La jeune marque française Reservoir parvient petit à petit à imposer sa singularité dans le paysage horloger. Sa visibilité grandit, son réseau de distribution s'élargit et surtout, sa collection s'étoffe comme le prouve la présentation de la collection Longbridge lors de la dernière édition de Baselworld.
Reservoir, c'est avant tout un point de départ très simple et efficace: la cohérence entre le design et l'affichage du temps. Ce dernier, basé sur les principes des heures sautantes et des minutes rétrogrades, permet en effet de reproduire l'esthétique d'un compteur. Ce n'est certes pas la première fois qu'une montre horlogère s'inspire d'un instrument de mesure pour dessiner ses cadrans mais la particularité de Reservoir est d'être parvenue à insérer de façon convaincante son concept dans trois atmosphères différentes (automobile, aéronautique et marine), aux personnalités bien distinctes.
L'univers automobile constitue à ce jour la pierre angulaire de la marque. C'est celui qui offre le plus d'inspirations et de potentiel créatif compte tenu des nombreux tableaux de bord qui ont marqué l'histoire de l'automobile. Et contrairement aux tableaux de bord des avions ou des sous-marins que finalement peu de personnes peuvent côtoyer, les compteurs et instruments automobiles font partie de la culture populaire et nous interpellent beaucoup plus facilement.
La collection inaugurale de Reservoir, dévoilée en 2017, se compose de modèles utilisant un boîtier de 43mm. Cette taille peut sembler imposante. Elle est cependant adaptée au contexte stylistique de Reservoir et permet aussi de rendre extrêmement lisible la graduation de l'arc de cercle de 240 degrés représentant les minutes. Chacune des montres de cette première collection est organisée selon le même principe: la graduation des minutes occupe principalement la zone supérieure du cadran tandis que la zone inférieure est dédiée au guichet des heures sautantes et à l'affichage de la réserve de marche.
Retranscrivant de façon efficace l'esthétique de ces anciens compteurs d'automobiles, d'avions ou de sous-marins, les montres Reservoir présentées en 2017 m'ont séduit par le charme particulier qu'elles dégagent tout en préservant l'essentiel: la lisibilité et la facilité de la lecture du temps car cela aurait été un comble qu'une montre, par définition instrument de mesure et, qui plus est, inspirée par d'autres instruments de mesure, eût été inutilisable au quotidien.
L'édition 2018 de Baselworld marque une étape décisive pour Reservoir: celle de la maturité et de l'ouverture. Il faut tout de même l'avouer, du fait de leur taille et de leur design très rigoureux et radical, les montres de la première collection s'adressent avant tout à une clientèle à la recherche d'un produit à la fois sobre et puissant. Il était cependant important pour Reservoir de pouvoir intéresser une clientèle plus large sans renier les idées directrices qui ont conduit à la création de l'identité de la marque. Tel est le but de la collection Longbridge.
A vrai dire, tout change et rien ne change avec cette collection. Rien ne change car je retrouve la même organisation du cadran qui distribue les fonctions de façon identique en positionnant du haut vers le bas, les minutes périphériques, le guichet des heures et l'affichage de la réserve de marche. L'atmosphère joliment rétro inspirée d'un compteur vintage demeure: cette fois-ci, c'est le tableau de bord d'une Mini qui définit les différents effets de style. Enfin, le mouvement reste le même.
Mais tout change du fait d'une modification fondamentale: le diamètre du boîtier passe de 43 à 39mm. et une telle modification de taille a de nombreux impacts. Le plus compliqué, dans un tel contexte, est de préserver la lisibilité de la montre. C'est ainsi qu'un soin particulier a été apporté dans le design du cadran et notamment dans celui de la graduation périphérique des minutes. En alternant les dimensions des chiffres et en positionnant la graduation sur un rehaut plus prononcé, Reservoir est parvenu à maintenir la présence d'index chiffrés toutes les 5 minutes tout en conservant un rendu aéré et agréable. Ainsi, à aucun moment je n'ai eu l'impression que le cadran était plus concentré qu'avec celui d'une montre de 43mm.
Le compteur qui inspira la collection Longbridge. Vous noterez les cabochons qui reproduisent les diodes d'origine:
Plus petite, la Reservoir Longbridge est également plus raffinée et plus subtile. Le compteur de la Mini a donné l'opportunité à Reservoir de positionner deux cabochons de pierres précieuses autour du guichet des heures pour rappeler les diodes d'origine. Et c'est en regardant de plus près le cadran que je me rends compte de la qualité du travail, des différentes textures et des effets de relief. L'ensemble m'apparaît plus élégant tout en conservant la force et l'impact visuel de l'affichage du temps habituel de la marque.
