A quelques jours de la Foire de Bâle au cours de laquelle le Chronomètre Observatoire de Leroy sera officiellement présenté, j'ai souhaité vous proposer la version française d'un article écrit il y a quelques semaines sur PuristSPro. J'attire votre attention sur le fait que la montre photographiée est un prototype terminé quelques heures avant ma rencontre avec Olivier Müller, Karsten Frassdorf et Eric Giroud. La montre dévoilée à Bâle proposera les finitions définitives.
Leroy. Un nom prestigieux. Et un nom très difficile à porter en même temps lorsque j'analyse les différents projets qui furent menés ces dernières années dans le but de relancer la marque. Y-a-t-il une sorte de fatalité ou de malédiction? Je n'en sais rien mais au bout du compte, je fus très fier et excité d'être convié à dîner avec Olivier Müller en compagnie de quelques privilégiés pour découvrir juste avant le début du SIHH la nouvelle montre qui porterait le nom de Leroy sur son cadran. Ce n'est pas compliqué d'expliquer les raisons pour lesquelles je ne pouvais pas manquer cette opportunité:
- de nouveau, le prestige lié au nom de la marque
- la montre est un chronomètre et donc nous touchons le coeur même de ce qui fait le fondement de l'horlogerie: la quête de la précision
- les participants du dîner car autour de la table se trouvait un trio au pedigree impressionnant: Olivier Müller, Karsten Frassdorf et Eric Giroud qui, comme de bonnes fées, se sont penchés sur le berceau de cette montre
- l'appartenance de Leroy au groupe Rodriguez ce qui donne des moyens et des atouts industriels
- et bien évidemment, l'envie de connaître la stratégie de Leroy pour atteindre le succès.
Je connais Olivier, Karsten et Eric depuis de nombreuses années. Je me rappelle très bien ma première rencontre avec Karsten au Train Bleu Gare de Lyon au cours d'un déjeuner. Je fus séduit à l'époque par son approche de l'horlogerie où la quête de la performance chronométrique passe par les basses fréquences, les grands balanciers et la stabilité de marche. Grâce à Karsten je fus en mesure de voir des balanciers aux diamètres supérieurs à 16mm! L'année dernière, je rencontrais Olivier Müller sur le stand Leroy à Bâle et il me demanda d'être patient car le projet derrière Leroy visait à mieux profiter du patrimoine historique de la marque et qu'une telle ambition nécessitait du temps pour être mise en oeuvre. Je fus donc patient mais que ces 10 derniers mois furent longs jusqu'au moment où la fameuse montre Chronomètre Observatoire fut dévoilée lors du dîner genevois. Je vous propose donc de l'observer de plus près.
La montre porte le nom de Chronomètre Observatoire parce que comme tout bon chronomètre qui se respecte, son bulletin de marche sera délivré par un Observatoire prestigieux, celui de Besançon qui teste la montre et pas uniquement le mouvement. Elle est animée par un calibre à remontage manuel, le L200 à double-barillet et à petite seconde à 6 heures et qui propose comme complication additionnelle un indicateur de réserve de marche fonctionnant grâce à un disque visible dans un très discret guichet à 9 heures.
Les principales caractéristiques techniques du mouvement sont:
- les deux barillets sont en parallèle
- son diamètre est de 15 lignes ce qui est la bonne taille pour obtenir un cadran équilibré
- son épaisseur est de 4,5mm
- la réserve de marche est de 98 heures. En fait, la montre pourrait atteindre une réserve de marche théorique de 150 heures mais elle est limitée grâce à un levier à saut instantané pour préserver l'isochronisme et obtenir la meilleure stabilité de marche tout le long du fonctionnement de la montre
- il utilise 42 pierres (38 saphirs et 4 diamants)
- sa fréquence est de 2,5hz ce qui n'est pas une surprise!
- l'angle de levée du balancier est de 16°
- il comporte un stop-seconde.
Comme je pouvais m'y attendre, l'organe régulateur propose plusieurs solutions techniques particulières. Il contient un échappement à impulsion directe, hommage à Pierre Le Roy et également une cage de Brun, qui fut inventée par un horloger du même nom vers 1900.
