placé proche de la lunette. Ses performances sont sans surprise classiques avec une réserve de marche de 43 heures pour une fréquence de 4hz. Le mouvement est visible, derrière le logo commémoratif imprimé, grâce à un fond transparent. J'aurais clairement préféré un fond plein avec une jolie gravure célébrant l'anniversaire. Le mouvement apparaît un peu perdu dans le boîtier ce qui est normal compte tenu de son propre diamètre.
Grâce au bracelet caoutchouc et à la boucle déployante efficace, la montre est fermement maintenue sur le poignet malgré sa taille. Une fois mise au poignet, la taille du logo et du nom de la marque sur le cadran surprend si on la compare à celle de la Classic Fusion 45mm du catalogue. Mais je peux comprendre la démarche: le cadran aurait semblé trop vide sinon. Et il aurait existé un problème de proportion avec les aiguilles. Alors, cette option est acceptable.
Cette taille de logo est un bon indicateur des différences d'esprit qui existent entre la Classic Fusion 40 Years Anniversary et la montre d'origine. Aujourd'hui, les tailles sont plus importantes et surtout Hublot n'est plus seulement le nom d'une montre mais celui d'une marque. La Hublot Classic des années 80 avait déjà un logo imposant sur le cadran mais il s'agissait de mettre en avant le nom de la montre et pas celui de la manufacture, plus discrètement positionné. La montre d'aujourd'hui gagne en qualité d'exécution (guichet de date en harmonie avec le cadran, mouvement automatique) mais n'a pas le même degré d'élégance que la Hublot Classic de 1980. C'est en fait un résumé de ce qu'est devenu la marque aujourd'hui, à l'envergure incomparable. Elle vise une clientèle plus large, plus diversifiée, plus décontractée, à la recherche de montres ayant un fort impact visuel. Et en cela, la Classic Fusion 40 Years Anniversary est incontestablement mieux adaptée aux goûts actuels. En tout cas, je salue la démarche de Hublot qui n'a pas hésité à réinterprété ce modèle d'origine pourtant créé dans un autre contexte et avec d'autres ambitions.
La Classic Fusion 40 Years Anniversary en titane est vendue à un prix de 8.200 euros TTC soit un prix supérieur de 1.000 euros à celui de la Classic Fusion 45mm. La principale différence de finition réside dans le fond noir du cadran, mat avec la montre du catalogue et laqué avec la montre anniversaire. Le bracelet de cette dernière est lisse alors qu'il est habituellement ligné. Enfin son fermoir est bien élégant que celui de la Classic Fusion de la collection permanente. L'écart de prix peut donc apparaître comme conséquent mais grâce à son esthétique épurée et son rendu plus lumineux, la Classic Fusion 40 Years Anniversary possède un pouvoir de séduction supérieur. Elle est en tout cas une jolie réussite et constitue un point de convergence convaincant entre deux époques clé de l'histoire de Hublot, à la fois si proches et si éloignées.
Les plus:
+ le rendu lumineux du cadran
+ le style épuré
+ le confort au porter
Les moins:
- le fond transparent: un fond plein avec une gravure aurait été plus judicieux dans ce contexte de célébration