Van Bricht: Old Mind

Et si la Belgique devenait un pays qui compte dans le monde horloger? On peut légitimement poser la question puisque des professionnels belges se distinguent depuis de nombreuses années et ce dans des segments très différents. On pense évidemment à Ressence, à Ice-Watch... sans oublier les horlogers belges de talent qui travaillent au sein des marques. J'ai la conviction que l'influence belge ne cesse de grandir et ma rencontre récente avec Bernard Van Ormelingen ne fait que confirmer ce sentiment.


Bernard Van Ormelingen et Sébastien Lambricht sont deux jeunes horlogers qui se sont connus il y a plus de 7 ans à l'Ecole d'Horlogerie de Namur. Après avoir étudié ensemble, ils ont par la suite développé leurs projets professionnels. Sébastien Lambricht est devenu chef d'atelier chez Ressence, gérant le prototypage tandis que Bernard Van Ormelingen possède une société nommée Bernies qui crée des cadrans guillochés sur mesure. Et puis, quand on a du talent, on a envie de l'exprimer: c'est la raison pour laquelle ils décidèrent il y a un peu plus d'un an de lancer leur propre société afin de pouvoir présenter leur première montre commune. Cette société s'appelle Van Bricht, une sorte de contraction des noms des deux fondateurs. Finalement, la montre qu'ils ont développée ensemble procède de la même logique. Elle est l'aboutissement de la mise en commun de leurs spécialités et forces respectives. L'objectif poursuivi était de proposer une montre de haut niveau, en acier, pouvant être portée sans souci au quotidien et mettant en valeur leur passion pour l'horlogerie et leurs connaissances apprises sur le banc de l'Ecole. Ils peuvent être fiers du résultat puisqu'incontestablement, ils sont parvenus à concrétiser leur ambition.  


Cette première montre porte le nom d'Old Mind. Compte tenu de leur parcours et de leur lieu de rencontre, j'aurais presque préféré qu'elle s'appelât Old School. Mais la connotation aurait peut-être été trop négative. En tout cas, le sens du message est clair: l'Old Mind est une montre conçue et décorée selon les principes de l'horlogerie traditionnelle. Du point de vue esthétique, la montre n'offre guère de surprise. Son style est classique et le cadran se veut extrêmement simple dans sa présentation: le nom de la marque est inscrit au sommet, les mots "tourbillon" et "guilloché main" se trouvent discrètement à la base et pour le reste, le cadran ne propose ni chiffre ni inscription supplémentaire. La raison est simple: le but était de mettre en valeur le travail de guillochage et le tourbillon. Il est pleinement atteint.


La montre que j'ai eu l'occasion de voir proposait un motif de guillochage en vagues, créant une sorte de dynamique et d'effet moiré autour de l'ouverture du tourbillon (un cadran en grains d'orge est aussi disponible). J'ai beaucoup aimé ce travail qui apporte la preuve des capacités de la société de Bernard Van Ormelingen. Le motif décore ainsi joliment et efficacement le cadran en argent massif blanchi et lui donne un caractère très lumineux. La lecture du temps est aisée grâce à la graduation périphérique des minutes composée de points et d'index appliqués. Ces index en maillechort poli et rhodié apportent du volume sur le cadran et contribuent à la qualité perçue. La graduation par points est également utilisée autour du tourbillon qui embarque une trotteuse. Cela renforce la cohérence esthétique de l'ensemble.

L'ouverture sur le tourbillon est impressionnante: elle occupe toute la zone comprise entre l'axe des aiguilles et la graduation périphérique. Cette ouverture généreuse est pour moi très appréciable: elle permet au tourbillon de respirer (je n'aime pas les montres où j'ai le sentiment que les tourbillons sont "coincés"), de nous faire profiter pleinement des révolutions de la cage et d'observer le travail de finition effectué.


