Je dois l'avouer, je fus très surpris de découvrir une nouvelle
version, en or gris, de la Richard Lange Pour le Mérite à la fin de
l'année 2016. Je ne m'y attendais pas du tout car je considérais les
versions en platine et en or rose présentées en 2009 comme définitives.
Cependant, je n'allais pas bouder mon plaisir car j'ai toujours
considéré la Richard Lange Pour le Mérite comme la montre à trois
aiguilles la plus aboutie en provenance d'une grande marque de haute
horlogerie.
La ligne Richard Lange est celle dédiée à
la chronométrie au sein du catalogue Lange. La Richard Lange Pour le
Mérite se caractérise par la présence d'un mécanisme à
chaîne&fusée qui assure une stabilité du comportement du
mouvement tout le long de la réserve de marche (36 heures). C'est la
raison pour laquelle elle porte la dénomination de "Pour le Mérite" qui
caractérise les montres Lange & Söhne à chaîne&fusée.
Elle est d'ailleurs la seule à ce jour en provenance de la manufacture
saxonne à posséder ce mécanisme sans qu'il soit accompagné par un
tourbillon et cette spécificité explique une grande partie de son
charme. Car quand on l'observe côté cadran, rien ne semble la distinguer
d'une simple montre 3 aiguilles à petite seconde à 6 heures... tout du
moins dans la façon dont le cadran est organisé.
Les
deux versions de 2009 possèdent en effet une caractéristique esthétique
qui leur permettent d'occuper une place à part dans l'histoire du
catalogue contemporain de Lange & Söhne: elles furent les
premières, depuis la Langematik Anniversary à proposer un cadran en
émail. Ce cadran était plus complexe à réaliser que celui de la
Langematik car composé de 3 couches. Elément fondamental de la Richard
Lange Pour le Mérite au même titre que son mouvement particulier, il
disparaît étrangement de la version en or gris de 2016. "Etrangement"
n'est peut-être pas l'adverbe approprié car une raison simple explique
le remplacement du cadran en émail par un cadran noir en argent massif.
La montre de 2016 est commercialisée, dans le contexte d'une série
limitée de 218 exemplaires (correspondant au nombre de points de vente),
à un prix quasi identique que celui de la version en or rose de 2009
(82.000 euros vs 82.400 euros 7 années plus tôt) ce qui constitue,
compte tenu de l'inflation horlogère, à une baisse significative en
euros constants.
En un sens, c'est un point positif.
Lange & Söhne tient compte du contexte du marché et ajuste ses
prix. Mais était-ce pertinent de procéder ainsi dans ce segment de prix
extrêmement élevé? Après tout, la clientèle d'une montre de
collectionneurs, de connaisseurs (on parle d'une montre à 3 aiguilles à
plus de 80.000 euros!), est moins sensible (voire réfractaire) à ce type
d'argument et se focalise avant tout sur le contenu horloger et sur la
notion de valeur intrinsèque du produit. Et que dire aux
collectionneurs qui ont acheté la Richard Lange Pour le Mérite en 2009
et qui apprennent 8 ans plus tard que 218 exemplaires supplémentaires de
cette montre vont être produits? Pas simple à expliquer alors que la
rareté et l'exclusivité du mouvement étaient des critères fondamentaux
d'achat des versions d'origine. Il y a donc, selon moi, une certaine
ambiguïté derrière la présentation de cette montre en 2016 et j'ai la
conviction que les propriétaires des versions platine ou or rose
auraient préféré qu'elle ne sortît jamais.
Si je mets
de côté ce contexte et me focalise sur les qualités propres de la
Richard Lange Pour le Mérite en or gris, elle apparaît de façon
incontestable comme une très belle montre. Sa grande force demeure le
superbe mouvement L044.1 d'une fréquence de 3hz et d'une réserve de
marche de 36 heures. Au-delà de la qualité de ses finitions et de son
architecture mettant en valeur le mécanisme de chaîne&fusée, il
surprend par la finesse des 636 maillons de la chaîne. Le comportement
de cette dernière est donc extrêmement fluide ce qui n'est pas le cas de
toutes les montres à chaîne&fusée que j'ai pu voir. Le balancier
est équipé d'un spiral maison et les ouvertures sur la platine 3/4 sont
réalisées avec soin.
Le cadran noir de la Richard Lange
Pour le Mérite en or gris est en argent massif comme précisé
précédemment. Il est inutile de le nier: il n'a ni le charme ni l'impact
visuel du cadran en émail des versions d'origine. Il n'en demeure pas
moins séduisant et conserve, fort heureusement, les 3 niveaux apportant
une petite touche de relief. J'apprécie les petites touches de rouge sur
les chiffres des quarts qui empêchent le cadran de tomber dans une trop
grande austérité. Mais l'ensemble reste visuellement très sobre.
Son
boîtier est un modèle d'équilibre: avec un diamètre de 40,5mm et une
épaisseur de 10,5mm, il offre des proportions harmonieuses. Je trouve
cette taille idéale pour ce type de montre qui doit à la fois proposer
une certaine élégance et aussi une belle présence au poignet compte tenu
de la spécificité du mouvement. La couleur dominante du cadran réduit
la perception de la taille et donne l'impression que cette version est
légèrement plus petite que les versions d'origine. La montre apparaît
aussi comme étant moins chaleureuse, affichant une rigueur toute germanique.
Heureusement, toute la magie du mouvement L044.1 est conservée et le plaisir de remonter ce mouvement, d'observer le comportement de la chaîne et de profiter d'une montre rare en toute discrétion font de la Richard Lange Pour le Mérite en or gris une pièce exceptionnelle. Et même si son tarif est élevé, elle est la seule à pouvoir offrir le mécanisme à chaîne&fusée chez Lange&Söhne à un prix inférieur à 100.000 euros. Alors, la présentation de cette montre est finalement une bonne nouvelle... pour les collectionneurs qui n'avaient pas pu se positionner sur les versions en or rose ou en platine. L'insatisfaction des uns fait le bonheur des autres...
Merci à la boutique Lange&Söhne de Paris.
Les plus:
+ les spécificités et finitions du mouvement L044.1
+ la finesse et la fluidité de la chaîne
+ une présentation sobre et élégante
+ la présence au poignet
Les moins:
- le cadran n'a ni le charme ni l'impact visuel du cadran en émail
- une sortie surprenante et plutôt difficile à expliquer aux collectionneurs qui se sont positionnés sur les versions d'origine de 2009