La grande force d'Urwerk est de posséder une identité qui repose sur le système d'affichage par heures vagabondes. Felix Baumgartner et Martin Frei ont ainsi créé des montres qui se distinguent par la parfaite cohérence entre le design et l'affichage. Mais cette force peut devenir une faiblesse. Malgré les différentes évolutions du concept qui ont marqué l'histoire de la marque, le risque est de donner l'impression qu'Urwerk a du mal à sortir de ce chemin ce qui pose des questions sur sa capacité à se renouveler.
Deux générations d'Urwerk: l'UR-111C à gauche, l'UR-103.08 à droite avec son affichage par heures vagabondes
C'est la raison pour laquelle des montres comme l'UR-CC1 "King Cobra" ou l'EMC ont été primordiales pour Urwerk: elles démontrent que la marque est capable d'être aussi créative et innovante avec d'autres types d'affichage... voire même avec l'affichage traditionnel de l'heure comme c'est le cas avec l'EMC.
L'UR-111C s'inscrit dans cette optique. Elle réaffirme le potentiel d'Urwerk, réinterprète l'affichage linéaire de l'UR-CC1 "King Cobra" et surtout met en scène une des lignes directrices fondamentales de Felix Baumgartner: l'interactivité entre la personne qui porte la montre et l'objet.
Les principaux affichages sont à l'avant tandis que les secondes sont indiquées à l'arrière du cylindre central:
Bien entendu, je pourrais évoquer longuement les spécificités de l'affichage du temps de l'UR-111C. Mais pour moi le point crucial de cette montre est la sensation qu'éprouve son propriétaire lorsqu'il effectue les gestes correspondant à la mise à l'heure ou au remontage. L'UR-111C utilise, mais de façon différente, deux éléments clé déjà vu dans l'histoire d'Urwerk et qui assurent cette interactivité.
Le premier élément est le levier. Il fait immédiatement penser à l'EMC. Le rôle de ce levier qui se loge dans la carrure de la montre est d'embrayer le système de réglage. Une fois cette manipulation effectuée, la mise à l'heure s'effectue en avançant ou en reculant, en faisant pivoter le long cylindre cannelé situé au milieu de la partie supérieure du boîtier. Ce second élément rappelle évidemment les grandes couronnes de la marque à midi. Mais cette fois-ci le mouvement du pouce est vertical alors que les propriétaires d'une montre Urwerk ont l'habitude d'utiliser le pouce de façon horizontale, de la droite vers la gauche, pour remonter le mécanisme de la montre.
Le cylindre central est une invitation permanente à faire glisser son pouce dessus:
Felix Baumgartner et Martin Frei le savent bien: les montres Urwerk sont tactiles. Leurs formes nous incitent à les caresser. Leurs couronnes nous donnent envie de les manipuler. L'UR-111C est peut-être la montre qui nous motive le plus à effectuer ces gestes. Cette longue couronne est en effet une invitation permanente à faire glisser le pouce dessus! C'est dû à sa forme, sa taille, sa position à la cannelure qui donne de très agréables sensations. Mais la véritable expérience jouissive, c'est la mise à l'heure. Car l'expérience tactile se combine alors avec une expérience visuelle.
En faisant tourner le cylindre, les heures digitales sautent, les minutes progressent le long d'un tracé linéaire oblique et elles tournent également verticalement comme sur un rouleau. La mise à l'heure permet ainsi d'apprécier les trois affichages visibles sur la partie antérieure de la montre.
Il n'y a pas de tableau de bord sur le fond du boîtier:
L'affichage des heures, situé à gauche est sautant. C'est un excellent choix qui évite toute confusion de lecture. Le nombre présent entre les deux repères indique l'heure en cours: c'est simple et efficace.
L'affichage des minutes est double. Je retrouve ici un concept habituel chez Urwerk: l'affichage des minutes est accompagné d'un second affichage qui permet une lecture plus précise. Si sur une 103 l'affichage précis se trouve sur le tableau de bord à l'arrière, il est cette fois-ci à côté de l'affichage principal. C'est un confort appréciable.
L'affichage principal des minutes n'est pas sautant. De prime abord, on pense qu'il s'agit d'un chariot jaune qui saute toutes les 5 minutes. Ce n'est pas le cas. La ligne jaune se déplace de façon continue. Je parle de ligne mais c'est en fait toute une structure qui bouge. Cet affichage a été le plus complexe à réaliser. L'indicateur est positionné sur un ressort sinusoïdal qui pivote de façon constante sur 300 degrés. A la soixantième minute, le ressort bascule vers l'avant de 60 degrés et revient de façon instantané à zéro. D'ailleurs, c'est la même force qui va commander le saut du rouleau des heures afin d'obtenir un mouvement simultané des deux affichages.
