L'exercice qui consiste à créer une montre squelette est toujours difficile car l'écart est mince entre la réussite et le ringard. Car telle est la dure loi de ce type de montres: à trop vouloir en montrer, elles peuvent tomber dans l'exercice démonstratif, ridicule et obsolète. Heureusement depuis plusieurs années, les marques ont revu leurs façons de concevoir ces pièces particulières en leur donnant un objectif différent. Alors qu'elles incarnaient auparavant une sorte de concentré du savoir-faire traditionnel des manufactures, elles sont devenues petit à petit des preuves des capacités d'innovation sur les dimensions techniques, décoratives et esthétiques. En d'autres termes, les montres squelette sont aujourd'hui un symbole de modernité alors qu'elles dégageaient par le passé une image surannée.
Mais pour parvenir à ce résultat, il faut parfaitement maîtriser les ingrédients et au bout du compte rares sont les montres squelette véritablement convaincantes, à la fois séduisantes et lisibles. Girard-Perregaux, dans sa stratégie de reconquête, se devait de proposer une montre squelette contemporaine dans sa collection afin de réaffirmer le potentiel de sa manufacture. C'est ainsi que la 1966 Skeleton fut présentée il y a quelques semaines et c'est une véritable réussite car Girard-Perregaux a su éviter les nombreux écueils et se donner les moyens de son ambition.
La montre possède de nombreux atouts. Pour commencer, je la trouve tout simplement très belle. Elle joue en permanence avec le contraste marqué entre les éléments en or rose et la couleur ruthénium gris anthracite des composants du mouvement traités par un procédé galvanique. Elle est à la fois raffiné tout en possédant du caractère. J'aime aussi particulièrement le rehaut qui effectue une transition parfaite entre le boîtier et le mouvement. Les index appliqués, partiellement suspendus, contribuent à la lisibilité qui est tout à fait correcte car les deux aiguilles principales se détachent nettement de la fine dentelle grise du mouvement. Le logo GP au somment du cadran est également appliqué sur le rehaut et si au départ, j'avais tendance à le trouver un peu grand, ce sentiment s'est par la suite estompé.
Mais la plus grande force de cette montre réside selon moi dans la cohérence entre le mouvement et le boîtier. Girard-Perregaux est parti d'une base GP1800, le mouvement automatique d'une fréquence de 4hz et d'une réserve de marche de plus de 50 heures que l'on retrouve dans plusieurs modèles de la collection 1966. Le bonne nouvelle est que Girard-Perregaux a utilisé un boîtier de 38mm, plus petit donc que le 41mm habituellement réservé au GP1800 et ainsi mieux adapté au diamètre propre du mouvement (30,6mm). La relative finesse du rehaut traduit cette cohérence qui est perceptible au premier coup d'oeil.
J'aime aussi beaucoup l'architecture du mouvement qui positionne l'organe réglant au sommet et le barillet dans la zone inférieure. Je trouve cette présentation plus valorisante et visuellement plus agréable même si l'incabloc est un peu trop présent à mon goût. Je n'aime pas lorsque le barillet et le ressort "sautent aux yeux" dans une montre squelette. Ici, le regard est d'abord attiré par les oscillations du balancier, juste sous le logo de la marque. Je suis en revanche moins convaincu par la position de la trotteuse. Le mouvement est ici utilisé dans sa configuration à petite seconde (alors qu'il possède une trotteuse centrale lorsqu'il anime les 1966 à cadran plein). Cette petite seconde est logée à 10 heures et est à la fois très proche du centre de la montre et du balancier. La conséquence est que les animations sont concentrées dans une zone centrale verticale alors que les zones périphériques sont plus vides. Il s'agit cependant d'un détail mineur car Girard-Perregaux a veillé à ce que la construction du mouvement soit tri-dimensionnelle.
La 1966 Skeleton dégage en effet un sentiment de volume et de profondeur grâce à cette construction en plusieurs couches. Les formes des ponts sont particulièrement réussies dessinant un motif de squelettage séduisant et moderne. Même le barillet et le ressort sont bien intégrés dans ce design abouti qui m'apparaît comme un lien entre le Girard-Perregaux "classique" et le Girard-Perregaux innovant et audacieux.
L'arrière de la montre est du même niveau et la manufacture a travaillé avec soin la décoration de la masse oscillante en or. Elle fait évidemment l'objet d'un squelettage de haut niveau et la forme des liens entre le centre de la masse et sa zone périphérique reprend celle des points du mouvement. Cependant, les courbes apportent un dynamisme supplémentaire et qu'elle soit en mouvement ou à l'arrêt, elle offre un spectacle réjouissant. Mon seul bémol est la présence de l'inscription "Girard-Perregaux" que je trouve inutile car le nom de la marque est de toutes les façons rappelé en périphérie du mouvement.
Les sensations procurées par la 1966 Skeleton au porter ne font que confirmer les premières impressions. Sa taille est idéale car, chose étonnante pour une montre au cadran sombre et très occupé, elle semble plus grande qu'elle n'est véritablement. Le rapport diamètre (38mm)/ épaisseur (9,27mm) est équilibré et la pièce, même si elle est relativement fine, ne joue pas la carte de l'ultra-plat pour donner la sensation de profondeur suffisante. Et très vite, notre regard se porte sur les multiples détails qui ornent le cadran et la parfaite exécution de la décoration, les anglages, les finitions polis-satinés. Grâce à son style contemporain et ses couleurs élégantes, la 1966 Skeleton propose un savant dosage entre rendu technique et atmosphère raffinée. Elle met en scène de façon magistrale les 173 composants du mouvement et devient ainsi le porte-drapeau idéal du savoir-faire technique et décoratif de la manufacture.
Merci à l'équipe Girard-Perregaux pour son accueil à Baselworld.
Les plus:
+ la cohérence entre le mouvement et le boîtier
+ le style contemporain et raffiné
+ l'architecture du mouvement
+ les finitions décoratives
+ la lisibilité pour une montre de ce type
Les moins:
- la position de la petite trotteuse
- un incabloc un peu trop visible au sommet du cadran