Dans le monde de la littérature, l'écueil du second roman est souvent évoqué. Je pense qu'une analogie peut-être faite avec celui de l'horlogerie. Pour les nouvelles marques qui ont présenté des premières montres marquantes, innovantes, il est très difficile de passer à la seconde montre. Comment conserver cette dynamique, comment continuer à susciter de l'intérêt auprès des collectionneurs alors que l'effet de surprise ne sera forcément plus le même?
HYT s'est retrouvé dans cette position après avoir créé l'événement avec la H1 et son affichage du temps basé sur le mouvement d'un fluide à l'intérieur d'un tube capillaire. Considérée comme une clepsydre du XXIième siècle, la H1 provoqua de nombreux commentaires et réactions compte tenu des nombreux obstacles techniques qu'il fallut relever pour obtenir un tel résultat, et arrivant à convaincre tant du point de vue technique qu'esthétique.
La H2 se devait donc de répondre à plusieurs interrogations. Sa mission consistait à s'inscrire dans la même démarche que sa devancière pour poursuivre la création de l'identité de la marque tout en proposant un contenu suffisamment différent. Elle avait également pour but de répondre à des remarques faites sur la H1, notamment sur la pérennité du comportement du fluide.
En découvrant la H2, aucun doute n'est possible: la montre provient bien de chez HYT tant l'air de famille avec la H1 est incontestable. Les éléments communs sont multiples: le gabarit du boîtier (48,8mm de diamètre et 17,9mm d'épaisseur), le tube capillaire en arc-de-cercle parcouru par le liquide et qui sert à l'affichage des heures, la présence des deux réservoirs à soufflet (certes inclinés) en bas du cadran. Mais au bout du compte... tout change à l'intérieur du cadran.
En fait, c'est l'intégralité de l'animation du cadran qui a été revue. Si le liquide poursuit son parcours de 6 heures à 6 heures avant d'effectuer un mouvement rétrograde, de nouvelles fonctions font leur apparition et surtout, l'affichage des minutes est modifié. Le passage de la H1 à la H2 me semble similaire à celui observé chez Urwerk, des UR202/203 à la UR210. L'aiguille des minutes gagne en importance et occupe presque le premier rôle alors que c'était loin d'être le cas sur la H1. Elle attire le regard car de par sa forme, sa taille, elle se détache nettement des autres détails du cadran.
Cette aiguille est centrale. Nous pourrions alors nous attendre à ce qu'elle suive le même comportement que le liquide en adoptant un mouvement rétrograde. Fort heureusement, HYT fit le choix d'une animation distincte. L'aiguille longe la discrète graduation de façon presque traditionnelle. Cependant, au lieu d'éviter l'imposant "6" du cadran, elle l'effleure grâce à un saut instantané qui lui permet d'aller directement du 30 de droite au 30 de gauche. La graduation est donc légèrement différente de celle d'une montre classique puisque qu'elle n'occupe pas l'intégralité du pourtour du cadran. Elle nécessite une petite habitude pour lire l'heure avec précision: heureusement, les index des minutes correspondent bien à ceux des heures (le 15 est bien en face du 3, le 20 en face du 4) puisque les deux graduations forment des arc-de-cercles d'un même angle. L'effet pervers de ce système est que notre regard a tendance à comparer la position du liquide avec la graduation des minutes ce qui est perturbant.
Cette impressionnante aiguille centrale ne doit pas nous faire oublier la présentation du cadran qui est bien plus complexe et détaillé que celui de la H1. Incontestablement il se dégage de la H2 une atmosphère technique très contemporaine, à la limite du fouillis alors que la H1 donne l'impression d'être beaucoup plus ordonnée. Les deux montres ne jouent pas sur le même registre. La construction de la H1 souligne le rôle des réservoirs à soufflet et met en valeur le parcours du liquide tout en préservant la lisibilité: l'aiguille des minutes est simple à appréhender. La H2 joue sur les effets de relief, les éléments des mécanismes apparents, sur les affichages additionnels pour rendre le cadran plus animé et donner une impression de volume plus saisissante. Cependant ce que la montre gagne en spectacle, elle le perd peut-être en efficacité. Il y a à mon sens trop de démonstration ce qui finit par perturber le sens du principal message: le temps est affiché grâce à un liquide comme les clepsydres des temps anciens.