Le mouvement qui anime l'Old Mind n'est pas un calibre maison. Il s'agit du mouvement T02 en provenance de BCP Tourbillons et je suis très heureux que les deux jeunes horlogers belges aient fait ce choix car je considère ce calibre tourbillon comme un des plus intéressants du marché. Certes, ce n'est pas le plus plat, ni le plus rapide ni le plus léger. Mais la volonté d'Olivier Mory, son créateur, a été de concevoir un calibre rationnel, fiable, pratique et résistant au quotidien... en d'autres termes, un calibre correspondant parfaitement à l'objectif poursuivi avec l'Old Mind. Même s'il ne fait pas partie de la catégorie des tourbillons exceptionnels (il s'agit d'un tourbillon classique dont la cage effectue une révolution complète en 60 secondes), le mouvement T02 n'en possède pas moins des caractéristiques et performances excellentes: une fabrication entièrement faite en Suisse, près de 110 heures de réserve de marche pour une fréquence de 3hz, une résistance aux chocs de plus de 5.000G, des finitions de base tout à fait correctes et des assortiments de qualité comme par exemple le balancier à inertie variable de chez Atokalpa. De plus, le mouvement est à la base réglé avec un intervalle de précision de -2/+6 secondes. Bref, un moteur idéal pour l'Old Mind.


Le mouvement T02 a été livré dans sa version de base avec la simple découpe des ponts. Puis Bernard Van Ormelingen et Sébastien Lambricht ont retravaillé les éléments (en dehors des rouages et de la cage) pour que le contexte décoratif du mouvement corresponde à l'ambition poursuivie. Le résultat est à la hauteur et j'aime beaucoup la finition des ponts au martelage à la fourchette qui donne ce rendu si particulier. Le style décoratif côté mouvement est en tout cas cohérent avec la présentation du cadran: c'est sobre et c'est exécuté avec beaucoup de soin.

Cependant, je formulerais les mêmes reproches des deux côtés de la montre: peut-être un peu prisonniers de leur volonté d'incarner une approche traditionnelle, les deux horlogers ont rendu une copie d'élèves doués mais sages. L'ensemble respire la qualité mais cela manque toutefois de folie. Côté mouvement, j'aurais par exemple aimé des découpes de ponts plus prononcées, plus d'ouverture, plus d'angles rentrants. Côté cadran, j'aurais apprécié plus d'audace dans le design mais je dois avouer que la double animation en provenance du tourbillon et des reflets de lumière générées par le guillochage est très séduisante.


Quoi qu'il en soit, l'Old Mind est une montre très agréable à porter. Ses dimensions sont raisonnables et équilibrées (un diamètre de 40mm pour une épaisseur de 10,6mm) et le boîtier en acier, classique mais exclusif est à la fois confortable et élégant. La forme longue et incurvée des cornes donne un style élancé. Le verre saphir qui englobe presque entièrement le diamètre de la montre et les aiguilles en finition polie miroir renforcent la dimension lumineuse du cadran. Car au bout du compte, je ne retiendrais qu'un seul adjectif pour qualifier cette montre: elle est lumineuse car elle saisit de façon incroyable la lumière et elle parvient à jouer avec.

Alors, certes, comme je l'ai exprimé précédemment, j'aurais aimé que le duo belge soit plus audacieux et plus rock n'roll. Mais après tout, cette montre respire la sincérité et n'est que le résultat de l'expression de leurs passion et de leur conception de l'horlogerie traditionnelle. Le prix de 45.000 euros HT peut être perçu comme élevé dans ce contexte classique. Mais la qualité de l'exécution de l'ensemble et le fait d'être dans une toute petite série (25 montres seront produites) peuvent le justifier. A noter que le motif du cadran peut être personnalisé à la demande... c'est un des atouts proposés par la société de Bernard Van Ormelingen!


 Les plus:
+ la finition du cadran
+ les performances du calibre T02
+ la finition au martelage à la fourchette
+ une montre équilibrée et lumineuse

Les moins:
- j'aurais aimé plus d'ambition dans la présentation du mouvement, notamment dans la découpe des ponts
- un peu plus d'audace esthétique côté cadran n'aurait pas nui non plus