L'actualité récente de Tag Heuer est marquée par la nomination de Frédéric Arnault en tant que PDG de la marque. Cette nomination a évidemment suscité de très nombreux commentaires du fait du jeune âge de l'intéressé et de son statut familial. Je la considère personnellement comme une excellente nouvelle pour Tag Heuer. D'abord elle met la marque sous les feux des projecteurs au sein de LVMH. Ensuite, la jeunesse n'est pas un handicap: l'industrie horlogère a besoin de se renouveler et osons le dire, manque cruellement de talents au sein des gros acteurs. Parce qu'il faut regarder la réalité en face: qui aujourd'hui pourrait devenir le Jean-Claude Biver de demain ? Un manager charismatique avec une vision, une stratégie lisible et qui sait dérouler un plan avec des objectifs de courts, moyens et longs termes? Je cherche, je ne trouve pas.
Cela s'explique très simplement: le secteur n'attire plus. Les perspectives sont délicates, le vrai sujet du renouvellement de la clientèle n'a pas vraiment été abordé, la concentration géographique demeure (ce qui est un risque opérationnel fort) et de plus, les jeunes diplômés ont de moins en moins envie de travailler dans les grands groupes préférant des projets plus porteurs de sens et en phase avec les thèmes sociétaux d'aujourd'hui (et sur ce point, l'horlogerie est restée très en retard).
Bien évidemment que la nomination de Frédéric Arnault s'inscrit à la fois dans une perspective de développement de ses compétences et dans une logique de préparation de succession pour qu'un jour il puisse accéder aux plus hautes fonctions au sein de LVMH. Mais il s'agit au bout du compte d'une formidable opportunité pour Tag Heuer.
Tout d'abord Frédéric Arnault est X2014 et je pense qu'une formation d'ingénieur est adaptée pour évoluer dans le contexte d'une maison horlogère. Après tout le métier de base reste la micro-mécanique. Nous le savons bien, les diplômes ne suffisent pas pour garantir le succès. C'est la raison pour laquelle cette nomination a été préparée depuis plusieurs mois, permettant ainsi à Frédéric Arnault de piloter l'activité des montres connectées dont le lancement du dernier modèle. Il eut aussi l'occasion de se former auprès de Stéphane Bianchi pendant cette période, ce dernier devenant PDG de la division Montres et Joaillerie de LVMH.
Ensuite, la marque a de nombreux projets et cherche à retrouver une dynamique significative de croissance après une année 2019 que l'on qualifiera de transition. Le lancement difficile de l'Autavia Automatique a cependant pu être un peu occulté par la célébration de l'anniversaire de la Monaco mais incontestablement l'année 2020 doit être celle qui prépare le rebond. Le timing est donc idéal et la marque aura besoin de l'énergie de son jeune patron.
Enfin, Frédéric Arnault pourra compter sur une équipe recomposée et d'expérience (je pense notamment à Carole Forestier-Kasapi ou Franck Touzau) pour l'accompagner dans ses nouveaux défis.
Je suis donc très curieux de connaître les futurs projets de Tag Heuer et d'appréhender l'influence de Frédéric Arnault sur la destinée de la marque. J'ai la conviction que Tag Heuer a un potentiel très fort car il s'agit d'un nom très connu dans le monde entier avec des modèles phare. Les prochaines années vont donc être déterminantes. La tâche qui incombe à Frédéric Arnault est loin d'être simple dans un marché difficile et fragilisé mais cela constitue pour lui une très grande opportunité de se révéler: c'est dans la difficulté que les meilleurs talents peuvent s'exprimer. Il a bien conscience qu'en tant que pianiste émérite, il ne devra pas se contenter de suivre la partition, il faudra savoir aussi composer et improviser.