Karoshi: K-011/OS-01

La semaine du SIHH réserve toujours des surprises. De nombreuses marques et des créateurs indépendants profitent de la présence de la communauté horlogère à Genève pour organiser des présentations à la marge de l'événement. Et certaines de ces nouveautés sortent véritablement du lot par leur audace ou leur intérêt technique. Une des montres qui m'ont le plus plu dans ce cadre est la K-011/OS-01 (désolé pour ce nom un peu compliqué)  en provenance de la jeune marque Karoshi que j'ai eu la chance de découvrir au sein l'exposition Barton 7 dédiée à l'horlogerie indépendante.


Malgré ce nom à consonance japonaise, Karoshi est bel et bien un projet genevois avec à sa tête le designer Stéphane Lacroix-Gachet. Mais alors, pourquoi un tel nom? Tout simplement parce qu'il signifie "mort par overdose de travail" (un mot qui ne pouvait être créé qu'au Pays du Soleil Levant!) et que sa définition a été légèrement adaptée aux spécificités d'une jeune marque horlogère. Plutôt que de parler d'overdose de travail, Stéphane Lacroix-Gachet préfère évoquer une quête passionnée et la volonté d'aller jusqu'au bout de ses idées avec le souci du travail bien fait. En d'autres termes, il n'y a rien de sinistre dans la démarche même si quelques discrètes têtes de mort se retrouvent sur la montre ici et là... On est bien au contraire dans une démarche positive et énergique qui propose en plus de belles animations de cadran. Un vrai Karoshi optimiste et stimulant!


Si je vous dis que la montre propose un tourbillon à basse fréquence (2,5hz) avec une seconde morte, vous pensez immédiatement à des montres classiques (comme par exemple le Tourbillon Souverain de François-Paul Journe), bien dans la tradition horlogère. Et pourtant, la K-011/OS-01 se situe aux antipodes esthétiques de cette horlogerie. Je dois saluer l'approche de Stéphane Lacroix-Gachet: comme il l'a promis, il est allé au bout de ses idées. Prenons juste un exemple: le boîtier en titane possède un diamètre de 50mm. Mais il y a une excellente raison à cela. Tout simplement la platine du mouvement fait 48mm de diamètre. J'ai d'ailleurs du mal à l'appeler "platine". Il s'agirait plutôt d'une structure tri-dimensionnelle car elle fait aussi office de carrure du boîtier. 

Ce qui m'a le plus surpris avec la K-011/OS-01 est le jeu de lumière. La montre offre de multiples effets de transparence et semble être baignée de lumière. C'est dû à l'absence d'un véritable cadran puisqu'en dehors de la minuterie périphérique, notre regard plonge directement sur le mouvement. Si la montre est grande par la taille, elle semble au contraire extrêmement légère du point de vue visuel. La lumière comme évoqué, le traitement anti-reflet double-face du verre à la forme adaptée qui offre une lisibilité optimale, les effets de volume et de profondeur, le rendu technique et contemporain, tous ces détails contribuent à la réussite esthétique et à cette sensation générale de fluidité.


Le point fort du rendu visuel se trouve cependant dans le contraste entre le comportement régulier et envoûtant du grand tourbillon qui occupe toute la zone inférieure, la révolution constante et saccadée de la trotteuse à 9 heures et le mouvement irrégulier du micro-rotor en platine au sommet. La K-011/OS-01 est à l'opposé d'une montre inerte!

Le traitement esthétique est contemporain et réalisé avec soin. La couleur dominante grise offre un rendu monochrome que j'ai trouvé raffiné. Il y a heureusement suffisamment de variations d'intensité et de couleurs pour profiter des éléments clé du mouvement. Les ponts en titane mettent en valeur les éléments mobiles et c'est un vrai régal que d'apprécier tous ces détails. Quant à la tête de mort, symbole de la marque, sa représentation est pour moi idéale. Elle est à la fois contemporaine (elle me fait penser à des jeux vidéos des années 80/90), graphique et absolument pas triste. A aucun moment, je ne me suis senti face à une sorte de memento mori! Enfin, a lecture de l'heure est aisée, les deux aiguilles dauphine possèdent la taille adéquate pour obtenir une lisibilité satisfaisante compte tenu de la complexité de ce qui se passe derrière.


L'arrière de la montre est dans la même mouvance esthétique. J'ai trouvé le résultat encore plus impressionnant car les roues, rouages, engrenages et ponts dessinent une sorte de dentelle horlogère raffinée et séduisante qui occupe la quasi totalité de l'espace. 

La K-011/OS-01 n'est pas seulement une réussite esthétique. Elle est également une réussite technique. Le mouvement a été développé et construit avec Le Cercle des Horlogers SA. Ce mouvement possède donc une construction tout en volume avec les 3 éléments clé qui se distinguent nettement: le tourbillon imposant (la cage est de 19mm pour accueillir le balancier de 14mm de diamètre), la seconde morte et le micro-rotor. Le mouvement possède un remontage automatique de type Pellaton.  La réserve de marche est de 50 heures. C'est un peu court selon les standards actuels, surtout avec une fréquence basse. Mais il faut considérer les tailles de la cage et du balancier et l'énergie requise. J'ai en tout cas apprécié l'insertion discrète du barillet qui demeure peu visible et le traitement de la seconde morte séquentielle. Tout se passe derrière la trotteuse et le ballet précis des roues est fascinant à observer.


J'ai évoqué la légèreté visuelle de la K-011/OS-01. Elle est également légère au sens premier du terme. Grâce aux éléments en titane, à l'architecture intelligente, le poids total de la montre est de 64g ce qui est très raisonnable pour une montre de 50mm. Elle est aussi confortable et agréable à porter grâce à un bracelet en caoutchouc en une pièce qui sert également de protection de carrure. A noter qu'un bracelet cuir est aussi disponible. Une remarque cependant: compte tenu de sa forme particulière, même s'il maintient parfaitement la montre, il ne plonge pas directement autour du poignet et un espace se crée entre ce dernier et le bracelet à côté du boîtier. Je n'ai pas aimé esthétiquement ce détail. En revanche, j'ai adoré le fermoir de la boucle déployante qui reprend le logo de la marque! Et une fois de plus cette tête de mort m'est apparue comme fun et énergique!

La K-011/OS-01 m'a ainsi beaucoup plu. Pour une raison très simple: Stéphane Lacroix-Gachet a opté pour une démarche sans compromis. La montre ne laisse pas indifférent et c'est ce qui fait sa force. Sa grande taille est cohérente avec le mouvement et le design abouti la rend beaucoup plus légère et portable. Cette montre est disponible dans le cadre d'une série limitée de 99 pièces. Alors tout ce que je souhaite à Stéphane Lacroix-Gachet, c'est d'échapper au karoshi et de ne pas mourir à la tâche car j'espère pouvoir découvrir la suite de l'aventure qui s'annonce très prometteuse.


Les plus:
+ une réussite esthétique magnifiée par le jeu de lumière
+ la taille du tourbillon
+ la basse fréquence, agréable à la vue et aux oreilles
+ le confort au porter malgré la taille

Les moins:
- la réserve de marche, un peu courte selon les standards actuels
- la forme du bracelet qui crée un espace avec le poignet aux extrémités du boîtier