Ma sélection de l'année 2013

Le temps est venu en cette fin décembre de dresser un rapide bilan de l'année 2013 et de procéder à ma sélection des 10 montres qui m'ont le plus marqué. Lorsque l'année débuta, j'avais l'impression que nous étions en train d'entrer dans une année de transition. Si le SIHH fut relativement sage, il n'en demeura pas moins solide avec des nouvelles collections répondant aux attentes des détaillants. Le contenu du Salon me donna donc l'impression d'être pragmatique et efficace à défaut d'être flambloyant. La Foire de Bâle fut plus audacieuse grâce notamment  à la créativité des indépendants, les grandes marques s'inscrivant dans une approche similaire à celle du Groupe Richemont avec des collections très calibrées et finalement peu surprenantes. Je ressentis de la déception à la découverte des nouveautés de Rolex ou de Patek mais il n'en demeura pas moins que 2 avancées techniques d'envergure furent dévoilées à Bâle avec l'échappement constant de Girard-Perregaux et le Sistem51 de Swatch. Enfin, les marques qui voulurent échapper au tumulte bâlois profitèrent  des derniers mois de l'année pour présenter des pièces marquantes comme la LM2 ou l'EMC. Voici donc cette sélection qui se caractérise par une échelle des prix extrêmement large.

L'Echappement Constant de Girard-Perregaux fait logiquement partie de cette sélection. Récompensée par l'Aiguille d'Or au Grand Prix d'Horlogerie de Genève, elle symbolise la persévérance et le talent de la Manufacture. Au-delà de l'intérêt technique qu'il apporte, le mouvement définit une animation de cadran unique qui contribue grandement au charme de la montre. Espérons que l'Aiguille d'Or et cette démonstration de savoir-faire donneront un sérieux coup de projecteur sur les capacités de Girard-Perregaux.


La Swatch Sistem51 a fait couler beaucoup d'encre! Mais il est impossible de ne pas voir à travers ce projet, malgré le retard à l'allumage (la montre n'est actuellement disponible qu'en Suisse), l'expression du potentiel industriel du Swatch Group qui est capable d'automatiser et d'optimiser l'assemblage d'une montre automatique aux performances fort séduisantes: anti-magnétisme, longue réserve de marche et précision sont supposés être au rendez-vous. Finalement, il ne manque peut-être qu'une esthétique véritablement désirable pour que Swatch réussisse le sans faute.  Swatch devrait cependant se pencher sur ce sujet pour les modèles à venir car le Sistem51 devra séduire au-delà des "geeks horlogers". Une montre demeure avant tout un objet que l'on a envie de porter car il est séduisant.


L'EMC d'Urwerk fait également partie des montres qui ont marqué l'année du point de vue technique. A vrai dire, l'EMC a une dimension pratiquement philosophique. J'aime voir ce concept qui consiste à faire cohabiter deux univers (la montre mécanique, l'électronique) qui semblent opposés. Tout le talent de Felix Baumgartner a été de savoir préserver l'indépendance de la mécanique: l'électronique n'est ici qu'au service du propriétaire de la montre qui peut agir sur la précision de la montre. L'interaction entre l'homme et l'objet a toujours été une idée chère à Felix Baumgartner, l'EMC en est son expression la plus aboutie.



La LM2 de MB&F ne créa pas le même sentiment de surprise que la LM1 car elle s'inscrit dans la même mouvance esthétique que sa devancière. Mais pourtant que de différences! Le ballet des deux balanciers est hypnotisant et la présentation sans faille du mouvement met en valeur le talent de Kari Voutilainen. Même si je préfère la LM1 car la magie de son grand balancier est unique, la LM2 est incontestablement une des montres marquantes de 2013.


