L'Odysseus Datomatic en or gris est une des deux nouveautés présentées par Lange & Söhne en avril dans le cadre de Watches & Wonders 2020. La sortie d'une telle montre n'est guère surprenante. Si la première Odysseus Datomatic était la première montre en acier de la manufacture saxonne à rejoindre la collection permanente, personne ne s'attendait à ce que les suivantes fussent produites avec le même matériau. Le raisonnement est simple: l'acier doit rester exceptionnel dans le catalogue de la marque et si la montre inaugurale de la nouvelle ligne a profité de ce matériau, c'est bien justement parce qu'il s'agissait d'en faire un événement. Je n'ai évidemment pas de boule de cristal et je ne sais pas si d'autres Odysseus en acier seront produites. Mais j'ai la conviction qu'elles resteront dans tous les cas rares.
Ce qui est en revanche plus surprenant est que Lange & Söhne a profité de la présentation de la version en or gris pour proposer une autre finition de cadran. En effet, ce dernier n'a pas fait l'objet d'un simple changement de couleurs. Des détails ont été revus afin de créer une différence nette avec celui de la version en acier. C'est d'une certaine façon l'expression du souci du détail de la manufacture.
En termes de boîtier, d'organisation du cadran et de mouvement, l'Odysseus Datomatic en or gris est similaire à celle en acier. Je retrouve ainsi ce boîtier asymétrique d'un diamètre de 40,5mm dont la forme découle des fonctions. Ce sont les poussoirs latéraux qui servent à ajuster rapidement la date et le jour qui créent cette excroissance sur la droite du boîtier. J'aime beaucoup cette asymétrie qui donne beaucoup de caractère à la montre. De plus, le cadran étant symétrique, je pense que si le boîtier avait été lui aussi symétrique, l'ensemble aurait été trop consensuel, voire ennuyeux dans le contexte d'une montre qui se veut plus décontractée. L'objectif pour Lange & Söhne est de ne surtout pas donner l'impression que l'Odysseus Datomatic est une simple adaptation de modèles existants. Il est pleinement atteint: la montre incarne parfaitement le style de la marque tout en distinguant du reste du catalogue.
Les deux guichets apportent eux aussi leur singularité et, on ne l'évoque pas assez, j'apprécie beaucoup la taille du sous-cadran de la trotteuse qui occupe quasiment toute la zone inférieure du cadran: la preuve de l'utilisation d'un mouvement adapté au boîtier. Ce mouvement est le tout nouveau calibre L155.1 inauguré avec l'Odysseus Datomatic en acier. Il s'agit d'un calibre automatique à rotor central dont la réserve de marche n'est pas impressionnante (une cinquantaine d'heures) mais qui est compensée par une excellente efficacité au remontage que j'ai pu apprécier ces dernières semaines avec le modèle en acier au poignet. La présentation du mouvement, identique dans les deux versions, est adaptée à l'approche plus polyvalente de l'Odysseus Datomatic. La décoration et la qualité des finitions respectent les standards de Lange & Söhne mais le style plus sobre de la masse oscillante est bienvenu. En tout cas, j'apprécie que cette masse ait un segment périphérique en platine et que le pont du balancier soit à la fois traversant et asymétrique. Le diamètre propre du mouvement (32,9mm) fait qu'il occupe généreusement le boîtier ce qui est un bon point. J'aurais en revanche aimé que la platine centrale soit plus ouverte. A noter enfin que la fréquence du mouvement est de 4hz et il est le seul dans ce cas dans la famille de mouvement de Lange & Söhne.
L'Odysseus Datomatic en or gris se distingue de la version en acier par 3 éléments: la gamme de couleurs, la finition du cadran et l'utilisation d'un bracelet soit en cuir soit en caoutchouc. Pour les évoquer, je vais répondre à deux questions clé.
Entre l'Odysseus Datomatic en or gris et celle en acier, laquelle je préfère du point de vue esthétique?
J'ai eu la chance d'observer les deux montres côte à côte. Et je dois avouer que j'ai une légère préférence pour la version en or gris. J'aime beaucoup la palette de couleurs qui est utilisée dont la dominante est un gris sobre et élégant (le gris devient une couleur très tendance chez Lange & Söhne). De plus, la finition du cadran met en valeur cette couleur. On se retrouve dans une situation inverse de celle de la version en acier. Pour cette dernière, c'est la zone centrale du cadran qui propose un petit effet décoratif qui permet de créer un contraste avec la zone périphérique sur laquelle se trouvent les index. Avec la version en or gris, c'est l'inverse. La zone périphérique est décorée avec de fines stries que je trouve très raffinées et que l'on retrouve aussi autour de la trotteuse. L'ensemble m'est apparu plus élaboré (les stries apportent de jolis effets de relief) et il faut rendre hommage à Lange & Söhne d'avoir adapté cette approche décorative du cadran au matériau du boîtier. De plus, en fonction de la lumière, le gris peut prendre des teintes plus chaudes et j'ai été très agréablement surpris par la gamme de couleurs qui peut se manifester.
