L'événement de ces derniers jours est l'histoire rocambolesque d'une marque d'envergure, que je ne nommerai pas, qui a posté l'image d'un fake sur son propre compte Instagram. Elle a en effet l'habitude de republier une fois par semaine une photo postée précédemment par un de ses clients. Cette initiative louable et intéressante s'est malheureusement retournée contre elle puisqu'en plein coeur du mois d'août, une des photos concernées était celle d'une réplique.
Bien entendu, les fans de la marque dont un de ses plus fins observateurs s'en sont très vite rendus compte ce qui généra une flopée de commentaires négatifs dans le post. Le plus étonnant dans l'histoire est que la marque décida de supprimer la photo bien tardivement, une semaine après sa publication soit une véritable éternité si l'on considère la dimension temporelle d'Instagram. La lenteur de cette prise de décision était d'autant plus surprenante car autour d'une centaine de messages négatifs était postée chaque jour.
Cette mésaventure me conduit à la réflexion sur le rôle du community manager.
Dans ce cas précis, il ne s'agit pas de blâmer le community manager d'astreinte lorsque ses collègues sont en vacances. Je souhaite en revanche souligner, comme j'ai déjà eu l'occasion de le faire précédemment, le total décalage entre le discours habituel des marques ("le digital est important et constitue un pilier de notre stratégie") et la réalité (les clés du camion sont confiées la plupart du temps à des personnes qui manquent de culture horlogère et de responsabilité).
Passe encore que l'on ne reconnaisse pas le fake. Dans le cas précis, la montre n'était pas en gros plan et après tout, on peut se laisse surprendre. Mais comment peut-on laisser pourrir une situation pendant une semaine? On avait l'impression que la marque se retrouvait comme un lapin pris dans les phares. C'est tout simplement la résultante de ce qu'est devenu le contenu des missions du community manager. Il peut se résumer à l'écriture des phrases magiques avec une recommandation: "svp pas de vague et à la moindre question, répondez que les prix sont sur le site et que l'équipe commerciale de la boutique la plus proche est à disposition". Le community manager n'a aucune responsabilité ni pouvoir. Chaque intervention est évaluée par douze personnes et on ressent presque l'interminable circuit de validation lorsqu'une photo est publiée ou un commentaire original est inséré.
De tels messages auraient dû provoquer une réaction immédiate:
Car quand on lit les échanges sur Instagram (cela fait longtemps que plus personne ne les suit sur Facebook), on se rend très vite compte que les discussions sur les comptes officiels ne vont pas plus loin que de la pure réorientation. Ce sont des opportunités gâchées. Des opportunités d'impliquer la communauté, de la faire vivre, de faire découvrir la marque sous un autre angle, d'apporter plus de substance au moment où les clients exigent du contenu et de la sincérité dans les produits. Mais pour cela, il faudrait que les marques mettent enfin les moyens dans le digital. Pas des moyens techniques. Mais des moyens humains.
Pourtant, une marque comme Vacheron Constantin avait il y a quelques années bien appréhendé le sujet en recrutant un collectionneur et une personnalité reconnue comme Alexandre Ghotbi en tant que community manager. Il était capable de le faire en ligne mais également en présentiel. C'était un vrai community manager car il savait animer la communauté des collectionneurs tout comme celle de simples visiteurs et curieux.
Depuis, malgré les beaux discours, j'ai l'impression d'observer un recul général du niveau. Heureusement certaines marques utilisent de vrais professionnels qui ont une passion pour l'horlogerie. Je pense notamment à Zenith, à Breitling. Mais c'est loin d'être le cas partout. Alors j'ai envie de demander aux marques: puisque vous affirmez que le digital est si important, pourquoi ne mettez vous pas vos actes en conformité avec vos paroles ?
En tout cas, l'incident d'il y a quelques jours aura permis de rappeler que l'horlogerie est un univers à part. Un univers de passionnés, de connaisseurs qui, à juste titre, ne laissent pas passer de telles énormités. Rien de pire pour une marque de ne plus faire ressentir cette passion, de balbutier son histoire et de donner l'impression de ne même plus être capable de maîtriser ses propres références. Et si c'était le moment de vraiment se donner les moyens de réussir sa stratégie digitale en faisant du community manager un vrai acteur et un rôle essentiel de cette stratégie? Par la même occasion, le temps ne serait-il pas venu de remettre de la passion et de l'intérêt pour l'horlogerie dans toutes les strates des entreprises et particulièrement dans les states supérieures?