Je souhaite revenir en ces premiers jours de 2018 sur une des montres les plus charmantes de l'année écoulée. Il s'agit de la quatrième montre en provenance de l'Atelier de Chronométrie de Barcelone qui propose, contrairement à ses devancières, une complication additionnelle. Cette complication n'a pas de fonction précise... ou plutôt son rôle consiste à joliment décorer et animer le cadran ce qui est, après tout, bien plus important! L'AdC #4 est également la première de la collection à aborder le thème des métiers d'art car la zone centrale du cadran est réalisé en émail cloisonné et met en scène pas moins de 35 couleurs différentes.
Cette zone du cadran est une invitation à quitter notre planète et à voyager dans l'espace. Elle représente une portion de la Terre, la Lune et le ciel étoilé. La rendu visuel est une pure merveille. Les couleurs se fondent les unes dans les autres, créant des effets saisissants d'altitude sur les continents et de profondeur sur les océans. Le ciel offre une palette chromatique à la fois douce et lumineuse qui met en valeur la Lune à la texture originale. Et comment ne pas évoquer la précision et la finesse des fils d'or qui délimitent les éléments du décor?
Le fait que le motif du cadran soit clairement composé de deux parties (la Terre et le ciel avec la Lune comme point de repère) n'est pas anodin. En effet, cette zone centrale effectue une rotation continue et sur le modèle de démonstration, réalise une révolution complète en 5 heures et 20 minutes. Ainsi, le design du cadran rend cette rotation particulièrement perceptible, notamment du fait de la position de la Lune. Mais pourquoi une telle durée? Tout simplement parce l'équipe de l'Atelier de Chronométrie, composée de Santi Rabasa, Moebius Rassmman et Montse Gimeno, a eu l'idée d'intégrer une telle complication à 5 heures 20 de l'après-midi. Si les clients n'ont pas d'atomes crochus avec cette durée, il n'y a aucun souci: l'Atelier de Chronométrie peut l'adapter avec des rotations complètes en 12 heures ou 24 heures. Personnellement, j'ai une préférence pour une durée décalée. Cela donne un côté imprévisible, à défaut d'être aléatoire, au cadran. En le calant sur 12 ou 24 heures, un moment précis de la journée aura chaque jour le même rendu. Une telle idée a tout de même un avantage: ce cadran mobile peut alors servir d'affichage alternatif du temps, comme avec une mono-aiguille avec évidemment une lecture approximative (l'exercice est plus simple sur 12 heures que sur 24 heures!).
Fort heureusement, deux aiguilles en or jaune parfaitement exécutées indiquent l'heure avec beaucoup d'élégance et de précision. J'apprécie leurs formes qui leur permettent d'être à la fois très présentes sur le cadran tout en conservant le raffinement nécessaire. La courbure de l'aiguille des minutes est par exemple un régal à observer.
Au-delà de la beauté du cadran, ce qui m'a le plus surpris avec cette montre est sa présence au poignet. Pourtant sa taille reste très raisonnable avec un diamètre de boîtier en or gris de 37,5mm. Cependant, la forme des cornes, très allongée, et la lunette fine et concave font augmenter la taille perçue. J'aime beaucoup la forme du verre et la simplicité de la graduation périphérique qui intègre avec discrétion le nom de la marque et sa ville d'origine. La montre ne comporte aucun chiffre, aucune trotteuse et ce dépouillement lui va à ravir: le clou du spectacle demeure le cadran central et la lisibilité est optimale.
Le cadran n'est cependant pas l'unique atout de l'AdC #4. Le mouvement, comme de tradition avec l'Atelier de Chronométrie, mérite lui aussi toute notre attention. Oublions les calibres contemporains à architecture et à matériaux innovants. Le mouvement de l'AdC #4 est un hommage à l'horlogerie traditionnelle et aux calibres chronométriques à basse fréquence. Tout comme avec les AdC #1 et #3, il est basé sur le calibre 266 d'Omega qui est entièrement retravaillé. Les pièces du calibre de base sont soit refaites à la main (sans l'aide d'aucune machine à commande numérique) soit modifiée. Toute cette approche n'a pas qu'un seul but décoratif. Elle a aussi une ambition technique afin d'améliorer les performances et le plaisir à l'usage d'un calibre à la base déjà réputé pour sa fiabilité.
Du point de vue esthétique, le résultat est spectaculaire. Ainsi, les ponts supérieurs du calibre ont été remplacé par 4 ponts réalisés en Arcap, dorés et décorés en combinant plusieurs méthodes de décoration (anglage, perlage, finition sablée) exécutées à la main. Les pièces mobiles ont aussi été revues comme le cliquet, le rochet et la roue de couronne, cette dernière étant entièrement réalisée au sein de l'Atelier de Chronométrie. La présentation de l'organe réglant a été modifiée, notamment en modifiant la position du piton, afin de dégager la vue sur le balancier. L'ancre a également été décorée pour la mettre en valeur. Enfin, les roues du train de rouage en laiton ont été rhodiées pour les protéger contre la corrosion.
Le cadran mobile, dont la base est en or, a été directement intégré sur la platine du mouvement. Compte tenu de son poids et donc de l'énergie requise à sa rotation, la réserve de marche du mouvement diminue et se situe à 36 heures pour une fréquence à 2,5hz. Cette réserve de marche peut sembler très courte selon les standards actuels mais s'agissant d'une montre à remontage manuel que l'on remonte quotidiennement, cette durée ne pose aucun problème. En tout cas, le mouvement procure beaucoup de plaisir à l'usage que ce soit lors du remontage ou l'écoutant: le tic-tac d'un calibre à basse fréquence dégage un charme incomparable.
L'intérêt de solliciter l'Atelier de Chronométrie est de pouvoir accéder à une personnalisation des décorations des éléments. Le modèle ainsi présenté peut être modifié pour répondre aux souhaits du client. La contrepartie logique d'une telle approche est le prix conséquent de la montre: le prix de l'AdC #4, pour la version en photos, est de 55.000 euros hors taxes. C'est le prix de l'exclusivité et d'un savoir-faire respectant les canons de l'horlogerie traditionnelle.
En tout cas, grâce à cette montre, l'Atelier de Chronométrie élargit ses compétences et fait preuve de plus d'ambition esthétique tout en conservant son contexte technique habituel. J'ai été totalement séduit par cette pièce au charme incomparable.
Les plus:
+ le charme incomparable du cadran mobile
+ une pureté esthétique au service de la lisibilité et de la mise en valeur du cadran central
+ la finition du mouvement
+ la personnalisation des éléments
Les moins:
- une réserve de marche courte
- un prix élevé