Le spiral à double courbe terminale est basé sur les travaux de Pierre Le Roy. La courbe intérieure et la courbe extérieure favorisent l'isochronisme en permettant au spiral de conserver un comportement adéquat, un déploiement concentrique, même en position verticale. De plus, grâce à la cage de Brun, l'horloger en charge de régler le point d'attache et la courbe terminale extérieure du spiral possède une grande liberté d'action puisque les positions des pitons sont variables sur 360°. C'est d'ailleurs cette cage de Brun qui donne cet effet visuel inattendu au-dessus de l'organe régulateur. Les quatre diamants se trouvent au niveau des deux palettes de l'ancre de dégagement, de la cheville de dégagement et de la cheville du plateau d'impulsion.
Le moment est venu pour vous présenter une des originalités visibles côté cadran. Lorsque vous observerez la trotteuse, vous serez surpris par son comportement. En fait, vous devez considérer qu'elle fonctionne par période de deux secondes. Dans chaque période, elle effectue un petit saut et un saut plus long. Il s'agit d'un nouvel hommage à Pierre Le Roy qui porte le nom le saut "duplex". Ma compréhension est que la graduation du sous-cadran de la trotteuse sera revu afin de prendre en compte le saut "duplex".
La décoration du mouvement était loin d'être achevée lorsque j'ai pu voir et manipuler la montre. Elle sera évidemment effectuée avec beaucoup de soin. Je reviendrai sur le sujet des finitions après avoir vu la montre dans sa version finale à Bâle. En tout cas, j'ai pu d'ores et déjà apprécier l'architecture du mouvement qui est à la fois classique et plutôt inhabituel (grâce notamment à la cage de Brun). Quelques détails portent la touche de Karsten Frassdorf mais au bout du compte il ne ressemble pas à ce que j'avais vu précédemment chez FDMN ou Heritage. C'est une bonne nouvelle car cette architecture de mouvement apporte la preuve d'une véritable ambition et d'un développement spécifique pour Leroy.
La montre en elle-même, et son cadran plus spécifiquement, porte la signature d'Eric Giroud. J'aime beaucoup les chiffres appliqués à la fois clairs et précis, la partie centrale guillochée et le très discret guichet de l'indicateur de réserve de marche. Lors du dîner, cet indicateur fonctionnait ainsi. Jusqu'à 60 heures de fonctionnement, le disque affiche la même couleur que le cadran. Entre 60 et 80 heures, une couleur blanche apparaît. Au-dessus de 80 heures: le guichet vire au rouge, il est temps de remonter la montre! En fait, l'équipe Leroy allait profiter des semaines jusqu'à Baselworld pour travailler sur le disque afin de mieux motiver le propriétaire de la montre pour qu'il la remonte quotidiennement pour une meilleure précision. Les aiguilles "Courteault" évidées offrent un meilleur contraste avec le cadran que je ne l'imaginais. Elles me rappellent évidemment les aiguilles des anciennes Osmior.
Le boîtier est également réussi, préservé de tout effet de style inutile. La couronne du prototype était trop petite mais elle fut depuis redessinée et agrandie pour une meilleure manipulation... ce qui est le bienvenu pour une montre à remontage manuel! Le boîtier qui alterne des éléments polis et brossés sera disponible en 38 ou 40mm de diamètre en or rose, or gris ou en bicolore. Olivier Müller insista sur le fait que bien entendu, une certaine personnalisation sera possible comme par exemple l'utilisation d'aiguilles bleuies à la place des aiguilles rhodiées.
Au cours du dîner eut lieu un débat sur le design du cadran, pour être totalement transparent avec vous. Certains participants expliquèrent que pour une montre chronomètre, l'approche la plus pure était la meilleure. Je comprends ce point de vue mais pour moi il est aussi important d'apporter quelques touches esthétiques donnant du caractère. C'est la raison pour laquelle j'ai apprécié d'observer le contraste entre la partie centrale guillochée et la partie périphérique ainsi que les chiffres appliqués. De plus, ces derniers contribuent positivement à la qualité perçue.
Comme vous pouvez le constater, j'ai un sentiment très favorable suite à la première observation de cette montre et ce grâce à son mouvement et à son design. C'est la raison pour laquelle il me tarde de découvrir la version finale à Bâle qui je l'espère, confirmera cette impression initiale.
Merci à Olivier Müller, Karsten Frassdorf et Eric Giroud.