Les âmes sensibles doivent immédiatement arrêter la lecture de cet article car elles risqueraient d'être choquées par ce qui suit. Disons que Les Artisans de Genève n'ont pas choisi la voie la plus facile pour effectuer leur grand retour sur le devant de la scène. Au contraire: c'est le chemin le plus casse-gueule qui a été emprunté au risque de s'attirer les foudres d'un certain nombre d'aficionados de la marque à la couronne. Eh oui, car la montre sur laquelle ils ont décidé d'exercer leurs talents est une Rolex et pas n'importe laquelle. Et Rolex est bien la marque qui génère le plus de passion et de réactions.
Spécialistes du sur-mesure, les Artisans de Genève furent présents médiatiquement il y a quelques années et firent même partie des exposants du Salon Belles Montres en 2013. Après une période de retrait, les voilà prêts à communiquer de nouveau sur leur savoir-faire grâce à une montre intégrant leur collection. C'est un peu paradoxal pour une telle société fondée sur la capacité à répondre aux désirs de personnalisation de sa clientèle d'initier une collection. Après tout, pourquoi pas? La première montre issue de ce contexte a pour but de démontrer les capacités de l'équipe qui oeuvre aux transformations, améliorations, finitions, décorations des pièces qui leur sont confiées.
Cette montre est la Rolex Daytona 116520. Enfin, c'est le point de départ. Car l'objectif est de modifier le célèbre chronographe de Rolex pour en faire un hommage à la Daytona 6263. On comprend aisément que l'exercice de style n'est pas aisé car au-delà de la filiation entre ces deux montres, tout les sépare y compris la nature même du mouvement, la 6263 étant animée par un mouvement à remontage manuel tandis que la 116520 utilise un mouvement automatique.
Le terme de "Tribute" a été choisi avec soin: le résultat obtenu est bel et bien un hommage et sûrement pas un clone ni même une réinterprétation moderne. En fait, je perçois la Tribute to Daytona 6263 comme une montre de synthèse entre le Rolex "vintage" et le Rolex contemporain. C'est la raison pour laquelle les amateurs de Rolex pourront très rapidement dresser la liste des incohérences voire même des hérésies par rapport à la montre d'origine ne serait-ce que le fond transparent ou les poussoirs à pompe.
La Rolex Daytona 116520 est modifiée comme suit pour évoluer en tant que Tribute to Daytona 6263:
- le cadran d'origine est retravaillé en finition noir (une finition argent est également disponible). Le cadran nécessite 78 heures de travail de la part de 9 artisans.
- Les aiguilles sont remplacées par des aiguilles affinées, polies et diamantées.
- Une lunette "bakélite" se substitue à la lunette d'origine
- Les poussoirs vissés sont retirés (tout comme le protège-couronne) et remplacés par des poussoirs à pompe lisses
- La carrure et le bracelet sont polis avec un effet satiné
- Le fond devient transparent afin d'observer le mouvement 4130 qui comporte dorénavant une masse en or et dont le pont du balancier a été traité en or 3N.
Le résultat est une montre très bien exécutée et surprenante, une sorte de croisement improbable entre plusieurs époques voire même entre plusieurs ambiances: la masse et le pont en or sont évidemment décalés avec l'approche technique et sans fioriture du mouvement de Rolex. La Tribute to Daytona 6263 est étanche à 100 mètres et garantie 5 ans ce qui est un point important puisque la garantie Rolex n'est plus valable.
Il est inutile de le nier, la polémique n'est pas loin. Comment les Artisans de Genève ont-ils pu s'attaquer à ces deux chronographes de référence pour en faire un résultat hybride qui ne peut que faire hérisser le poil des gardiens du temple de Rolex? Du point de vue de la communication, c'est en tout cas bien joué et je sens presque un malin plaisir à avoir choisi un tel contexte, forcément provocateur. En tout cas, la Tribute to Daytona 6263 ne laisse pas indifférent et dans cette perspective, elle constitue le meilleur vecteur du retour de la société, aidée en cela par la qualité du travail effectué par l'équipe des Artisans de Genève.
Les plus:
+ la qualité de l'exécution de l'ensemble et notamment au niveau du cadran et des aiguilles
+ la surprise générée par la masse oscillante et le pont en or sur le mouvement 4130
+ la petite dose de provocation derrière ce projet. S'attaquer à des montres de référence, il fallait oser.
Les moins:
- je laisse les inconditionnels de Rolex s'exprimer, ils dresseront sûrement une liste très complète des griefs à l'encontre de cette montre