Le levier est tiré, il ne reste plus qu'à utiliser le cylindre central pour mettre la montre à l'heure:
Vous l'avez donc compris: Urwerk réinterprète ici le fameux système à heures sautantes et minutes rétrogrades que l'on retrouve chez Genta par exemple. Et inutile de précise que Felix Baumgartner et Martin Frei ont une fois de plus trouvé la formule magique pour que le résultat ne ressemble en rien à quelque chose qui existe déjà.
L'affichage de droite est donc l'auxiliaire dédié à l'indication précise des minutes. Le rouleau tourne ici de façon continue. Je pense qu'Urwerk aurait peut-être pu aller plus loin dans le concept de l'interactivité et utiliser cet affichage de façon plus directe. Je m'explique. Comme le cylindre central permet de remonter le mouvement de la montre, j'aurais plutôt utilisé un calibre de base à remontage manuel et remplacé l'affichage auxiliaire par un indicateur de réserve de marche. C'était une façon de créer un rituel quotidien permettant de jouer avec la grande couronne.
Les minutes restent visibles même dans cette position:
Il existe un autre affichage situé à un autre endroit, derrière le cylindre. Les secondes sont indiquées grâce à deux roues qui s'imbriquent. La solution est astucieuse puisqu'elle crée une jolie animation car deux nombres consécutifs tournent dans des sens opposés. Elle rend aussi possible l'utilisation de nombres suffisamment grands pour que la lecture soit agréable. De plus, un conducteur d'image, constitué par un réseau de faisceaux optiques permet de rapprocher les nombres affichés du verre sans modifier leur rendu comme l'aurait fait une loupe. La lisibilité est optimale et l'animation restituée sans altération.
L'UR-111C est donc une montre lisible malgré l'originalité de ses affichages et son style qui paraît déroutant. La dimension pratique se retrouve également dans la conception du boîtier.
Tout d'abord, ce dernier a été créé pour rendre l'opération d'emboîtage la plus simple possible compte tenu du caractère particulier du mouvement. L'emboîtage s'opère délicatement par la carrure, le mouvement étant sur le flanc et en position verticale.
La meilleure position pour apprécier les affichages antérieurs:
J'aime beaucoup le travail effectué sur le boîtier. Tout d'abord, il est conçu intelligemment: le levier s'insère parfaitement dans la carrure et devient invisible, le fond est légèrement incurvé pour améliorer le maintien au poignet. Ensuite le système d'attache du bracelet assure un confort optimal grâce à une extrême flexibilité. Enfin, les finitions, au styles variés, sont irréprochables et apportent de nombreux éléments décoratifs qui cassent l'aspect massif. La sensation générale, accentuée par la position antérieure des affichages est très dynamique voire fluide... alors que les dimensions sont généreuses: 42mm x 46mm pour une épaisseur de 15mm. Mais Martin Frei a un vrai savoir-faire qui permet de transformer des gabarits imposants en lignes séduisantes.
Le calibre qui anime les mécanismes d'affichage est un mouvement Zenith Elite. Sa fréquence est de 4hz et sa réserve de marche de 48 heures ce qui indique qu'Urwerk a bien travaillé quant à l'optimisation de la consommation d'énergie (la réserve de marche habituelle du calibre est d'une cinquantaine d'heures). Ce mouvement d'une diffusion relativement large est fiable et pérenne. Je considère donc comme rassurant d'avoir un tel calibre de base qui a en plus la vertu d'être fin.
Une fois mise au poignet, l'UR-111C surprend par son confort et son maintien. Elle reste évidemment imposante mais très agréable visuellement. J'ai pris rapidement l'habitude de faire deux mouvements de poignet avec: le tourner vers le haut pour bien positionner mes yeux face aux affichages et le tourner vers le bas pour apprécier le ballet des secondes digitales. Comme vous le constatez, l'interactivité est de nouveau présente!
Urwerk se renouvelle et c'est tant mieux!
L'UR-111C est pour moi une très belle réussite d'Urwerk. Elle prolonge la démarche de la King Cobra tout en étant plus confortable et en un sens raisonnable que cette dernière. Mais surtout elle donne une belle dynamique à Urwerk qui apporte ici la démonstration que la marque est capable de travailler d'autres affichages que celui des heures vagabondes. Mais attention! Les fans de la marque deviennent de plus en plus exigeants et il va falloir être capable de poursuivre sur ce chemin de la diversification qui semble très prometteur.
L'UR-111C est disponible en deux versions (acier poli et acier traité gunmetal) de 25 pièces chacune à un prix de 130.000 CHF hors taxes.
Les plus:
+ la réinterprétation réussie des heures sautantes et minutes rétrogrades
+ le système d'affichage des secondes, lisible et ludique
+ le plaisir provoqué par l'utilisation du cylindre central
+ le confort au porter malgré la taille
Les moins:
- une réserve de marche un peu courte selon les standards actuels
- je serais peut-être allé au bout du concept en proposant une montre à remontage manuel et avec affichage de la réserve de marche pour que le cylindre devienne encore plus incontournable
Merci à Urwerk et à Chronopassion.