Une des montres qu'il ne fallait rater sous aucun prétexte lors du dernier SalonQP était incontestablement la Bonhoff IP3.0. En effet, cette dernière apporte la preuve qu'il est possible d'innover et de réinventer l'affichage du temps tout en restant dans des concepts et des prix raisonnables.
L'IP3.0 qui se décline en deux versions (W: white et B: black) est une montre de prime abord déroutante car tant que la méthode de lecture de l'heure n'est pas expliquée, il est radicalement impossible de deviner rapidement comment elle fonctionne et surtout à quoi rime son cadran. Cependant, il se dégage de façon presque instantanée une atmosphère particulière: la pureté des disques présents sur le cadran, l'absence de chiffre ou de lettre et l'étonnante intégration du bracelet rendent le design de la montre à la fois abouti et très contemporain.
Les petits cercles coïncident, il est deux heures:
L'autre sentiment que l'IP3.0 procure est qu'elle laisse peu de place à la fantaisie malgré son originalité. Rien ne dépasse, sauf peut-être la couronne, tout est propre à la limite de la froideur clinique ce qui en l'occurrence est une composante de sa réussite. Cette montre est bien entendu à l'image de son créateur, Hannes Bonhoff, ingénieur acoustique de formation qui trouve à travers le lancement de sa marque horlogère un vecteur de ses idées et de ses brevets. L'IP3.0 reprend deux de ses idées fondamentales:
- l'affichage du temps à la demande,
- le bracelet qui devient en même temps composant du boîtier.
Amateurs de géométrie, cette montre est faite pour vous! La lecture du temps nécessite un petit effort de la part de la personne qui la porte. Il suffit d'observer le cadran et plus particulièrement les disques. En tournant la lunette, grâce aux différents verres saphir, les disques bougent les uns par rapport aux autres. En faisant coïncider les deux petits disques, la graduation apparaît dans l'ouverture principale en face de ce qui est l'unique marqueur de la montre: un petit carré noir situé sur le disque blanc supérieur. L'heure se lit alors comme sur une montre traditionnelle. Puis, il faut poursuivre l'effort pour faire coïncider les deux grands disques: la graduation indique dans ce cas les minutes.
Les grands cercles coïncident, il est 50 minutes:
Nous touchons ici le point crucial de la Bonhoff IP3.0. Compte tenu de l'affichage du temps à la demande et la double opération qu'elle impose, elle s'adresse avant tout à des amateurs à la recherche d'une interactivité et qui prennent plaisir à devoir agir, faire un effort pour que leurs montres daignent offrir ce pour quoi elles sont faites à la base: donner l'heure! Rares sont les montres mécaniques, même les plus étranges qui nécessitent une action pour que le temps s'affiche comme s'il existait une barrière psychologique empêchant le déploiement de ce concept. Il est vrai que nous nous heurtons à la mission première d'une montre. Dans nos sociétés contemporaines où le temps est si précieux, où tout va de plus en plus vite, il est impératif de pouvoir lire l'heure en une fraction de seconde et dans certains cas, de façon discrète pour ne pas vexer son interlocuteur ou ne pas trahir son ennui en réunion. Avec la Bonhoff IP3.0, il faut oublier immédiatement toute velléité de lecture du coin de l'oeil à la vitesse de l'éclair. Elle crée au bout du compte une autre relation avec le temps qui passe et en un sens, le rend beaucoup plus précieux. C'est peut-être sa plus belle vertu!
Les "clous de Paris" permettent une meilleure manipulation de la lunette:
La lunette joue ainsi un rôle primordial puisqu'elle est le lien entre la montre et son propriétaire. Manipulée plusieurs fois par jour, elle se doit d'être précise et agréable. La notion d'effort ne devait pas se transformer en chemin de croix! Si l'IP3.0 me séduit, c'est bien parce que la rotation de la lunette est parfaitement dosée: elle est ni trop dure, ni trop douce, elle est idéalement adaptée à la fonction qui lui est assignée. Le rapprochement des petits et des grands disques s'effectue donc avec plaisir.
L'IP3.0, au-delà de son concept original est aussi une réussite esthétique. Epurée à l'extrême, à la limite même de l'austérité, la montre se singularise par sa "circularité" mise en valeur par le très étonnant bracelet. Ce dernier épouse le boîtier, l'englobe jusqu'à en devenir une composante. Le résultat est visuellement très surprenant et convaincant du point de vue du confort. Le diamètre du boîtier en titane est certes imposant (44,3mm) mais l'absence de corne permet de réduire la taille perçue. De plus, le bracelet n'est pas qu'un artifice de designer. Il maintient la montre avec efficacité et l'ensemble se porte avec plaisir grâce également à la légèreté du boîtier.
Un autre adjectif qui me vint à l'esprit en observant et manipulant l'IP3.0 est celui de "raisonnable". Le côté iconoclaste et déroutant ne sollicite pas un module d'affichage aux prouesses techniques superlatives. La montre demeure simple dans sa conception et dans le mouvement qui l'anime, un ETA2824-2 en finition élaborée. Le rotor a cependant été revu afin de rappeler les formes présentes sur le cadran. La conséquence de ce choix est évidente: la IP3.0 est commercialisée avec un prix de 4.300 euros TTC ce qui est finalement un tarif ajusté compte tenu de la qualité de l'usinage, les sensations procurées par la lunette et surtout l'ambiance créée par cette pièce unique en son genre.
L'IP3.0 est une montre qui me plaît beaucoup. Certes, son principe va à l'encontre de ce qu'une montre doit être: un instrument permettant une lecture aisée et rapide de l'heure. Et c'est bien ce côté rebrousse-poil qui me plaît le plus: je me suis surpris à jouer avec les cercles, plus pour dessiner des formes sur le cadran que pour véritablement lire l'heure. L'interactivité qu'elle propose et ce contexte esthétique contemporain abouti la rendent très séduisante. Mais ne perdez jamais de vue qu'elle s'adresse avant tout à des personnes qui aiment capter le temps qui passe de façon rare et posée.
Merci à Hannes Bonhoff pour son accueil pendant le SalonQP 2014.
Les plus:
+ une véritable originalité esthétique
+ l'interactivité créée par l'affichage de l'heure à la demande
+ la sensation provoquée par la manipulation de la lunette
+ le mouvement simple et fiable
+ le confort au porté malgré la taille
Les moins:
- la suppression de la couronne aurait rendu la montre encore plus esthétiquement aboutie
- même avec de l'habitude, la lecture de l'heure n'est pas instantanée: si vous êtes pressés, passez votre chemin