L'ouverture de la boutique Grand Seiko située sur la Place Vendôme à Paris est un événement important pour la marque. C'est la raison pour laquelle elle se devait de la célébrer dignement en y consacrant une série limitée comportant des références à cette adresse prestigieuse.
Grand Seiko a choisi sans surprise une méthode japonaise: subtile et efficace. Subtile parce que les deux pièces qui constituent cette série limitée ne sont pas une bête reprise d'une montre existante avec juste une gravure à l'arrière du boîtier ou un changement de couleur de cadran. Efficace parce que l'approche utilisée fonctionne joliment.
En fait, tout se joue au niveau de la texture du cadran. Le fond lisse laisse sa place à un motif inspiré des pavés parisiens qui se propage depuis le centre de la montre. Ce motif est intéressant car il tire profit de la forme convexe du cadran qui amplifie l'effet rayonnant. En tout cas, il apporte une touche raffinée à la montre et la rend plus habillée, plus élaborée tout en restant discret. L'autre détail particulier, qui est encore plus délicat, presque invisible, est la couleur de la trotteuse qui reprend celle de la Colonne Vendôme, le fameux vert-de-gris. Là également, cette petite touche de couleur donne du cachet au cadran sans le dénaturer.
Les deux montres de la série limitée sont disponibles en platine ou en or rose en 10 exemplaires chacune. Elles ont été crées à partir des nouveaux modèles de la collection Elégance présentés en 2019 et animés par le mouvement à remontage manuel 9S63. Ce dernier est un nouveau calibre qui propose une petite seconde à 9 heures et un indicateur de réserve de marche à 3 heures. Cet indicateur est utile compte tenu de la réserve de marche de 72 heures. La présentation du modèle est fidèle au style Grand Seiko: c'est très propre, très soigné et cela respire le sérieux. Le remontage est d'ailleurs très agréable mais j'aurais aimé que les Japonais soient plus audacieux non pas dans la décoration du mouvement qui est irréprochable mais dans la découpe des ponts afin de proposer une architecture plus ouverte. Le pont principal recouvre quasiment l'ensemble du mouvement et c'est un peu dommage. D'un autre côté ce pont nous permet d'apprécier la parfaite exécution des Côtes "de Genève". La précision du mouvement est annoncée dans une plage de -3 à +5 secondes par jour en position statique et dans une plage de -1 à +10 secondes par jour en condition d'utilisation normale. Modestie, excès de prudence? Voici une façon toute japonaise de présenter les choses... certains ne se seraient pas gênés de n'évoquer que la première plage!
L'organisation du cadran est séduisante. D'abord, il s'agit de montres sans date ce qui a toujours ma préférence. Ensuite il existe une très légère asymétrie entre les deux axes des aiguilles des complications: celui de l'aiguille de l'affichage de la réserve de marche est plus proche du centre de la montre que celui de la trotteuse. Cette asymétrie dynamise légèrement le cadran en le rendant moins rigide esthétiquement parlant. Enfin, comme évoqué précédemment, la forme convexe du cadran lui donne du volume et de la personnalité. Les index appliqués jouent aussi un rôle important: ils contribuent à la qualité perçue grâce à leurs effets de relief et ils rééquilibrent visuellement le tout. Sinon la trotteuse et l'affichage de la réserve de marche auraient été trop proches du centre de la montre. Ils sont réalisés en or massif comme l'indique l'étoile à 8 branches sur le cadran.
Les deux montres de la série limitée tout comme les différentes références de ces modèles de la collection Elégance à remontage manuel offrent un design cohérent et abouti. J'aime beaucoup la façon avec laquelle le verre saphir, lui aussi bombé, accompagne les formes du cadran et du boîtier. Il se dégage de l'ensemble un style galbé, tout en rondeur, très agréable, contemporain et presque apaisant. Les cornes sont superbes et l'intégration de la couronne dans la carrure est très joliment réalisée. Enfin, les aiguille Dauphine se marient harmonieusement avec les index.
Le diamètre du boîtier est de 39mm pour une épaisseur de 11,6mm. Les montres sont donc bien proportionnées, ni extra plates, ni épaisses. Cependant, le galbe général et la forme des cornes donnent un style élancé et élégant. Elles ont même tendance à apparaître plus grandes qu'elles ne sont. Entre les deux versions j'ai une préférence pour la version platine et ses couleurs neutres. La version en or rose est également très réussie, soulignant plus nettement la forme du boîtier. L'écart de prix entre les deux versions est cependant significatif puisque la version platine avec son prix de 38.000 euros coûte 10.000 euros de plus que celle en or rose.
En tout cas, cette série limitée constitue une jolie manière de lancer sur de bons rails l'activité de la boutique. Grâce à leurs cadrans, les deux montres renouvellent avec classe ces références de la collection Elégance et j'ai apprécié de découvrir ces clins d'oeil discrets et raffinés à Paris sur des pièces résolument japonaises. Mon regret est qu'il n'existe pas une version en acier qui aurait pu intéresser plus largement une clientèle française grâce à un prix plus abordable.
Les plus:
+ la finition des cadrans
+ l'esthétique galbée de l'ensemble
+ les 3 jours de réserve de marche du mouvement
+ la petite touche parisienne discrète et raffinée
Les moins:
- l'architecture fermée du mouvement
- dommage qu'il n'y ait pas une version en acier à un tarif plus abordable pour intéresser la clientèle locale