Le bracelet en cuir (je n'ai pas vu le bracelet caoutchouc) contribue évidemment lui aussi à l'élégance de l'ensemble même si son attache peut sembler un peu étrange. Les deux éléments centraux mordent sur le bracelet et personnellement je ne suis pas fan du point de vue esthétique que la pièce de bout ait été maintenue. Après, je comprends ce choix du point de vue pratique. Du fait de la forme des cornes, ce système permet de mieux positionner le bracelet et de le rendre plus flexible. Il prend d'ailleurs la même forme que le bracelet en acier et une fois au poignet, le rendu général de l'Odysseus Datomatic est très géométrique avec un excellent maintien. Par contre, il faut intégrer le fait qu'une fois la montre mise au poignet, il se crée un espace entre le bracelet et la pièce de bout qui personnellement ne me dérange pas mais qui peut surprendre.
De façon étonnante, Lange & Söhne a présenté deux références de son modèle en or gris selon le type de bracelet. J'ai la conviction que, compte tenu de l'esprit de la montre, son étanchéité de 120 mètres, il vaut mieux privilégier le bracelet caoutchouc ce qui en plus, rend la montre plus originale dans un contexte Lange.
En tout cas, j'ai été très séduit par la présentation du cadran de cette Odysseus en or gris et par ses teintes. Elle complète joliment le modèle acier en s'en distinguant nettement du point de vue esthétique.
Entre l'Odysseus Datomatic en or gris et celle en acier, laquelle est la plus pertinente?
Je suis l'heureux propriétaire de la version en acier. Je sais pertinemment que le bracelet de cette version a suscité beaucoup de commentaires, la plupart négatifs. Mais une chose est sûre: à l'usage il est très confortable et le système de réglage fin au niveau du fermoir est un vrai bonheur.
Après avoir vu l'Odysseus Datomatic en or gris, ma conviction est faite: si j'ai une préférence esthétique pour le dernier modèle, je trouve que l'Odysseus Datomatic prend tout son sens dans la version en acier et avec son bracelet. Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d'abord la volonté de Lange & Söhne était de faire une montre polyvalente et l'acier est un matériau bien plus adapté. L'étanchéité de 120 mètres invite à en profiter y compris dans l'eau et cela élimine d'une certaine façon le bracelet cuir. De plus, le réglage fin du bracelet n'est pas un gadget. Il permet de porter la montre avec un confort optimal. L'Odysseus Datomatic en or gris est livrée avec une simple boucle ardillon. Et puis le fait que le bracelet acier soit esthétiquement clivant a une vertu: il contribue à l'identité et au caractère de la montre.
Enfin, je ne sais pas quelle sera la stratégie de vente de Lange & Söhne concernant la version en or gris. Mais le fait que la version en acier soit réservée en priorité aux fidèles clients de la marque la rend plus inaccessible et donc... plus désirable. Ainsi est faite la nature humaine. De toutes les façons, dans une logique de collection, l'Odysseus en acier coche beaucoup de cases: première avec un mouvement à 4hz, première en acier à rejoindre la collection permanente... elle me semble être la version la plus logique. Donc, du point de vue de l'usage et de celui de la collection, l'Odysseus en acier est plus pertinente. Elle n'a surtout pas d'équivalent dans le catalogue alors que l'Odysseus en or gris peut être mise dans la balance avec d'autres modèles en métal précieux.
Il n'en demeure pas moins que l'Odysseus en or gris est une très belle montre. J'ai été séduit par son exécution, son cadran, ses couleurs, sa présentation raffinée. Mais finalement ses qualités peuvent devenir un défaut: elles la remettent dans une position plus habituelle de montre en métal précieux, certes décontractée mais "de ville" alors que la version en acier est à la fois plus singulière, plus polyvalente et plus fidèle à l'ambition de départ. L'écart de prix est aussi un élément à prendre en compte (10.000 euros entre les deux versions). En tout cas, il faut souligner que Lange & Söhne a veillé à adapter le style de chaque montre au matériau utilisé ce qui est appréciable.
Les plus:
+ la présentation du cadran
+ l'efficacité au remontage du mouvement
+ la qualité générale des finitions
Les moins:
- l'intégration esthétique du bracelet cuir
- deux références (bracelet cuir et bracelet caoutchouc): il n'aurait pas été plus simple de fournir deux bracelets avec une montre ?