Cela faisait longtemps que j'avais envie d'écrire sur une montre Ming. Tout simplement parce que j'aime beaucoup le projet développé par Ming Thein et ses 5 acolytes. Ming Thein est un photographe et designer basé à Kuala Lumpur qui possède grâce à son parcours professionnel une grande expérience managériale et de consultant. Et c'est avant tout en tant que passionné d'horlogerie et collectionneur qu'il a eu l'ambition de créer sa propre marque. Son objectif était simple: développer des montres qu'il aurait envie d'avoir dans sa collection personnelle. Ming Thein connaît évidemment très bien l'industrie horlogère mais il a su conserver une certaine distance. C'est un point fondamental qui lui permet, à travers sa démarche, d'apporter des idées neuves et d'être à l'abri, d'une certaine façon, de quelques mauvais réflexes.
Je me permets d'insister sur la notion de marque. Car Ming Thein a bel et bien créé une marque et pas une succession de montres. Il existe en effet une cohérence et un fil conducteur. Depuis 2017, la marque Ming a proposé différents modèles articulés autour de deux lignes: 17 et 19 qui correspondent à deux segments distincts. Le projet Ming a débuté en août 2017 avec le modèle 17.01 animé par un calibre Sellita SW210 et proposé à un prix en dessous de 1.000 dollars. La ligne 19 fut introduite quelques mois plus tard avec le modèle 19.01 qui lui s'inscrivait dans une approche beaucoup plus haut de gamme comme le prouve l'utilisation d'un calibre plus exclusif et performant, une version spéciale du mouvement MSE100 de Schwarz-Etienne. Le prix était évidemment ajusté en fonction, se situant autour de 6.900 CHF lors de la période de lancement et étant fixé dorénavant à 7.900 CHF. Un tel écart peut surprendre mais je trouve que Ming Thein a su éviter les écueils de la montée en gamme. Tout d'abord, la marque a distillé lors de ces deux années des montres dans la ligne 17 et ainsi conservé des prix d'appel. Et le plus important est préservé: chaque montre Ming offre toujours le même souci du détail et une approche esthétique à la fois contemporaine et intemporelle quel que soit son prix.
La Ming 19.02 s'inscrit dans la lignée de la 19.01. Elle est très proche esthétiquement de sa devancière (si ce n'est une épaisseur légèrement supérieure), ce qui explique d'ailleurs en grande partie sa réussite. En fait, la 19.02 intègre une complication, celle des heures universelles (Worldtimer) qui permet d'afficher l'heure en cours sur 24 fuseaux et de façon instantanée. La complication s'insère tout en discrétion et pourtant elle est bien présente sur le cadran grâce aux 24 codes IATA des aéroports correspondants. Ces 24 codes dessinent un cercle qui entoure le disque central des heures. L'approche, comme toujours chez Ming, est volontairement minimaliste et très pure et pourtant, il se dégage de la montre beaucoup de dynamisme. Cela s'explique d'abord par les effets de relief. Ming joue avec le verre et les niveaux sur lesquels sont positionnés les inscriptions. Les segments périphériques de 10 minutes apparaissent au premier plan, puis viennent les aiguilles suivies par les inscriptions liées à la complication et enfin la zone extérieure du mouvement côté cadran se distingue en arrière plan. La montre offre ainsi une belle sensation de profondeur très convaincante.
L'autre élément qui explique la dynamique de l'ensemble est l'esthétique très contemporaine et maîtrisée. La police de caractère, la forme des aiguilles et les fameux segments périphériques définissent un style original, très actuel mais sans exubérance. J'ai la conviction que ce design de cadran vieillira très bien puisque l'organisation du cadran reste classique et qu'il n'y aucun élément loufoque.
Il faut revenir sur les segments périphériques. Ils expriment une idée très importante du style Ming. La lecture du temps se fait par la position des aiguilles, sans l'aide d'index des minutes. Les segments apportent une aide mais Ming fait plus confiance à notre cerveau pour la lecture précise des minutes. C'est un bon calcul, les segments sont finalement suffisants et contribuent à la pureté du cadran.
J'ai évoqué la dynamique du cadran. Mais il est important de bien souligner que la Ming 19.02 ne possède aucune trotteuse. C'est un détail qui ne me gêne pas et qui me rappelle les différentes Patek à Heures Universelles. L'absence de trotteuse contribue au design très pur mais je conçois tout à fait que certains préfèrent un indicateur de marche côté cadran.
