Rolex: Cellini Dual Time

2014 est une année à marquer d'une pierre blanche pour Rolex car pour la première fois depuis des lustres, la Manufacture fait preuve d'une véritable ambition sur le segment de la montre habillée grâce à la présentation d'une toute nouvelle collection Cellini (12 montres pour 3 modèles, 2 matériaux et 2 cadrans). Ce n'est certes pas la première incursion prometteuse de Rolex dans ce segment au cours des dernières années. Après tout, les Cellini Prince sont des montres plutôt réussies inspirées par les Prince des années 20 à cadrans décentrés. Mais ces Prince sont des montres de forme et leur potentiel de clientèle est tout de même très restreint par rapport à celui des montres rondes.


A titre personnel, j'ai toujours trouvé les Cellini rondes extrêmement fades y compris la Cellinium comme si Rolex, pourtant totalement à l'aise avec les Oyster, avait du mal à trouver la bonne recette pour ses montres plus habillées. La preuve est que j'ai du mal à définir ce qui caractérise une Cellini ronde: les montres actuelles ne possèdent pas de véritable identité et partagent très peu de points communs. Il n'est donc pas surprenant que la clientèle se tourne vers d'autres marques qui apparaissent comme des références du segment. Rolex ne pouvait laisser cette situation perdurer car dans un marché extrêmement concurrentiel, tout relai de croissance est bon à prendre. Les nouvelles Cellini s'inscrivent dans cette démarche stratégique qui vise à redonner de la crédibilité à Rolex dans ce créneau tout en élargissant son offre.

La collection Cellini qui vient ainsi d'être dévoilée à Bâle est composée de 3 montres: la Cellini Time, une 3 aiguilles à trotteuse centrale, la Cellini Date qui propose l'affichage des quantièmes grâce à une aiguille logée dans un sous-cadran à 3 heures et la plus intéressante du lot, la Cellini Dual Time qui indique l'heure d'un second fuseau sur 24 heures. Chaque montre est disponible en or rose ou en or gris, avec un cadran noir ou un cadran blanc. En comparant ces montres avec les autres Cellini rondes de la collection (quel sera leur sort d'ailleurs?), les progrès sont manifestes: incontestablement, Rolex marque un grand coup et affirme son retour convaincant dans l'univers des montres habillées. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette réussite.


Tout d'abord, Rolex est arrivé à construire une collection cohérente: les 3 montres partagent de nombreux détails communs comme le diamètre du boîtier (39mm), une lunette à deux niveaux dont la partie inférieure est cannelée, une couronne également cannelée, de longs index et un logo appliqués sans oublier le fond plein du boîtier légèrement bombé. L'effet d'appartenance à la même famille est accentué entre les Cellini Date et Dual Time du fait de l'utilisation d'un cadran guilloché en rayons de soleil, les fameux "rayons flammés de gloire".

Ensuite, Rolex a créé une sorte de rapprochement avec certaines montres Oyster par la reprise de subtils détails. La lunette et la couronne cannelées rentrent dans cette catégorie. En observant pour la première fois ces nouvelles Cellini, même en cachant le logo de la marque, nous pouvons deviner qu'il s'agit de montres Rolex. Cela semble anodin mais cette reprise de codes de la marque sera assurément un facteur de succès. De façon opposée, il est par exemple rigoureusement impossible de savoir que Rolex est derrière les Cellini actuelles semblant sortir de nulle part.


La qualité perçue contribue bien entendu aux sentiments positifs générés par cette nouvelle collection. Le boîtier est parfaitement usiné avec la lunette à deux niveaux du plus bel effet. Les index et chiffres appliqués apportent du punch aux différents cadrans: il émane de ces montres un équilibre, une harmonie, un charme classique sans qu'elles ne sombrent dans l'ennui.

Et bien évidemment, le dernier atout est la confiance que le nom de Rolex porte en lui. Pas de question à se poser sur la fiabilité ou la précision du mouvement: avec Rolex, ce sont des caractéristiques acquises. Le mouvement de base qui équipe cette nouvelle collection dérive de la famille des calibres 31xx comme le prouve la présence du spiral Parachrom bleu et nous retrouvons logiquement des performances standards avec une fréquence de 4hz et une réserve de marche de 48 heures. 


La balance semble nettement pencher du côté positif: en cumulant une approche esthétique enfin dépoussiérée avec tous les critères de qualité de la marque à la couronne, les nouvelles Cellini apparaissent comme des montres très désirables prêtes à marquer ce segment de l'empreinte de Rolex. Cependant, je pense que notre regard est un peu perturbé par le fait qu'elles présentent un tel pas en avant par rapport aux Cellini actuelles que nous les voyons peut-être plus belles qu'elles ne sont.

Prenons par exemple ma préférée de la collection: la Dual Time. Voici une montre qui présente une complication utile (l'affichage d'un second fuseau horaire) et qui la traite de façon astucieuse et efficace. L'heure du second fuseau est affiché dans sa globalité dans un sous-cadran à 6 heures qui intègre à sa gauche une petit guichet avec un indicateur jour&nuit. Ce second fuseau est facile à ajuster  grâce à un réglage simple à la couronne et lisible sans difficulté: tout l'esprit Rolex est là.

Pourtant, j'attends plus de Rolex sur ce thème: j'aurais par exemple imaginé un affichage qui gère  les fuseaux décalés de certains pays comme l'Inde... voire le Népal. Je me suis retrouvé avec un simple réglage des pas des heures ce que je trouve dommage pour une marque comme Rolex capable d'être plus innovante. Or la concurrence est capable aujourd'hui de proposer des réglages plus fins des seconds fuseaux.


Ensuite, j'aimerais savoir de quoi Rolex est capable en matière de décoration des mouvements. Si la finition technique des mouvements Rolex est excellente, ces nouvelles Cellini donnaient une opportunité, comme le font les Prince d'ailleurs, de dévoiler leurs entrailles et de se lâcher sur l'aspect décoratif. Le fond étant plein (le bombé "vintage" est certes joli), j'ai ressenti une certaine frustration. De plus, sur ce segment, la clientèle aime pouvoir profiter de la vue d'un mouvement joliment décoré. Si le fond plein a tout son sens sur une Oyster, l'est-t-il toujours avec cette Cellini qui se veut plus en phase avec son temps? Une étanchéité à 50 mètres le justifiait-il? Je comprends évidemment la politique de Rolex en la matière qui est toujours orientée vers la performance et l'efficacité. Mais il faut savoir aussi  se faire un peu violence, secouer ses principes pour justement sortir de la boîte logique.

Au final, les nouvelles Cellini dont la Dual Time me laissent un léger sentiment d'inachevé. En très net progrès par rapport aux Cellini actuelles, elles se distinguent par leur charme, leur équilibre au poignet: les 39mm constituent un diamètre idéal. J'ai néanmoins le sentiment que Rolex aurait pu aller jusqu'au bout de la démarche tant du point de vue technique que décoratif. 

Mais nous ne plaignons pas! La qualité Rolex demeure, la puissance de feu et d'attraction de la marque également, je suis certain que ces 3 montres, grâce à leurs incontestables atouts, trouveront leur place dans le segment des montres habillées.

Merci à l'équipe Rolex pour son accueil à Baselworld 2014.

Les plus:
+ enfin des Cellini rondes convaincantes!
+ une taille idéale (39mm)
+ la qualité de l'exécution (boîtier, cadran)
+ la lisibilité du second fuseau
+ la fiabilité et la précision du mouvement

Les moins:
- le fond plein dans ce contexte
- le réglage uniquement à l'heure du second fuseau