Il ne faut pas se fier aux apparences.
Malgré son gabarit imposant, l'Oktopus MoonLite est la montre la plus
légère jamais produite par Linde Werdelin avec un poids de 62,5 grammes.
Cette performance est due à l'utilisation d'un alliage spécial, l'ALW
(Alloy Linde Werdelin) spécifiquement développé pour la marque, 50% plus
léger que le titane tout en étant plus résistant que l'acier. Linde
Werdelin reste très secret sur la composition de cet alliage mais ses
performances et son implication dans l'industrie aéronautique m'évoquent
le Zalium (Aluminium et Zirconium) cher à Harry Winston. En tout cas,
cette légèreté est la bienvenue car le boîtier présente des dimensions
très généreuses (44mm sur 46mm pour une épaisseur de 15mm).
Cependant,
ce serait faire preuve d'une très mauvaise foi que de considérer cette
Oktopus MoonLite uniquement comme une nième montre imposante. Elle est
beaucoup plus subtile que ses dimensions laissent supposer. Je la trouve
même très réussie car elle parvient à dégager un sentiment général de
douceur.
Les
couleurs qui sont utilisées constituent une première explication à
cette surprenante impression. Les dégradés et reflets de gris présents
sur le cadran et sur le boîtier combinés avec le blanc du bracelet
caoutchouc sont en effet très reposants et donnent beaucoup de charme à
la montre. Rarement un bracelet blanc m'est apparu aussi bien adapté au
contexte particulier d'une pièce. Linde Werdelin propose toute une gamme
de couleurs pour son bracelet caoutchouc et j'ai beau imaginer le rendu
visuel avec un de ces bracelets, rien n'y fait: le bracelet blanc me
semble le plus adéquat, le plus séduisant et de loin!
Une
autre raison qui explique le côté paisible de l'Oktopus MoonLite est sa
complication additionnelle. Je retrouve le module développé en interne
qui avait déjà été utilisé précédemment sur les Oktopus Moon et qui
permet l'affichage des phases de lune sur plusieurs jours à travers 2
plages: une de 8 jours au bas du cadran qui englobe le jour même et une
de 3 jours située à 2 heures. Le principe de cet affichage est
d'utiliser des représentations photo-réalistes luminescentes de la Lune
tandis que la pleine Lune apparaît en bleu. J'aime beaucoup les montres
qui proposent de jouer avec notre satellite naturel sans indiquer les
quantièmes. L'idée qui consiste à remplacer une complication utile (la
date) par une complication dont le principal intérêt est la dimension
poétique peut sembler farfelue mais elle crée une autre relation par
rapport au temps qui passe. L'affichage des phases de lune est
généralement ressenti comme une complication dédiée aux montre
habillées, élégantes et le fait de le retrouver dans le contexte de
cette montre de caractère est à la fois original et plaisant. Et puis se
cache un aspect pratique: cette affichage sur plusieurs jours a été
conçu pour permettre aux plongeurs de nuit de mieux choisir la date de
leur performance afin de profiter des meilleures conditions de
luminosité lunaire. Difficile de trouver une cible de clientèle plus
restreinte!
Montre
harmonieuse et rassurante, l'Oktopus MoonLite n'en demeure pas moins
une montre puissante grâce à ce qui fait sa plus grande force: son
design extrêmement abouti. Le travail sur le boîtier est d'un très haut
niveau de sophistication car il parvient à définir des formes très
angulaires tout en conservant un équilibre d'ensemble. C'est d'ailleurs
le boîtier qui constitue l'élément principal de la montre: l'ouverture
du cadran étant très limitée, l'Oktopus MoonLite surprend par
l'épaisseur de sa lunette, le protège-couronne proéminent et la parfaite
intégration du bracelet qui de par sa forme, semble prolonger le
boîtier. Les vis sont (trop?) omniprésentes, à la fois sur la lunette mais aussi comme fixations du bracelet. Elles ont toutefois le mérite d'apporter des ruptures esthétiques car sinon le boîtier serait apparu comme trop monolithique.
Le
cadran révèle également quelques surprises. L'affichage des phases de
lune reste finalement assez discret malgré les deux plages. Cela est dû à
l'aspect du cadran qui se présente comme une grille à plusieurs
niveaux. La lisibilité est cependant tout à fait acceptable compte tenu
de l'épaisseur des aiguilles. La finition de la partie centrale et du
rehaut apporte la nécessaire touche de raffinement et les ouvertures du
cadran allègent visuellement l'ensemble.
Le
fond du boîtier est plein et c'est une bonne nouvelle! En effet, il
permet de profiter de la décoration Oktopus (joliment exécutée
d'ailleurs) et assurément bien plus intéressante qu'à observer que le
calibre de base (Concepto?) qui anime la montre et le module de
complication. Et ce fond plein est plus cohérent avec l'esprit de la
montre qui revendique une étanchéité fort respectable de 300 mètres.
L'Oktopus
MoonLite dégage un sentiment paradoxal au poignet. Elle surprend par sa
légèreté mais aussi par son volume. Malgré le confort au porté, elle ne
fait pas oublier ses dimensions impressionnantes. Cependant, elle épouse parfaitement les formes du poignet grâce à l'absence de cornes et à l'angle que fait le
bracelet par rapport au boîtier: il est d'ailleurs impossible de poser
la montre à plat. Elle ne nécessite donc pas un poignet XXL même si du
point de vue esthétique, elle conviendra mieux à une personne ayant une
solide constitution.
Linde
Werdelin a ainsi réussi à travers cette montre une très délicate
alchimie, celle qui consiste à combiner complication poétique avec un
contexte imposant. Le choix de la légèreté et des couleurs apporte
beaucoup d'équilibre à l'Oktopus MoonLite en contrebalançant le gabarit
important du boîtier. Mélangeant angles aiguisés et formes sphériques,
l'Oktopus MoonLite est peut-être la plus belle réussite du point de vue
esthétique de Linde Werdelin.
L'Oktopus MoonLite, présentée à Baselworld 2014, est disponible dans le cadre d'une série limitée de 59 pièces.
Les plus:
+ une véritable réussite esthétique renforcée par la complexité et la finition du boîtier
+ le motif du fond plein
+ la parfaite intégration esthétique de la complication additionnelle
+ le confort au porté
Les moins:
- malgré son confort, la montre nécessite un poignet suffisamment grand pour des raisons esthétiques
- les vis sont un peu trop omniprésentes