C'est devenu une habitude dont personne ne se plaindra: Schofield profite de chaque édition du SalonQP pour présenter en avant-première une nouvelle montre au public anglais dont la fibre patriotique n'est plus à démontrer. Schofield revendique avec force et style ses origines et son identité qui furent mises en avant avec la première montre de la marque, la Signalman. Cette dernière rend hommage aux gardiens de phare des côtes anglaises et reprend des codes esthétiques inspirés par les superbes tours lumineuses du sud du pays qui protègent et guident les bateaux lorsque les conditions de navigation deviennent délicates. Dans ce contexte, la Signalman est une montre qui retranscrit à la fois toute la rudesse de la vie côtière avec son boîtier imposant et épais et aussi la puissance de l'éclairage des phares grâce à la forme particulière de la carrure et du verre.
La nouveauté de cette année, la Beater, s'inscrit dans cette continuité tout en apportant des changements que je trouve pertinents. L'air de famille avec la Signalman est incontestable: un boîtier aux formes et aux dimensions similaires (44mm de diamètre pour une épaisseur de 14,5mm légèrement inférieure), les graduations, index et chiffres identiques, le logo de la marque inspiré par la rotation du rayon lumineux du phare, tout est fait pour se retrouver dans une atmosphère connue et appréciée par les fans de Giles Ellis, le créateur de la marque.
Cependant, petit à petit, les différences apparaissent et finissent par créer une nette distinction par rapport à la Signalman. Ce sont ces différences à la fois subtiles et déterminantes qui me font plus apprécier la Beater par rapport à sa devancière.
La Beater suit deux principes: la diversité et la simplicité. La diversité puisque, dès sa sortie, la montre est disponible en trois versions: boîtier en acier, cadran gris, boîtier en bronze, cadran bleu profond, boîtier en titane bleui, cadran vert marin. La simplicité car aucune complication, ne serait-ce qu'une trotteuse, n'orne le cadran. Le charme de la Beater vient de cette combinaison et de la qualité de sa fabrication.
Profitant de ses dimensions généreuses, la Beater permet d'apprécier les trois couleurs des cadrans en émail qui dans chaque cas forment une paire assortie avec les matériaux du boîtier. J'aime beaucoup la façon avec laquelle les index et graduations se détachent de la couleur du fond et la petite touche décalée apportée par le B rouge situé juste au dessus des lieux de fabrication (Sussex & England). Du point de vue purement esthétique, les versions acier et bronze sont mes préférées car je trouve leurs couleurs plus douces et plus en harmonie. La version titane bleuie n'en demeure pas moins séduisante mais plus audacieuse et peut-être plus lassante sur le long terme.
Compte tenu de leur fabrication, les cadrans offrent un large spectre d'effets de couleur qui les décorent et les animent à la fois. Ces reflets sont, il faut bien l'avouer, bienvenus car la Beater m'aurait semblé un peu trop inerte sans. La quête de la simplicité poussée à son paroxysme me fait regretter l'absence d'une trotteuse centrale qui n'aurait pas dénaturée la montre. Mais rendons hommage à Giles Ellis: il va au bout de ses idées et je ne peux pas lui en tenir rigueur.
J'ai évoqué la revendication des origines anglaises de Schofield. Elle semble plus délicate à mettre en avant lorsqu'il s'agit d'évoquer le mouvement. Giles Ellis ne s'est effectivement pas lancé dans un projet aussi ambitieux que celui de Robert Loomes qui visait à rendre sa montre 100% anglaise. Cependant, il s'en sort avec astuce. Il utilise un stock de mouvements ETA 2724-R en état de marche, nettoyés, ré-assemblés et ajustés en Angleterre pour animer la Beater. Ces mouvements étaient initialement destinés à une marque s'appelant Synchron 67. Je trouve que l'idée de conserver ce marquage présent sur la masse oscillante est excellente: c'est un peu comme si la traçabilité du mouvement était préservée! Et puis, il aurait été presque ridicule de cacher son origine. Sans être d'une beauté stupéfiante (l'ETA 2724-R reste après tout un mouvement simple), il est agréable à regarder et le piège de la décoration en arbre de Noël a été évité. Le rendu brut est après tout fidèle à l'atmosphère dégagée par la montre. En termes de performances, l'ETA 2724-R se situe dans les standards de l'époque avec une fréquence de 4hz et une réserve de marche de 42 heures. Il semble un peu perdu dans le boîtier mais les teintes de la bague et de la lunette donnent l'impression que le mouvement est plus grand qu'il n'est.
La Beater impose ses dimensions et son épaisseur une fois mise sur le poignet. La hauteur du boîtier surprend beaucoup pour une montre à deux aiguilles. La forme du verre accentue sa présence et renforce le charme du cadran. La courbure des cornes et le positionnement du bracelet sous la carrure du boîtier ont heureusement une influence positive sur le confort. Mais la grande force de Schofield est son incroyable diversité de bracelets à disposition. Tweed, caoutchouc, veau, cordovan, difficile de ne pas trouver son bonheur parmi toutes ces textures... et ces couleurs! Finalement Schofield joue sur le même registre, mais avec son propre style, qu'une célèbre marque italienne: le plus grand plaisir procuré par la Beater est sa capacité à se transformer grâce à l'utilisation de nouveaux bracelets. New strap, new watch... jamais ce vieil adage n'aura été aussi vrai qu'avec cette montre simple et séduisante.
Merci à Giles Ellis pour son accueil pendant le SalonQP 2014.
Les plus:
+ la cohérence stylistique avec les autres montres de la collection Schofield
+ le caractère affirmé du boîtier
+ la présentation des cadrans
+ la diversité offerte par les trois versions et les bracelets aux multiples textures et couleurs
Les moins:
- l'épaisseur du boîtier surprend pour une montre à deux aiguilles
- l'absence de trotteuse pour ceux qui souhaitent la présence d'un témoin de marche