En revanche, ce qui sépare la Ming 19.02 d'une montre Patek est le traitement propre de la complication. Chez Patek, les disques des heures et des villes sont mobiles et indépendants selon le principe, simple et ingénieux de Louis Cottier. Une pression sur le poussoir pour changer de fuseau et tout se cale automatiquement. Le disque des villes est fixe chez Ming ce qui nécessite plus de manipulation si on veut afficher l'heure locale via les deux aiguilles principales.
Ce qui me surprend le plus avec cette montre Ming, c'est le soin apporté à chaque élément, à chaque détail. Car si le cadran est séduisant, le boîtier et le mouvement sont véritablement envoutants. Rien n'est laissé au hasard et il se dégage de l'ensemble une grande cohérence qualitative et esthétique.
Le boîtier en titane, d'un diamètre de 39mm, semble simple de prime abord. Mais ce qui fait la différence est l'intégration et la forme des cornes. Ces dernières sont courtes, incurvées et apportent beaucoup de caractère en réinterprétant, d'une certaine façon, les cornes surprenantes de type cornes de vache. Elles sont à la fois anguleuses et douces et prolongent avec style la carrure du boîtier. Je les positionne parmi les plus belles cornes de l'offre horlogère actuelle. Et comme le boîtier possède également de jolies alternances entre parties polies et brossées, je ne pus qu'être séduit.
Le mouvement parachève l'ouvrage. La Ming 19.02 est en effet équipée d'un calibre Schwarz-Etienne ASE220.1 adapté spécifiquement à ses besoins. Tout d'abord, le calibre est à la base excellent et fait partie des mouvements de très haut niveau disponibles à l'achat. Il s'agit d'un calibre automatique à micro-rotor qui surprend par l'efficacité de son remontage bidirectionnel (le micro-rotor a une masse en tungstène) et qui offre une réserve de marche intéressante de 70 heures. En soi, il s'agit déjà d'un joli mouvement qui présente une architecture attrayante. Mais la version pour Ming va bien au-delà. Elle offre un squelettage partiel et une décoration raffinée des ponts. Le résultat est spectaculaire tout en évitant le baroque ou le rococo. Les ouvertures dans les ponts permettent d'alléger visuellement l'ensemble et de créer de très beaux effets de profondeur. 3 éléments mobiles se distinguent nettement: l'organe réglant, la masse du micro-rotor et le barillet. Le fait que ce dernier soit ouvert permet indirectement d'estimer la réserve de marche. La couleur dominante due à un revêtement en or rose et la qualité de la finition des ponts donnent une dimension chaleureuse et élégante comme une sorte d'hommage à l'horlogerie classique. J'ai beaucoup aimé ce contraste stylistique entre le cadran et le mouvement... et pourtant, comme précisé plus tôt, tout reste cohérent.
Le test au porter ne fait que confirmer ces excellentes impressions. La taille est idéale. Les 39mm sont suffisamment grands pour que la complication demeure lisible tout en préservant l'élégance de la montre. Sa taille perçue est légèrement supérieure du fait de l'impact visuel des cornes. Le boîtier en titane se pose fermement sur le poignet et sa légèreté accentue la sensation de confort. Son épaisseur de 11,2mm me semble bien dosé. Ni trop fine, ni trop épaisse, la Ming 19.02 est harmonieuse.
Je n'ai donc aucune hésitation: avec la 19.02, Ming marque un grand coup. Cette réalisation est superbe, aboutie et séduisante. Et surtout elle se distingue de ce que l'on peut voir par ailleurs. Il y a une sorte d'atmosphère contemporaine, pure et élégante qui se dégage irrésistiblement. qui ne fait que confirmer tout le talent de l'équipe Ming. C'est une montre que j'aurais aimé voir chez certaines grandes marques car elle est à la fois audacieuse et maîtrisée. Mais sont-elles capables aujourd'hui de créer de telles pièces ? Il n'y a finalement aucune surprise à ce qu'elle soit l'oeuvre d'une jeune marque indépendante et libre. Et pour ne rien gâcher, la Ming 19.02 est disponible à un prix de CHF 10.900 si le paiement est effectué par virement. Je trouve ce prix bien fixé compte tenu de la qualité de l'exécution et du mouvement. Certes le prix d'appel était inférieur mais il fallait savoir saisir les opportunités et être parmi les premiers à prendre commande.
Les plus:
+ une superbe réalisation esthétique
+ des proportions harmonieuses
+ un mouvement beau et performant
+ un prix que je trouve cohérent
Les moins:
- l'absence de trotteuse peut gêner ceux qui aiment avoir un indicateur de marche côté cadran
- le système des heures universelles n'est pas celui de Louis Cottier que je considère comme étant le plus pratique