L'année 2017 est cruciale pour Pequignet. Après le rachat de l'entreprise par 4 de ses cadres et la fondation de Pequignet Horlogerie, la marque doit impérativement démontrer auprès de ses partenaires et clients finaux qu'elle est de retour avec une ambition renouvelée, des projets et un avenir. L'ingrédient le plus important dans ce contexte est la restauration de la confiance. Sans confiance, un détaillant aura du mal à s'engager auprès d'une marque. Sans confiance, un client final aura du mal à sortir sa carte bleue. L'équipe Pequignet le sait parfaitement et consacre son énergie dans ce but.
En tout cas, les premiers résultats de l'action de l'équipe dirigeante sont encourageants. La marque a en effet dévoilé ces derniers mois une gamme complète de nouveautés qui apportent la preuve qu'une prise de conscience s'est opéré. Elles répondent incontestablement à des attentes du marché avec une collection Moorea qui revient sur le devant de la scène, des modèles Equus automatiques dorénavant équipés de calibres suisses (Sellita SW200 en l'occurrence) et le rôle croissant des montres dédiées aux femmes. Plus de réalisme, un certain retour aux fondamentaux, des prix ajustés... Pequignet s'y prend selon moi par le bon bout afin d'aborder de façon efficace la période stratégique de fin d'année et des achats de Noël.
Et le Calibre Royal dans tout ça? Il n'est évidemment pas oublié et demeure une pierre angulaire de la stratégie de Pequignet. La qualité de ce mouvement de manufacture ne l'empêche cependant pas d'échapper à cette prise de conscience et la toute nouvelle Manuelle Royale en est la démonstration. En fait, Pequignet fait coup double avec cette montre. La marque s'adresse en priorité à une clientèle de connaisseurs qui peuvent être attirés par le remontage manuel et le cadran épuré. Par la même occasion, en supprimant des fonctionnalités du Calibre Royal, elle le rend plus accessible avec un prix de vente inférieur à 3.000 euros, 2.850 euros pour être précis.
J'étais très curieux de découvrir cette nouveauté car l'exercice qui consiste à définir une montre trois aiguilles classique est très compliqué. Ce type de montre laisse peu de marges de manoeuvre pour créer des facteurs différenciants. Difficile d'éviter de cloner un modèle existant. Difficile d'éviter le design très propre... et très ennuyeux. Pequignet s'en sort cependant très bien en s'appuyant de façon nette sur le véritable point fort: le Calibre Royal.
Il ne s'agit pourtant pas d'un Calibre Royal habituel puisque le mouvement EPM02 est à remontage manuel et ses fonctionnalités habituelles (affichages des quantièmes, des jours, de la réserve de marche etc...) ont été retirées. Mais ce n'est pas tout: l'emplacement de la petite seconde a été modifié: habituellement positionné à 4 heures, il se retrouve à 6 heures afin d'obtenir un cadran équilibré. Il n'est pas anodin de retirer le système de remontage automatique et ce pour deux principales raisons: la première est que généralement un mouvement automatique "amputé" est moins beau qu'un mouvement directement à remontage manuel et la seconde est qu'il faut obtenir une sensation au remontage agréable.
Pequignet est convaincant sur les deux points. Du point de vue esthétique, le retrait de la masse oscillante et du mécanisme associé ne se ressent pas trop grâce à la forme du pont du barillet qui dessine un disque s'intégrant harmonieusement dans l'architecture du mouvement. Le partie vide à gauche du balancier n'est finalement pas gênante et elle a même tendance à mettre en valeur l'organe réglant et le pont du balancier. L'ensemble est fini avec soin et j'aime beaucoup le contraste apporté par le pont du barillet avec le barillet lui-même et le perlage de la platine.
Du point de vue du remontage, le résultat est satisfaisant pour un calibre proposant une réserve de marche de 100 heures (pour une fréquence de 3hz) et un imposant barillet. Certes, le remontage n'est pas aussi doux qu'avec une Lange (on sent les crans) mais n'est pas désagréable non plus: la sensation de remonter un calibre puissant est bien présente. A noter que la montre photographiée n'est pas définitive et que sa couronne (trop petite) va être revue: elle sera remplacée par celle de la Rue Royale GMT (sans le poussoir bien entendu). Elle est plus grande et améliorera significativement le plaisir et l'efficacité du remontage manuel.
La taille propre du calibre et l'emplacement de l'axe de la trotteuse permettent l'utilisation d'un boîtier de 42mm. Cette taille est celle du boîtier Rue Royale et Pequignet a privilégié la cohérence esthétique de la Manuelle Royale avec le reste de la collection. L'utilisation d'un boîtier existant facilite aussi la maîtrise des coûts. J'aurais sûrement préféré une taille plus petite (40mm par exemple) mais tout aurait dû être revu pour conserver les lignes fluides du boîtier initial. L'autre avantage du boîtier est d'obtenir une étanchéité de 100 mètres. En proposant un cadran plus simple, la Manuelle Royale met en exergue le dessin particulier des cornes, inspirées par le passé mais finalement originales dans le paysage horloger actuel.
La présentation du cadran est classique et reprend des codes connus: une minuterie périphérique en chemin de fer, des chiffres arabes appliqués et une trotteuse à 6 heures. Cependant, le sous-cadran de la trotteuse se distingue car n'étant pas au même niveau et du fait d'une graduation assez marquée. Cela donne une touche de style au cadran et je trouve cette approche intéressante. Je suis moins convaincu en revanche par l'inscription "Calibre Royal 100H". Non seulement elle alourdit le dessin dans une zone étroite entre le sous-cadran et l'axe des aiguilles principales mais elle me semble de plus inutile: le propriétaire de la montre connaît le mouvement et sa réserve de marche. Et de toutes les façons, cette montre a vocation à être remontée tous les jours. Heureusement, les reflets du cadran argenté soleillé, très élégants et dynamiques, ont tendance à atténuer cette inscription. Enfin, le nom de la marque et la fleur de lys appliqués donnent, au même titre que les chiffres, une touche qualitative.
Le plus compliqué pour Pequignet a été de définir les aiguilles idéales. Le choix s'est porté sur des aiguilles Dauphine qui se marient bien avec les chiffres. En revanche, le contraste avec le fond du cadran peut sous certaines conditions de lumière s'avérer trop faible. C'est la raison pour laquelle la discrète touche de luminescence est bienvenue.
Dans un contexte de contraintes, Pequignet a privilégié l'efficacité et s'en sort de très belle façon: la montre est très agréable à porter (le bracelet couleur miel aura un rendu plus sombre que celui présent sur les photos), a du caractère grâce à sa taille et à ses cornes et surtout propose un mouvement d'un niveau rarement vu dans ce segment de prix. Tout ce que je souhaite à Pequignet, c'est que les clients amateurs de belle horlogerie soient séduits par la Manuelle Royale car elle mérite de rencontrer le succès. Et comme la marque oeuvre par le biais des autres collections de son catalogue à assurer sa pérennité, il serait dommage de se priver d'une telle opportunité de profiter du Calibre Royal dans un contexte tarifaire très raisonnable.
Les plus:
+ le contenu horloger excellent pour une montre de 2.850 euros
+ la présentation du mouvement valorisante malgré le retrait du mécanisme de remontage automatique
+ le fond argenté soleillé du cadran
+ quelques détails de caractère comme les cornes ou la graduation de la trotteuse
Les moins:
- la lisibilité dans certaines conditions de lumière
- l'inscription inutile au-dessus du sous-cadran de la trotteuse