L'Amérique pré-colombienne semble être un des thèmes favoris du duo David Zanetta et Denis Flageollet. Après la DB25 IXième inframonde Maya, voici la DB25 Quetzalcoatl qui met en scène le fameux serpent à plumes. Si les deux montres partagent des bases communes (le contexte DB25, le mouvement, l'implication de la graveuse Michèle Rothen), une différence fondamentale les sépare. Avec la DB25 IXième inframonde Maya, l'affichage du temps, par le bais de deux superbes aiguilles en saphir, s'intégrait dans la décoration du cadran. Avec la DB25 Quetzalcoatl, l'affichage du temps et la décoration du cadran ne font qu'un.
Cette montre possède assurément une atmosphère magique. Elle est peut-être due aux symboles qu'elle représente, à la force tant mystique que spirituelle transmise par le serpent, à l'émotion qu'elle suscite du fait d'appréhender la culture d'une civilisation disparue. Mais même en mettant de côté cet environnement particulier, il est difficile de rester insensible face au remarquable travail effectué sur le cadran où le talent de l'artisan magnifie l'affichage du temps. A moins que ce ne soit le contraire? En fait, le grand atout de la DB25 Quetzalcoatl est que sa dimension artistique est perpétuellement en mouvement. Le serpent en or, posé sur la partie centrale du cadran, sert en effet à afficher le temps, la tête étant dédiée à l'indication des heures et la queue à celle des minutes. Au fil du temps qui passe, la forme du serpent évolue notamment en fonction de l'écartement "des aiguilles". Tantôt ramassé lorsque la queue survole la tête, tantôt allongé lorsque la queue se situe dans le parfait prolongement de la tête, le serpent transforme en permanence la représentation du cadran jusqu'à sembler être animé par une force invisible.
La parfaite exécution des éléments du cadran, la précision dans le geste et la finesse des détails font d'ailleurs totalement oublier que la montre cumule à la fois un cadran et des aiguilles en or. Une telle combinaison pourrait apparaître indigeste mais la DB25 Quetzalcoatl s'affranchit de telles considérations. A aucun moment, le sentiment d'omniprésence de l'or ne se ressent. Ou plutôt, seule sa dimension précieuse demeure tandis que le risque de tomber dans l'ostentatoire est balayé par les multiples effets de relief du cadran et du serpent. Ces effets de relief sont accentués par le tour des heures qui utilise des chiffres représentant les bâtisses qui entouraient le Templo Mayor de la cité de Tenochtitlan. Ces chiffres possèdent plusieurs vertus: au-delà du sentiment de hauteur qu'ils donnent, ils s'inscrivent en totale cohérence esthétique avec le serpent sans troubler la lisibilité de la montre. Et surtout, ils donnent l'occasion à Michèle Rothen d'exprimer son talent qui semble plus proche de celui d'un sculpteur que celui d'un pur graveur. La partie centrale du cadran, avec sa finition Microlight joue également un rôle important. Le guillochage circulaire capte la lumière, la transforme et contribue, tout comme le serpent, à l'animation visuelle continue du cadran.
Un tel cadran, subtil et précieux, avait besoin d'un boîtier à la fois discret pour ne pas surcharger visuellement la montre mais également raffiné pour préserver l'harmonie globale. Dans ce contexte, le boîtier DB25 en or gris est idéal. Sa taille (44mm) et la finesse de la lunette créent l'espace suffisant pour la décoration du cadran. Sa couleur neutre adoucit la présence de l'or et les cornes évidées, combinées avec un rapport diamètre sur épaisseur (12,5mm) élevé, renforcent l'aspect élancé de la pièce.
Je retrouve de la même façon le compagnon habituel de ce boîtier: le calibre DB2005 à remontage manuel. Il s'agit d'un mouvement que j'apprécie beaucoup du fait de ses performances (une fréquence de 4hz pour une réserve de marche de 6 jours) et de ses caractéristiques techniques (le double barillet autorégulateur, le balancier en silicium et platine, le spiral avec une courbe terminale plate et le système triple pare-chute d'absorption des chocs). Plus que ses finitions, au demeurant excellentes, c'est son aspect à la fois lumineux et contemporain qui le rend visuellement si séduisant. Il se dégage de ce mouvement, bien dans le style De Bethune, une esthétique que je ne retrouve nulle part ailleurs. Il possède une petite coquetterie propre à la DB25 Quetzalcoatl avec la présence à côté d'un des barillets d'un des symboles utilisés pour les chiffres du cadran. J'aurais cependant aimé que De Bethune aille plus loin à ce niveau et propose une véritable évolution décorative du mouvement pour sortir du rendu habituel du DB2005.
Ce reproche est vite oublié une fois la montre mise au poignet. Mais s'agit-il vraiment d'une montre? Ne serait-ce pas plutôt une sorte d'oeuvre artistique animée? La DB25 Quetzalcoatl indique certes l'heure mais je peux vous assurer que je fus bien plus préoccupé par la forme du serpent dessinée par les positions de la tête et de la queue que par n'importe quelle considération temporelle. Il est rigoureusement impossible de ne pas se perdre dans ce cadran et de ne pas laisser son esprit vagabonder autour des éléments tri-dimensionnels. Une nouvelle fois, mais avec une démarche différente de celle de la DB25 IXième inframonde Maya, De Bethune fait mouche et nous charme avec une montre envoûtante dont la beauté traduit une grande rigueur artistique et technique.
Merci à l'équipe De Bethune pour son accueil à Baselworld 2015.
Les plus:
+ la beauté du cadran et l'excellence du travail de Michèle Rothen
+ l'originalité apportée par l'affichage du temps
+ les performances du mouvement DB2005
+ l'aspect élancé du boîtier
Les moins:
- j'aurais apprécié une approche décorative du mouvement plus spécifique au contexte de la montre