Il serait pourtant dommage de rester sur cette impression car le cadran de la H2 est un régal à observer pour tout amateur de mécanique élaborée et emmêlée. Le balancier apparent suspendu à une arche, les rouages et parties mobiles des complications qui se dévoilent tel un mouvement squelette sans oublier les deux réservoirs inclinés, tous ces composants finissent par donner l'impression d'être en face d'une machine étrange et fascinante à la fois.
Les deux complications additionnelles consistent en l'affichage de la position de la couronne (H= réglage de l'Heure, N= position Neutre, R=Remontage) et de la température du fluide. Lorsque la montre est portée, la température du fluide doit se trouver dans la plage qui assure un comportement optimal. Il ne faut pas oublier que les propriétés du liquide sont influencées par sa température et que le risque de fractionnement ou de mélange n'est jamais à exclure. Cet affichage est tout de même un peu stressant même s'il est très discret: concrètement, que faire si par malheur l'aiguille affiche une zone de température inappropriée? Je ne sais pas répondre à cette question.
L'affichage de la position de la couronne est une complication qui porte la signature de Renaud&Papi. En effet, alors que le mouvement de la H1 avait été développé avec Chronode, Renaud&Papi apporte son expertise pour proposer une architecture de calibre et des caractéristiques distinctes. La réserve de marche atteint les 8 jours ce qui est une excellente performance compte tenu de l'énergie nécessaire au fonctionnement des soufflets des réservoirs. La fréquence diminue en revanche en passant de 4 à 3hz. Au-delà de l'augmentation de la réserve de marche, j'imagine que ce choix est guidé par l'atteinte d'une fiabilité optimale.
A titre personnel, j'ai une préférence pour le rendu esthétique du mouvement de la H1 lorsque la montre est retournée. C'est évidemment dû à l'organisation du mouvement de la H2 qui privilégie la visibilité d'un maximum d'éléments côté cadran. L'austérité de l'arrière de la H2 n'occulte heureusement pas un détail qui a son importance: grâce à une astucieuse ouverture des barillets, ces derniers servent d'indicateur de réserve de marche (low à gauche, high à droite), un affichage fort utile pour une montre à remontage manuel à longue réserve de marche.
Le confort au porté de la H2 est similaire à celui de la H1, les gabarits étant similaires. Le boîtier en titane est léger et son revêtement DLC noir tente de diminuer la taille perçue. En revanche, malgré les similitudes avec la H1, la H2 ne provoque pas les mêmes sentiments. La présentation presque rationnelle de la H1 laisse place ici à une multitude de détails qui captent le regard. Le paradoxe de cette montre est finalement la présence de cette grande aiguille des minutes alors qu'à la rigueur, la position du liquide entre deux index des heures fournit une indication des minutes, un peu comme une montre monoaiguille. L'ensemble est spectaculaire, excellemment fini car la H2 donne plus de possibilités de travailler à ce niveau que sa devancière. Cependant, je préfère la H1 pour son côté plus brut et plus pratique. En outre, j'apprécie particulièrement la découpe des ponts et le style très contemporain du mouvement de la H1 alors que la H2 concentre quasiment tout son intérêt côté cadran. En un sens, la H1 m'apparaît comme plus équilibrée et homogène.
Malgré ces réserves, j'ai apprécié la volonté affichée par HYT de poursuivre dans la démarche initiée par la H1 tout en proposant des nouveautés dans le contenu horloger. Le choix d'un motoriste différent est une excellente idée car malgré un contexte similaire, la dimension mécanique est renouvelée. Maintenant, j'attends HYT sur d'autres pistes d'utilisation du liquide: l'affichage des heures a été réalisé deux fois, pourquoi ne pas impliquer le liquide dans une complication spécifique ce qui créerait une façon originale et nouvelle de l'aborder?
La H2 est commercialisée dans le cadre d'une série limitée de 50 exemplaires par modèle. Seule la version titane DLC noir a été présentée à ce jour mais 3 autres modèles sont prévus pour une durée de production totale de 4 ans.
Merci à l'équipe de HYT pour son accueil à Baselworld 2013.
Les plus:
+ malgré un contexte similaire, HYT arrive à renouveler son approche
+ les détails du cadran, ses effets de profondeur et son rendu très mécanique
+ la réserve de marche élargie
+ la touche Renaud&Papi
Les moins:
- la complexité du cadran distrait le regard et fait perdre l'essentiel, le parcours du liquide
- l'aiguille centrale des minutes n'apporte finalement aucune amélioration de la lisibilité
- l'arrière de la montre n'est pas aussi convaincant malgré l'astucieux affichage de la réserve de marche