Il y a deux montres que j'ai particulièrement appréciées cette année chez Lange & Söhne: la 1815 Up & Down et la 1815 Rattrapante Quantième Perpétuel. Cette dernière m'a séduit par son style "montre de poche" légèrement suranné mais très classieux. Et quel plaisir de découvrir un mouvement chronographe à rattrapante dont l'architecture est très différente de celui du Double-Split. Enfin, dernier détail particulier: cette montre est la première Lange contemporaine qui affiche les quantièmes sans utiliser la Grande Date. Une montre qui représente le meilleur de l'expression de l'horlogerie traditionnelle.


Il est très difficile de trouver un horloger aussi imaginatif (pour ne pas dire iconoclaste) que Konstantin Chaykin. A force de parler d'animation de cadran créée par le ballet des aiguilles et autres fonctions horlogères, ce qui devait arriver arriva: la Cinema est une montre qui propose une vraie animation qui nous replonge dans les débuts du 7ième Art. La montre est esthétiquement décalée sans qu'elle ne choque, le mouvement est impressionnant dans son architecture et le caractère ludique de cette pièce n'est plus à démontrer. Une nouvelle réussite de la part de cet horloger de grand talent.


Je vous propose une promenade dans le ciel avec la Skybridge de De Bethune. Je pourrais vous parler du mouvement, des finitions et de toutes les caractéristiques habituelles d'une montre en provenance de la Manufacture de l'Auberson. Mais avant tout, la Skybridge est une montre qui provoque de superbes émotions grâce à son cadran d'une rare beauté. Notre regard se perd littéralement dans les étoiles qui parsèment un ciel concave. Le pont semble indiquer une direction imaginaire, vers les sommets, sûrement pour  pousser le propriétaire de la montre vers l'excellence.


Une sélection  sans l'Opus de l'année serait à peine concevable! Et cette année, Opus 13 d'Harry Winston mérite grandement d'en faire partie car c'est toute l'ingéniosité et la malice de Ludovic Ballouard qui s'y expriment. Opus 13 se caractérise par un formidable ballet d'aiguilles et par un mouvement absolument stupéfiant à observer, marqué totalement de l'empreinte de son créateur. La lisibilité de la montre n'est assurément pas son point fort mais le jeu des multiples petites aiguilles reste un spectacle incomparable.


La Spacecraft de RJ-Romain Jerome est une montre dérangeante et c'est ce qui me plaît en elle. Elle provoque de fortes émotions et suscite souvent l'incompréhension. Mais derrière ce design qui puise son inspiration dans le casque de Dark Vador se cache une montre cohérente à l'affichage du temps audacieux. Si la lecture des minutes est difficile, l'affichage des heures est en revanche totalement réussi grâce à un système linéaire-rétrograde-sautant. Le duo Jean-Marc Wiederrecht & Eric Giroux a encore frappé et cette fois-ci avec une montre au prix plus accessible. La Spacecraft témoigne également d'une orientation stratégique de RJ-Romain Jerome vers plus de contenu horloger.


Enfin, la dernière montre de la sélection est la Cartier Tank MC. Il s'agit d'une montre très importante pour Cartier car elle constitue un de ses produits d'appel avec le calibre de manufacture. Du point de vue esthétique, le travail effectué est pertinent en donnant une touche contemporaine aux lignes classiques Tank: le boîtier est plus courbé et sa taille est idéalement ajusté, ni trop grande, ni trop petite. Des petits rappels de la Calibre sont bien présents comme le prouve le secteur de la trotteuse. Mais la Tank MC possède sa propre identité orientée vers plus de polyvalence.



J'aurais pu rajouter aisément une bonne dizaine de montres à cette sélection et c'est avec regret que j'ai dû en retirer certaines pour respecter la limite que je m'étais fixée. Et puis une sélection trop large n'est plus une sélection! Mais il faut refermer ce chapitre 2013: l'année 2014 frappe déjà à la porte et le SIHH va très vite arriver maintenant. Décidément, le petit monde horloger ne nous laisse pas souffler et malgré la qualité de l'année 2013, nous ne sommes pas rassasiés et nous attendons tous avec impatience de découvrir les premières nouveautés 2014. Les pré-SIHH de décembre 2013 semblent en tout cas prometteurs! Je vous souhaite une très belle fin d'année.