Et si le pays le plus créatif en matière d'horlogerie était l'Angleterre? Je ne sais pas si c'est le prisme du SalonQP qui me donne cette impression, mais chaque année je découvre à Londres de nouvelles marques et surtout de nouvelles démarches horlogères. Ce n'est pas la première fois que Richard Hoptroff honorait le Salon de sa présence mais cette année avait un goût particulier avec la présentation des prototypes des montres atomiques succédant ainsi aux montres électro-mécaniques de l'année précédente.
Montres atomiques? Voilà qui semble pour le moins étrange. Leur intérêt en termes de précision est évident mais les systèmes atomiques évoquent plus les horloges "maître" sur lesquelles s'ajustent les montres radio-pilotées. Alors l'idée de se retrouver avec une montre atomique peut surprendre: ne faudrait-il pas une brouette pour qu'une telle montre puisse nous accompagner? Mais telle est la grande réussite de Richard Hoptroff et de son équipe: être arrivé à réduire la taille du mécanisme afin qu'il puisse être logé tout d'abord dans une montre de poche avec la n° 10 puis dans une montre-bracelet avec la n° 16.
Le principe du mécanisme est le suivant: il mesure les transitions atomiques des atomes de gaz de Cesium contenu dans une petite capsule. Un processeur à signal numérique compte ces transitions et lorsque le nombre de 4.596.315.885 transitions est atteint, il considère qu'une seconde est écoulée. Pour que les transitions atomiques puissent s'opérer, les électrons de l'atome doivent être sollicités par un laser tandis qu'un résonateur à hyperfréquence détermine la fréquence de transition. S'il fallait comparer cette fréquence à celle d'une montre mécanique traditionnelle, nous obtiendrions le nombre impressionnant de 4.596.315.885 x 36.000 alternances soit plus de 16 millions de millions d'alternances par heure. La précision théorique d'un tel mécanisme est égale à un écart de 1,5 secondes tous les mille ans. Au-delà de la taille, la principale contrainte du mécanisme est le nécessaire maintien d'une température constante afin que les écarts de température n'affectent pas le comportement des capteurs. C'est la raison pour laquelle se trouve dans la montre une sorte de "four" qui chauffe à 130 degrés la capsule de gaz de Cesium.
La n° 10 est la preuve à la fois du potentiel d'un tel mécanisme et du talent de Richard Hoptroff. Se situant dans la lignée des montres de poche ultra compliquées qui ont marqué l'histoire de l'horlogerie, la n° 10 proposera, une fois achevée, vingt-huit indicateurs côté face et au moins une vingtaine supplémentaire sur le cadran arrière de la montre. Elle regroupera à la fois des données temporelles, astronomiques mais également géographiques ou barométriques.
La n° 16 poursuit le chemin tracé par la n° 10 mais cette fois-ci avec un atout majeur: il s'agit d'une montre-bracelet. Certes, les dimensions de cette montre à double-cadran demeurent extrêmement généreuses avec un gabarit de 83,7mm sur 43,4mm, sans parler de l'épaisseur se situant autour des deux centimètres aux points les plus hauts des verres. Mais après tout, qu'importe! Cette taille ne l'empêche pas de revendiquer le titre de montre-bracelet la plus précise au monde. Et puis, esthétiquement, elle dégage une atmosphère particulière.
En fait, elle donne l'impression de surgir d'une faille spacio-temporelle: un mouvement atomique dans un boîtier que je trouve à l'esprit très Steampunk sans oublier deux cadrans d'inspiration Art Nouveau avec les locutions latines qui inscrivent la pièce dans une certaine intemporalité... La construction en deux cadrans est un choix intelligent. Elle permet de préserver la "portabilité" de la montre, de répartir de façon judicieuse les fonctions et d'améliorer la lisibilité.
Le cadran de droite est dédié à l'affichage du temps avec les traditionnelles heures, minutes et secondes à droite. A gauche de ce cadran, se trouve l'affichage du temps sidéral. Au sommet du cadran, se situe l'équation du temps. L'organisation de ce cadran n'est pas anodine. Elle est inspirée par celle de la Space Traveller de George Daniels. Une attitude typiquement anglaise revendiquée par les créateurs d'aujourd'hui qui n'hésitent pas à rendre hommage aux pièces majeures de leur patrimoine.
Le cadran de gauche est en revanche consacré à des fonctions plus astronomiques même si on y retrouve la date ou la réserve de marche: les phases de lune, l'heure du lever du soleil, du coucher y sont ainsi indiqués.
Une des plus belles réussites de la n° 16 est la cohérence entre les affichages et la forme du boîtier. Les continuités des longues courbes font référence au signe de l'infini dessiné par le boîtier et rappellent la longévité de la précision grâce au système atomique. Deux visages relient les cadrans. Contrairement aux apparences, leur rôle n'est pas uniquement décoratif. Les yeux en saphir bleu se mettent à briller une fois chacun pour indiquer qu'une minute vient de s'écouler: une façon élégante et subtile d'apporter une fonction supplémentaire à la montre. Les yeux permettent de signaler également si la montre est en mode atomique complet ou pas. Le poussoir supérieur active le mode Bluetooth permettant de régler la montre via une application iOS (et prévue pour Android cette année) et utile lors d'un voyage afin que les heures du lever et du coucher soient correctement positionnées. Le poussoir inférieur sert à activer le mode atomique complet. Lorsqu'il n'est pas activé, la précision de la montre demeure extrêmement élevée avec un écart de 10 secondes tous les mille ans. L'intérêt de la désactivation est de prolonger la durée de fonctionnement de la batterie et donc de lui éviter des recharges trop fréquentes.
La Hoptroff n° 16 est bel et bien une montre marquante de l'horlogerie contemporaine. Si elle ne possède pas le côté magique d'une montre purement mécanique, elle n'en demeure pas moins une formidable démonstration du talent de Richard Hoptroff qui parvient à créer une première mondiale (elle est à ma connaissance la seule montre-bracelet atomique à être commercialisée) sans le soutien logistique de grands groupes. De plus, le système utilisé répond à l'objectif poursuivi par tout horloger qui se respecte: la quête pour la meilleure précision dans la durée. En rendant cette technologie atomique compatible avec une montre bracelet, Richard Hoptroff s'inscrit finalement dans cette tradition des horlogers du passé qui oeuvraient pour atteindre la meilleure chronométrie en utilisant les technologies contemporaines. Une chose est sûre: les performances chronométriques de la n° 16 seront maintenant difficiles à battre!
La Hoptroff n° 16 est disponible en acier (12.200 GBP HT), en or rose (22.500 GBP HT) et en platine (31.500 GBP HT) directement auprès de Richard Hoptroff. Elle sera produite en cent exemplaires.
Les plus:
+ une première mondiale dévoilée sans tambour ni trompette
+ la précision du système atomique
+ l'organisation en deux cadrans
+ la cohérence esthétique de l'ensemble
Les moins:
- la portabilité de la montre est acceptable mais le gabarit impressionnant oblige à la porter au-dessus d'une chemise