3 couleurs de cadran sont disponibles. Compte tenu de l'origine du compteur qui a inspiré la Longbridge, c'est le cadran vert "British Racing" que je préfère. Cette version est aussi la plus originale et peut-être la plus tendance: j'ai observé cette année une montée en puissance du vert au sein des différentes marques. En tout cas, lorsque le cadran vert est combiné avec un bracelet vert comme c'est le cas sur les photos, le résultat est de toute beauté. Le cadran noir de la version "Club" est le plus classique et ce côté plus traditionnel est renforcé par le bracelet de couleur marron. Enfin, le cadran beige de la "Lady Longbridge" se veut plus féminin comme le nom de la version l'indique. Avec des bracelets de couleurs pastel, la montre devient idéale pour l'été. En tout cas, quelle que soit la version, la Longbridge est une montre résolument mixte. Sa taille est à l'usage parfaite. Le diamètre reste suffisamment contenu pour rester portable en toute circonstance et suffisamment grand pour lire les informations sur le cadran sans souci.
Le boîtier en acier possède une finition satinée, bien dans l'esprit du cadran. La couronne est visée et l'étanchéité est de 50 mètres comme c'est le cas pour chaque montre du catalogue. Contrairement aux montres d'un diamètre de 43mm, le fond de la Longbridge est plein. La raison est simple: ce choix a été fait pour diminuer l'épaisseur du boîtier et conserver des proportions proches de celles des autres modèles. Je trouve que c'est une excellente décision et de toutes les façons, le calibre de base n'est pas spectaculaire. A noter que chaque montre de la collection Longbridge est livrée avec une boucle déployante papillon en acier. J'aimerais que cette montre, plus habillée, le soit aussi avec une boucle ardillon.
Un affichage original est pertinent si la mécanique suit derrière. Une montre a beau être originale, séduisante et intéressante, si le mouvement était capricieux, elle apparaîtrait alors comme un exercice vain. Un affichage qui comporte des heures sautantes et une aiguille rétrograde n'est pas anodin.Tout simplement parce que les comportements ne sont pas constants comme avec une montre classique. Une fois par heure, une double action instantanée et violente intervient avec le saut du disque des heures et le retour de l'aiguille. Le mouvement des montres Reservoir répond à cet enjeu. Il est composé d'un calibre de base ETA 2824-2 et d'un module exclusif développé par Télôs, le cabinet de Johnny Girardin et Franck Orny qui avaient travaillé notamment sur l'Opus 14 d'Harry Winston ou la Métamorphosis de Montblanc. De sacrés références de montres compliquées donc. Mais ce qui est demandé ici l'est tout autant: le module doit parfaitement gérer les affichages des heures et des minutes, de façon fiable et avec les sécurités nécessaires pour éviter toute mauvaise manipulation. Je dois avouer que j'ai été très convaincu par le module, que ce soit lors de la mise à l'heure de la montre ou lorsqu'elle fonctionne simplement. Les sauts sont précis, l'aiguille se positionne correctement et la consommation d'énergie reste raisonnable. En effet, la réserve de marche se situe autour de 37 heures (heureusement l'affichage de la réserve de marche veille!) soit 5 heures de moins que pour un calibre ETA 2824-2 sans module. De toutes les façons, j'apprécie beaucoup que ce calibre ait été choisi plutôt que le 2892. A titre personnel, je trouve que le 2824 a une meilleure efficacité au remontage. Le 2892 est plus prestigieux, plus fin... mais je préfère le 2824!
La Reservoir Longbridge est donc une collection qui m'a beaucoup plu. D'abord parce que j'aime son esthétique cohérente qui comporte de multiples détails séduisants. Ensuite parce que l'exécution est de qualité: le mouvement est convaincant, les finitions sont irréprochables et la collection n'a aucune difficulté à nous transporter dans son atmosphère "automobile vintage" si délicieuse. C'est la version "British Racing" qui a ma préférence car sa couleur lui donne une touche d'originalité et de raffinement supplémentaire. Pour moi, la collection Longbridge témoigne d'une progression de la part de Reservoir et cela se ressent dans le plaisir au porté. J'ai apprécié l'équilibre général, la taille plus contenue et le côté plus élégant. Elle comporte donc tous les ingrédients pour permettre à la marque de toucher une clientèle plus large, à la recherche d'une montre originale sans être excessive.
Les plus:
+ une atmosphère parfaitement recréée
+ la cohérence entre l'affichage du temps et le design
+ la qualité des finitions
+ l'efficacité du module
Les moins:
- la réserve de marche, un peu courte selon les standards actuels
- j'aimerais qu'une boucle ardillon soit disponible