Je me pose cette question en découvrant ce que Moritz Grossmann a présenté hier: une pièce unique qui célèbre la rencontre entre Donald Trump et Kim Jong-un. Alors, évidemment, tout le monde sait bien qu'il faut faire parler de sa marque, surtout lorsqu'on est une manufacture à l'exposition limitée. C'est un peu le principe utilisé par Moser et ses talking pieces. Mais Moser parvient toujours à se raccrocher d'une certaine façon à sa mission, sa vocation, notamment en mettant en avant le Swiss-Made.
Pour Moritz Grossmann, en dehors du fait que cette montre va forcément générer des réactions tranchées, j'ai du mal à voir le lien qu'elle crée avec les caractéristiques profondes de la marque. Elle ne met pas en avant un métier d'art, un savoir-faire. Elle ne souligne pas la spécificité allemande. Elle n'est même pas drôle car son exécution est finalement très convenue. Ce sont les deux personnages qui créent la polémique, pas la montre en elle-même. Alors même si la montre met Moritz Grossmann sous les feux des projecteurs, j'ai peur que cette visibilité accrue ne soit qu'éphémère. Et l'impact sur un plus long terme peut être négatif. Que va penser le client traditionnel de la marque en découvrant une telle montre? Il peut certes la considérer comme anecdotique et l'oublier aussi vite. Mais il peut aussi la garder dans un coin de sa tête et qualifier la marque, capable pourtant de très belles pièces, d'opportuniste. Et l'opportunisme est un trait de caractère qui va à l'encontre du principe de pérennité qui est si apprécié. L'opportunisme, dans le petit monde horloger peut être plus perçu comme un signe de fébrilité qu'une véritable force. Ici, Moritz Grossmann ne saisit pas une occasion pour se renforcer, pour innover. Moritz Grossman utilise un événément (qui en plus s'est achevé en eau de boudin) pour exister pendant 24 heures sur Instagram. C'est de l'opportunisme sans lendemain, autrement dit un feu de paille.
Hélas, la rencontre n'a débouché sur aucun accord:
C'est la raison pour laquelle il faut toujours être prudent avec ce type de communication. La véritable audace doit être valorisée. L'opportunisme peut être une vertu s'il débouche sur un impact dans la durée. Sinon le risque pour une marque qui abuse de ce genre d'artifice est d'apparaître comme superficielle, sans consistance et éphémère, tout comme les produits qu'elle présente. Moritz Grossmann mérite mieux car le potentiel de la manufacture est réel.
Alors tout buzz est-il bon à prendre? Non certes pas. La tentation est forte pour certaines marques d'exister médiatiquement dans un monde écrasé par les leaders du marché et les grands groupes. Il faut au bout du compte trouver le bon dosage et éviter un retour de flammes sur le plus long terme. Une image de marque est longue à bâtir et très fragile. Alors, il faut toujours bien peser le pour et le contre avant de se lancer dans une action qui peut sembler excellente dans l'immédiat et dévastatrice sur la durée.